Lancée par deux entrepreneurs belges expatriés à New York, Belgian Boys s’impose comme une marque de petit-déjeuner leader sur le marché américain. Produits sains et gourmands, récit parfaitement maîtrisé, packaging percutant, stratégie de niche et forte croissance, voici les ingrédients de cette “success story” belge.
Vous ne les trouverez dans aucun supermarché en Belgique, et pourtant, les gaufres, crêpes et autres spécialités belges de la marque Belgian Boys font un carton chez Walmart aux États-Unis. Fondée à New York par deux expatriés belges, la société s’est hissée en moins de 10 ans parmi les références montantes du marché américain.
Tout a commencé par une valise remplie de gaufres de Liège, de chocolat et de “couques” que Gregory Galel, alors étudiant en commerce international à Boston, ramenait de ses allers-retours en Belgique. Ses amis américains raffolaient de ces gourmandises made in Belgium et lui demandaient où ils pouvaient en acheter. L’idée germe dans la tête de l’étudiant étranger. Animé par son esprit d’entreprendre, il se lance dans la création de sa propre gamme de produits pour le petit-déjeuner, pratiques et prêts à consommer. Il sera bientôt rejoint dans l’aventure par Anouck Gotlib, sa compagne, rencontrée – pour la petite anecdote – sur un vol Continental Airlines Bruxelles-New York.
Une histoire de cœur

“À l’époque, je faisais un stage chez Zac Posen à New York. Mais j’ai toujours été attirée par l’entrepreneuriat. Greg a grandi dans une famille où nourriture rime avec convivialité. Ce lien affectif fait partie de notre ADN. Belgian Boys n’est pas né d’un business plan sorti d’un cabinet de conseil. C’est une histoire de cœur, de souvenirs gustatifs, et aussi de nostalgie de la mère patrie. Un vrai projet d’expats qui voulaient recréer un peu de leur culture à des milliers de kilomètres de chez eux”, confie Anouck Gotlib, CEO et cofondatrice.
“Belgian Boys, c’est une histoire de cœur, de souvenirs gustatifs, et de nostalgie de la mère patrie.”
À leurs débuts, en 2015, le couple sillonne inlassablement Manhattan en camionnette pour vendre ses gaufres de Liège et stroopwafels dans des petits commerces. Très vite, ils comprennent que l’argument made in Belgium ne suffit pas.
“La majorité de nos clients n’ont jamais mis les pieds à Bruxelles”, commente Anouck Gotlib. Notre identité est 100% belge, mais les gens n’achètent pas nos produits pour des raisons culturelles. Ce qui les attire, c’est d’abord le visuel, le goût, l’expérience. Et surtout, le fait que nos produits se situent un cran au-dessus de ce qu’ils consomment d’habitude. À mesure que nous grandissions, nous avons dû affiner notre discours. Au lieu de simplement vendre des gaufres, nous avons proposé un upgrade du petit-déjeuner, en mettant en avant la qualité, l’authenticité et la praticité de nos produits. Cela nous a aidés à entrer dans de plus grandes enseignes, mais le chemin a été long.”
Cinq produits phares
Belgian Boys propose, dans un premier temps, une large gamme : crêpes, gaufres, cookies, fondants au chocolat, tartes… Mais la complexité logistique les pousse à la simplification. En 2022, un tournant est opéré. La marque se concentre sur cinq articles phares : gaufres liégeoises, crêpes, mini pancakes, mini pancakes aux pépites de chocolat belge, et griddle pancakes (pancakes épais). “C’est notre force : un assortiment resserré, mais parfaitement exécuté”, explique sa dirigeante. Et la sauce prend. Aujourd’hui, les produits sont présents dans plus de 12.000 points de vente aux États-Unis, dans de grandes enseignes comme Target, Walmart, Kroger, Costco ou encore Whole Foods.

Le succès de Belgian Boys repose notamment sur son univers joyeux soigneusement élaboré. “Ma formation en mode m’a permis d’insuffler une véritable stratégie de marque et de storytelling à notre projet. Aux États-Unis, le packaging est capital : il raconte l’histoire de la marque et doit se sortir du lot”, commente Anouck Gotlib.
Ce positionnement original tranche avec l’austérité d’autres labels européens concurrents. L’emballage flashy, les mascottes arborant moustache et chapeau melon, les messages décalés ne sont toutefois pas que des artifices. Ils incarnent la mission de la société, résumée en un slogan : “Spark moments of joy“.
Aux États-Unis, le packaging est capital : il raconte l’histoire de la marque et doit se sortir du lot
“Spark moments of joy“
“Nous voulons que chaque interaction avec nos produits crée des petits moments de joie. L’expérience commence au supermarché et se poursuit à la maison, avec un petit-déjeuner de qualité contenant des ingrédients sains, sans OGM, sans arômes artificiels, ni conservateurs”, affirme la cofondatrice de Belgian Boys. Et sur ce point, elle ne fait aucun compromis. “Quand une partie de notre production a été rapatriée aux États-Unis, il nous a fallu 18 mois pour nous assurer de retrouver le niveau de qualité exigé”, souligne-t-elle.
Un tote bag qui fait le buzz
Anouk Gotlib nous confie une anecdote assez parlante sur le succès de Belgian Boys aux Etats-Unis lors de leur présence au dernier salon Expo West dédié aux produits naturels, biologiques et durables. “Cette année, nous avons édité un tote bag un peu plus original que d’habitude, le pink puffer tote. Il a eu un tel succès que les gens se sont mis à faire la file. Il y avait 500 personnes devant notre stand ! On a dû faire intervenir la sécurité, et ensuite mettre en place une liste d’attente avec plus de 1 000 personnes inscrites… Un simple sac est devenu l’emblème de notre esprit de marque : fun, joyeux, décalé.”
À la conquête du rayon frais
Autre virage stratégique majeur : le passage du surgelé au réfrigéré. “Aux États-Unis, les produits pour le petit-déjeuner sont congelés. Nous avons donc suivi les normes du secteur et lancé nos produits dans ce rayon, à côté de grandes marques historiques de ce qu’on appelle ici le frozen breakfast comme Eggo de Kellogg’s. Nous obtenions de bons résultats, mais, au fond de nous, nous sentions que ce n’était pas notre place. En Europe, les produits pour petit-déjeuner côtoient les œufs, les yaourts, le lait, le beurre, les muffins, etc. C’est ce modèle-là, inspiré de la consommation et du merchandising européen, que nous voulions transposer. Nous avons alors pris le risque d’aller à contre-courant”, retrace Anouck Gotlib.
Mais la création de cette toute nouvelle catégorie de petit-déjeuner réfrigéré ne se passe pas sans heurts. “Nous avons dû convaincre les supermarchés d’intégrer notre assortiment dans le rayon frais, et esssuyé pas mal de refus. C’était un vrai cauchemar logistique. Nous perdions de l’argent, mais nous voulions vraiment valider notre hypothèse”.
La stratégie se révèle finalement payante. “Les ventes en réfrigéré chez Walmart dépassaient nos chiffres en surgelé chez Whole Foods. Belgian Boys a même été la marque émergente à la croissance la plus rapide sur Instacart en 2024 (ndlr : un acteur majeur de la vente en ligne de produits alimentaires en Amérique)”, vante la cheffe d’entreprise.
“Task force” douanière

