« Le Cirque du Soleil vit un nouvel âge d’or »

Le nouveau spectacle Kurios du Cirque du Soleil

Le Cirque du Soleil, c’est l’histoire magique d’une renaissance. En 2020, la pandémie oblige la célèbre entreprise québécoise de divertissement artistique à annuler abruptement des dizaines de spectacles et à licencier des milliers d’employés. Privée de toutes ses rentrées financières, elle frôle la faillite avec une dette au-delà du milliard d’euros. Aujourd’hui, le Cirque du Soleil est plus solide financièrement qu’avant. A la veille de son premier spectacle « Kurios » à Brussels Expo, Trends Tendances s’est entretenu avec Stéphane Lefebvre, son CEO depuis fin 2021.

Comment le Cirque du Soleil s’est-il relevé de la pandémie?

Stéphane Lefebvre, CEO de Cirque du Soleil Entertainment Group

Avant la pandémie, notre entreprise générait un revenu d’un milliard de dollars et, de manière subite, nous sommes passés à zéro! Après avoir frôlé la faillite en 2020, nous avons réussi en novembre de la même année à clôturer un nouveau financement. Il nous fallait trouver 300 millions de dollars pour relancer les opérations. C’est ce montant que les nouveaux investisseurs ont mis à notre disposition.

C’était un véritable pari sur l’avenir mais, à ce moment-là, nous avons senti que nous pouvions repartir sur de bonnes bases. Je dois avouer que nous nous sommes montrés assez conservateurs au moment de travailler au nouveau plan d’affaires parce que nous étions bien conscients que nous n’aurions pas plusieurs chances d’aller chercher du financement. Nous sommes restés très prudents pour relancer nos opérations à l’été 2021. La chose la plus simple était de reprendre nos activités à Las Vegas en résidence, parce que l’équipement dont nous avions besoin, le personnel, les artistes, les techniciens ,… tout était déjà sur place.

Quels étaient les plus grands risques lors de la relance ?

Il y avait deux risques importants. Le premier : est-ce que les artistes voudront bien revenir travailler avec nous ? Non seulement, ils sont revenus en masse, mais ils étaient physiquement aussi en bien meilleure forme qu’on l’avait imaginé. Ils avaient continué à s’entraîner pendant tout le confinement. Cela a grandement facilité la reprise des spectacles.

Le spectacle Kurios du Cirque du Soleil.

Le deuxième grand risque était : est-ce que le public va vouloir revenir dans les théâtres et acheter des billets ? Et oui, le public était présent. J’étais sur place à Las Vegas lors du tout premier spectacle post-pandémie et quand j’ai vu la foule qui était au présente, je me suis dit « ça y est, ça va bien fonctionner !».

Les gens avaient cette envie, ce besoin de revoir des spectacles. Ensuite, nous avons relancé les tournées vers la fin de l’année 2021, jusqu’au milieu 2022. Elles ont battu des records historiques dans plusieurs marchés, notamment en Europe, à Londres et en Espagne, ainsi qu’en Amérique du Nord.

Plus qu’une relance, peut-on parler de renaissance pour le Cirque du Soleil ?

Je pense bien que oui. En interne, nous évoquons notre envie de récréer un nouvel âge d’or du Cirque du Soleil après la pandémie. Et je dois avouer que depuis la relance – je touche du bois – les choses vont vraiment bien. Je suis très content.

Pour vous, c’était inespéré de renaître de la sorte ?

Nous avons toujours cru en la force de la marque du Cirque du Soleil à travers le monde. En Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Europe, en Asie, en Australie,… sur tous les continents, elle jouit d’un grand rayonnement. C’est là qu’était la clé. Si la marque n’avait pas été aussi forte, la relance aurait été bien plus difficile.

Le spectacle Kurios du Cirque du Soleil.

Au niveau de vos finances, avez-vous, à ce jour, retrouvé votre niveau pré-pandémique ?

Nous nous situons à un niveau qui est très similaire en termes opérationnels, à celui d’avant la pandémie. C’est ironique, mais notre entreprise est même aujourd’hui plus solide financièrement qu’elle ne l’était avant. Notre chiffre d’affaires est de près d’un milliard de dollars américains sur une base annualisée, à la différence que notre niveau d’endettement est nettement inférieur. Il représente désormais la moitié de ce qu’il était avant la pandémie. Nous avons évolué vers une entreprise qui a moins de dettes, un bon niveau de liquidités et un modèle d’affaires qui tend à diversifier le divertissement live par l’ajout d’autres offres, surtout numériques.

Voyez-vous le divertissement numérique comme une forme de concurrence ?

C’est clair que la pandémie a changé le rapport que les gens ont avec le divertissement. Ils se sont accrochés à Netflix et à d’autres plateformes de streaming. Nous ne voyons pas cela comme de la concurrence. Je pense plutôt que ces deux types de divertissements sont très complémentaires. Et ce n’est pas le cas juste pour nous, ça l’est aussi pour les groupes de musique, lorsqu’ils se produisent en concerts et en festival. Les gens ont besoin de sortir, de se retrouver et de vivre des expériences qui sont uniques en dehors de leur salon et des plateformes de streaming.

Le spectacle Kurios du Cirque du Soleil.

Comment vous adaptez-vous concrètement à cette nouvelle réalité?

C’est important pour nous de diversifier notre offre car la tendance va durer. Nous développons des formats très spécifiques pour ces plateformes-là. L’idée est vraiment de pouvoir offrir une expérience beaucoup plus complète à nos fans et à notre public. On a lancé récemment une plateforme d’expériences immersives sur Roblox, cette plateforme de jeux interactifs pour les plus jeunes avec 70 millions de joueurs chaque jour. Cela nous permet de toucher un nombre incroyable de personnes. Notre stratégie dans les prochaines années est de continue à développer différents formats numériques pour entretenir cette complicité avec nos fans, en dehors de nos spectacles.

Quels sont vos autres projets pour l’avenir?

Nous venons tout juste de lancer un nouveau spectacle itinérant sous chapiteau. Nous travaillons également sur différents formats qui ont eu du succès dans certains pays. Notamment, un spectacle de type cabaret à Las Vegas qui pourrait très bien fonctionner ailleurs dans le monde. Un souper spectacle fonctionne très bien au Mexique pour le moment. Nous avons noué des partenariats, qui ne sont pas encore publics, pour exporter ces concepts de spectacles plus intimistes, en Europe et en Asie.

Le spectacle Kurios du Cirque du Soleil

Cette diversification et multiplication des formats est-elle une nécessité financière ?

Les chapiteaux de nos spectacles itinérants comportent une infrastructure qui est très volumineuse et complexe en terme logistique. Elle ne convient pas à tous les marchés. Il est important pour nous de développer des spectacles dans des formats différents et dans des endroits plus petits comme des théâtres, avec une scène plus traditionnelle qu’on appelle « à l’italienne ». Se diversifier de la sorte n’est pas une nécessité financière, mais une opportunité de croissance intéressante.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content