La situation des grandes entreprises belges actives à l’international pourrait s’aggraver
De toutes les entreprises belges, ce sont les grandes entreprises, actives à l’international et fortement investies, qui ont pris le plus mauvais virage lorsqu’on analyse les bilans de 2022. Et la situation pourrait même encore s’aggraver en 2023. C’est ce que révèle le témoignage d’un ténor de l’industrie: Luc Leunis, directeur de production de Vynova Group.
2022 a été une année exceptionnelle pour l’entreprise chimique Vynova Belgium, avec un chiffre d’affaires record de 1,84 milliard d’euros (porté par des matières premières extrêmement chères) et un bénéfice d’exploitation, qui a presque doublé, pour atteindre 251 millions d’euros. “La demande a été très forte en 2022 après la pandémie”, explique Luc Leunis, directeur de production du groupe. Vynova Belgium possède une usine de 55 hectares à Tessenderlo et emploie 554 personnes. “La demande a été alimentée par de lourds investissements dans la construction et l’infrastructure. Bien que les prix de l’énergie aient atteint des sommets l’été dernier, nous avons pu largement répercuter ces coûts. Les dépenses salariales ont également fait un bond en avant alors que le nombre d’employés est resté le même : les coûts salariaux ont augmenté de 9 %.
Cependant, cette année s’annonce particulièrement sombre toujours en raison des prix élevés de l’énergie. Ceux-ci sont encore deux à trois fois plus élevés qu’avant la pandémie. Vynova est l’un des plus gros consommateurs d’électricité et de gaz en Belgique. L’entreprise fabrique du PVC, qui entre dans la composition de milliers de produits. Les revêtements de sol en vinyle, les fenêtres et les portes sont les applications classiques, mais il faut aussi penser aux tuyaux, aux égouts et aux descentes d’eau. On trouve également ce plastique à l’intérieur des voitures ou dans les cartes bancaires, et il est largement utilisé en médecine pour les poches de sang, les cathéters, les tubes, les baxters et l’emballage sous blister des pilules. Dans le domaine de la production de PVC, Vynova est le numéro deux en Europe. Basée à Tessenderlo, Vynova possède également des usines en Allemagne, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.
“Il faut donc prendre les bons chiffres de l’année dernière avec un très, très gros recul”, souligne Luc Leunis. “Traditionnellement, l’énergie en Europe était deux fois moins chère que celle de nos concurrents du Moyen-Orient et des États-Unis. Aujourd’hui, elle est trois à quatre fois plus chère. Le fait que les prix du PVC soient élevés en Europe rend notre marché attractif pour les producteurs américains. Leur PVC est beaucoup moins cher. Nous ne pouvons plus vendre nos produits, pour ainsi dire, dans la rue “.
Ce n’est pas le seul facteur négatif. Le secteur de la construction ralentit considérablement, ce qui réduit un des marchés essentiels de l’entreprise. Le PVC européen n’est également plus demandé dans les pays où, traditionnellement Vynova exportait, tels que la Turquie et les pays du Moyen-Orient. On s’attendait à une reprise en Chine, mais le marché de la construction y est au point mort.
“Nous encaissons cette tendance négative et ces changements fondamentaux depuis la fin de l’année dernière”, prévient Luc Leunis. “Les prix des produits chimiques européens ont été forcés à la baisse, nos prix de revient sont plus élevés en raison des prix de l’énergie et de l’inflation, et nos volumes de vente ont fortement diminué. Notre capacité de production est inférieure à 80 %, or nous devons atteindre ce niveau si nous voulons faire des bénéfices. Nous sommes actuellement dans une période très difficile. C’est ce que j’appelle la zone rouge”.
Et justement, la Commission européenne impose au secteur chimique de nombreuses réglementations en vue d’une écologisation accélérée. “Ces mesures sont nécessaires, mais la Commission européenne doit absolument faire quelque chose à propos de nos coûts énergétiques élevés. Et les subventions françaises et allemandes à leurs industries nationales rendent la Belgique encore plus vulnérable “, conclut M. Leunis.
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