Le business des restaurants étoilés : combien gagnent-ils ?
Il n’y a pas un grand chef cuisinier qui ne rêve pas de décrocher trois étoiles Michelin pour les associer au nom de son restaurant. Parce qu’il s’agit, culinairement parlant, d’une consécration, mais aussi, financièrement parlant, d’un fameux coup de pouce. En Flandre, les trois restaurants trois étoiles – Boury, Hof van Cleve et Zilte – sont incontestablement en tête du palmarès financier. C’est ce qui ressort d’une étude menée par Trends et Trends Business Information sur les finances des restaurants étoilés.
Au dernier étage du MAS (Museum aan de Stroom) à Anvers se trouve le Zilte. Ce restaurant trois étoiles illustre parfaitement les avantages que peut impliquer de décrocher une étoile. L’établissement a obtenu sa troisième étoile Michelin au début de l’année 2021. Depuis, les chiffres parlent d’eux-mêmes. La marge brute a plus que doublé, le résultat d’exploitation a été multiplié par cinq et le résultat net fait encore mieux.
“C’est bien la conséquence d’avoir obtenu cette troisième étoile. Nous ne devrions pas le cacher”, estime la propriétaire et chef cuisinière Viki Geunes (50 ans). “Il est vrai que l’année 2020 a été une année corona. Nous avons donc entièrement rénové le restaurant durant cette période, ce qui a représenté un gros investissement. Nous l’avons fait en vue d’obtenir une troisième étoile. Avec une telle récompense, un restaurant flamand se retrouve soudain sur la carte mondiale de la gastronomie. Il y a à peine 150 restaurants dans le monde qui ont trois étoiles Michelin. »
Zone rouge
Une enquête menée par Trends, en collaboration avec Trends Business Information, la base de données économiques et financières de Roularta, confirme les conclusions de Viki Geunes.
Sur base de la liste Michelin 2023, nous avons examiné les bilans de 141 restaurants, avec trois paramètres centraux. Premièrement, la solvabilité, c’est-à-dire dans quelle mesure les restaurants étoilés disposent de suffisamment de fonds propres pour financer leurs activités. Deuxièmement, la valeur ajoutée. En d’autres termes, quelle est la différence entre la valeur marchande des plats servis par les restaurants étoilés et l’achat des denrées et autres matières premières ? Troisièmement, nous avons calculé le montant des liquidités générées annuellement par ces restaurants.
Nous avons comparé les chiffres de 2021 avec ceux de 2019. Dans la mesure du possible, car certains établissements n’existaient pas en 2019. D’autres, par exemple les entreprises individuelles, n’établissent pas de bilan.
“La situation globale n’est pas trop mauvaise”, estime Pascal Flisch, analyste chez Trends Business Information. “Les restaurants étoilés ne se portent certainement pas plus mal que le reste du secteur. Les restaurants avec une étoile sont plus fragiles que ceux avec deux ou trois étoiles. Et ce que l’on remarque clairement, c’est que les restaurants trois étoiles font partie de l’élite, non seulement de la gastronomie, mais aussi de la finance. Les restaurants trois étoiles obtiennent de très bons résultats pour tous les paramètres. L’ascension du Zilte vers les sommets est frappante.
Sur les 121 restaurants une étoile, 33 se trouvent dans la zone rouge, avec une solvabilité inférieure à 15%. L’écart est également visible en ce qui concerne la valeur ajoutée. Seuls 47% des restaurants une étoile atteignent une valeur ajoutée de plus d’un quart de million d’euros, contre deux tiers des restaurants deux étoiles. En d’autres termes, plus il y a d’étoiles, meilleure est la qualité et plus les prix de la carte sont élevés. Il en va de même pour la trésorerie. Seul un septième des restaurants une étoile atteint un quart de million d’euros de flux de trésorerie. Ce chiffre passe à 40 % pour les restaurants deux étoiles.
Combien coûte un repas ?
Les restaurants trois étoiles font également de plus grands bénéfices nets et des plus grands flux de trésorerie. Le restaurant Boury à Roulers a connu le même effet « booster trois étoiles » que Zilte. Le chef Tim Boury (40 ans) a obtenu sa troisième étoile Michelin au début de l’année 2022, ce qui lui a permis d’engranger immédiatement des bénéfices. Grâce aux résultats de l’exercice allant de début juillet 2021 à fin juin 2022, Boury tient la tête du classement. En effet, l’année précédente, l’entreprise n’était que cinquième pour le bénéfice net et onzième pour le cash-flow.
L’entreprise familiale, composée de Tim, de sa femme Inge Waeles (40 ans) et de son frère Ben (35 ans), n’a pas souhaité accorder d’interview à nos collègues de Trends. À la mi-novembre de l’année dernière, Ben Boury a toutefois laissé entendre, au journal De Tijd, que Boury devait être le moins cher des trois restaurants trois étoiles. “Nous ne pensons pas avoir le même pouvoir de fixer des prix comme Le Zilte, situé au milieu d’une grande ville dans un endroit unique, ou comme Hof van Cleve, une institution qui est au sommet depuis si longtemps. » Pourtant, les prix affichés sur le site web racontent une autre histoire. Le prix de départ d’un menu (sans les vins) est de 250 euros chez Boury contre 210 euros chez Zilte.
Le Hof van Cleve à Kruishoutem domine sans partage le prix des menus, avec un montant de départ de 450 euros, selon son site web. Le restaurant du chef étoilé flamand Peter Goossens est donc celui qui gagne le plus. Le Hof van Cleve possède trois étoiles depuis 2005. Pour Peter Goossens, 59 ans, c’est une bonne chose puisqu’il vend le restaurant. Floris Van der Veken, actif dans la cuisine depuis des années, sera le nouveau propriétaire et exploitant, à partir de l’année prochaine.
“Nos prix ont augmenté 25% à 30%”, conclut Viki Geunes, Le Zilte. “Mais cela est dû également à la pandémie et à l’inflation. Mais ces prix plus élevés nous permettent aussi de travailler avec de meilleurs produits. La sélection pointue et exigeante de poissons et de viandes a un prix”.
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