La tentation du cockpit: aviateur, un métier attractif
Après un fameux trou d’air, la profession de pilote redevient attractive. Les écoles de pilotes, comme CAE (ex-Sabena Flight Academy) ou New CAG, à Gosselies, font le plein. TUI Fly a repris l’embauche.
La demande en pilotes repart à la hausse. Les centres de formation le remarquent. “Nous sommes revenus au rythme de plus de 80 élèves par an”, indique Sébastien Novalet, CEO de l’école CAE située à Steenokkerzeel, héritière de l’école de la Sabena. Même écho à New CAG, à l’aéroport de Gosselies. “Le marché va être très demandeur”, estime Denis Petitfrère, CEO de l’entreprise, qui annonce former 25 à 30 licenciés professionnels par an.
Sur le terrain, en Belgique, les échos sont contrastés. Si TUI Fly annonce chercher 16 copilotes rapidement et Air Belgium des pilotes de 747, Brussels Airlines n’en est pas encore là. La compagnie annonce l’engagement de 288 personnes, mais pas encore de recrues pour le cockpit. Lors du plan de restructuration négocié durant le premier confinement, les pilotes de la filiale belge de Lufthansa avaient accepté, pour conserver leurs emplois, de travailler temporairement à temps partiel. “Avec l’augmentation du trafic, ils passent à présent de 95 à 100% d’un temps plein”, indique Kim Daenen, porte- parole de Brussels Airlines.
Beaucoup de compagnies recrutent car le trafic s’accroît. Le baromètre publié tous les jours par Eurocontrol le montre. Au 18 avril, le trafic européen était passé à -17,1% par rapport au même jour en 2019, contre -63% un an auparavant. L’écart ne cesse de se réduire malgré le conflit ukrainien. “Il y a plusieurs facteurs qui expliquent cette hausse, explique Sébastien Novalet. La demande de vols cargo a augmenté, poussée par l’e-commerce. Les compagnies commencent aussi à réfléchir à leur redéveloppement.” EasyJet a ainsi confié à CAE un plan de formation et de recrutement de 1.000 pilotes sur les cinq années à venir, qui concerne différentes écoles CAE en Europe, dont celle située en Belgique. “Avant le covid, la demande était située à 10.000 pilotes par an dans le monde, poursuit Sébastien Novalet. Nous estimons qu’elle s’élèvera à 260.000 pilotes pour les 10 ans à venir.” Soit, en moyenne, 26.000 pilotes par an.
“Il y a une demande aussi parce que le marché redémarre et que certains pilotes ont quitté le métier pendant la pandémie et ne reviennent pas, fait remarquer Denis Petitfrère, de New CAG. Ces pilotes ont redécouvert la vie de famille, leur maison, et ont changé de métier.”
Ces perspectives très optimistes sont envisagées avec un léger scepticisme par certains pilotes. “Les écoles ont bien sûr intérêt à parler d’une demande en croissance”, déclare ce pilote de 747. Mais celui-ci souligne qu’il y a des nuages potentiels à l’horizon, qui vont d’un rebondissement du covid à une pression pour réduire les vols pour raisons environnementales.
De 65.000 à 104.500 euros
En Europe, la formation est assurée en quasi-totalité par des écoles privées, non subsidiées mais certifiées par les pouvoirs publics. Le métier attire des passionnés. Devenir pilote de ligne en deux ans est possible. Du moins si l’on est prêt à payer la formation dont le prix varie de 50.000 et plus de 100.000 euros pour obtenir la licence de pilote commercial, à quoi s’ajoute la qualification sur un modèle particulier d’avion.
En général, les candidats pilotes payent tout ou partie de la facture, même si une compagnie “sponsorise” la formation. Ainsi, en Belgique, TUI Fly vient de relancer une formation rapide de pilote en 18 mois organisée par la compagnie. Elle coûte 58.000 euros pour la licence professionnelle et la certification sur Boeing 737, avec la perspective d’un contrat de six mois, qui peut-être prolongé. C’est moins cher que le coût d’une formation “non sponsorisée”, mais la licence, appelée MPL, est limitée aux vols sur les avions de la compagnie. Pour pouvoir voler ailleurs, il faudra suivre une formation complémentaire ou afficher un certain nombre d’heures de vols.
Ryanair a aussi lancé un programme (payant) à l’adresse de 500 candidats pilotes, en France, avec l’école Astonfly. La formation se déroule sur deux ans afin de faire face à l’arrivée de nouveaux avions dans sa flotte. La compagnie irlandaise attire pas mal de critiques et n’offre pas les conditions salariales d’Air France mais sa croissance importante, interrompue par la pandémie, en fait un des premiers demandeurs de pilotes en Europe. Y passer quelques années peut valoriser le pilote pour décrocher un poste attractif dans les cockpits d’autres compagnies.
La Belgique compte une demi- douzaine d’écoles menant à la qualification de pilote professionnel (de ligne, d’avion d’affaires, etc.). CAE est un acteur international, qui est à l’origine un fabricant de simulateurs de vols et qui fête ses 75 ans. Le groupe travaille avec de nombreuses grandes compagnies. Notamment pour les entraînements sur simulateur, que les pilotes en service suivent tous les six mois. CAE dispose à Steenokkerzeel de six simulateurs qui permettent aux pilotes de Brussels Airlines, notamment, de voler virtuellement sur des longs-courriers A330 ou moyens-courriers A330.
Si CAE est une organisation internationale réputée, elle se paie. La formation pour obtenir la licence de pilote professionnel revient à 104.500 euros. La certification sur un modèle d’avion est en sus. “Nous avons un bon taux de placement, assure Sébastien Novalet pour justifier ce tarif. C’est un peu comme les universités: certaines sont chères ¬ regardez Harvard ¬ mais vous avez une perspective professionnelle élevée.”
L’approche de New CAG est différente. Il s’agit d’une école locale, basée à l’aéroport de Gosselies, à côté du terminal de l’aviation générale. Ses tarifs sont plus bas. “Il faut compter 65.000 euros pour la formation en vue de la licence professionnelle, précise Denis Petitfrère. Le programme est modulaire. Les aspirants pilotes peuvent étaler la formation pour qu’elle s’adapte à leurs moyens. L’école assure aussi la formation de pilotes privés (licence à presque 11.000 euros). Elle n’organise pas de formation “sponsorisée” par des compagnies, mais cela n’empêche pas ses licenciés d’être recrutés par des compagnies importantes. “Récemment, deux licenciés ont été recrutés par Ryanair”, assure Arnaud Libeau, administration officer à New CAG.
Des avions d’écolage made in Belgium
New CAG ne dispose pas de simulateurs d’avions de ligne mais d’un simulateur d’avion d’entraînement. Elle a un accord avec une société irlandaise pour les formations nécessitant le passage dans un simulateur de Boeing 737. Elle forme ses élèves pilotes sur des monomoteurs Sonaca 200 fabriqués à Temploux. Elle en a commandé huit, presque tous livrés. Elle dispose de neuf avions, dont trois bimoteurs Diamond DA 42. “Nous commençons à attirer des étudiants français qui recherchent une immersion anglophone et une météo très variable, ce qui est utile pour apprendre à piloter”, note Denis Petitfrère.
Il y a toutefois moyen de trouver des programmes moins chers, en Espagne ou en Pologne, où des formations sont possibles pour environ 45.000 euros…
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