À l’origine 100% européenne, la production est aujourd’hui partagée entre l’Europe (Belgique, France, Pays-Bas) et les États-Unis.
“Nos produits sont fabriqués selon des recettes authentiques qui nécessitent un savoir-faire traditionnel, stipule la CEO de Belgian Boys. Environ 40% de notre production est en Europe, 60% est désormais aux États-Unis. Cette transition vers une production locale s’est accélérée en 2024 pour des raisons stratégiques. C’est une façon de gagner en durabilité, mais surtout de rendre notre chaîne d’approvisionnement plus résiliente face aux incertitudes des droits de douane ou aux crises comme celle du Covid-19.”
Les tensions commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis constituent un véritable défi que la société affronte sereinement. Le chocolat intégré dans les pancakes est notamment fourni par Callebaut. “Une taxe de 20% sur un produit vendu 5 dollars, c’est considérable. Dans l’alimentaire, où les marges sont faibles, chaque centime compte, avance Anouck Gotlib. La guerre commerciale nous a obligés à nous poser des questions compliquées : Est-ce qu’on absorbe le coût ? Est-ce qu’on le répercute sur le consommateur, ou on le partage avec nos partenaires ?”, expose-t-elle.
“La guerre commerciale nous a obligés à nous poser des questions compliquées.”
Dans ce contexte imprévisible, une task force spéciale a été mise sur pied dès l’annonce des mesures par Donald Trump, dans le but de s’adapter rapidement aux hausses tarifaires sur les produits importés d’Europe. “Nous avons aujourd’hui internalisé ce mode de fonctionnement agile, nous sommes mieux protégés grâce à notre chaîne d’approvisionnement désormais basée en partie aux États-Unis. Surveiller la réglementation reste essentiel. Nous gardons sous le coude des scénarios prêts à adopter dans l’urgence.”
“Un endroit où il fait bon travailler”
Derrière ce business florissant s’affaire une équipe de 25 personnes éparpillées à travers les États-Unis et l’Europe. “Greg est le fondateur visionnaire. Il se concentre sur les produits, la qualité, l’innovation, la recherche, les relations avec les fournisseurs jusqu’au design de l’emballage. De mon côté, je pilote les opérations au jour le jour, la stratégie globale, la croissance, les relations investisseurs, et surtout, les ressources humaines”, détaille Anouck Gotlib, aussi appelée Chief Belgian Girl.

Car, malgré son appellation, la société se profile comme une entreprise dirigée principalement par des femmes. Au sortir de la crise sanitaire, il a été décidé de ne pas ouvrir de siège central et de garder le travail à distance. L’organisation prône un esprit collectif fort et organise chaque année un team building de plusieurs jours pour la cohésion de l’équipe. “Je veux que chaque employé vive chez nous la meilleure expérience de sa carrière dans un environnement de confiance, où il peut s’épanouir.”
Anouck Gotlib et son mari, tous deux dans la trentaine, pilotent Belgian Boys comme un projet de vie. “Je voulais construire un endroit où il fait bon travailler. Aujourd’hui, c’est notre American Dream“, partage la CEO.
Forte croissance et investisseur de renom
En 2022, la société a réalisé une levée de fonds de 7 millions de dollars, menée par Camino Partners (anciennement Equilibra Ventures), le fonds d’investissement de Daniel Lubetzky, fondateur des encas sains KIND Snacks. Elle a permis l’accélération de la production locale et le renforcement des équipes. En tant qu’entreprise privée, Belgian Boys ne rend pas ses comptes publics.

“Je peux juste vous dire que notre entreprise génère un chiffre d’affaires à 8 chiffres, donc entre 10 et 90 millions de dollars. En 2024, nous avons doublé notre CA par rapport à 2023. Nous poursuivons notre trajectoire de croissance en 2025, avec une forte percée dans les grandes enseignes américaines comme Target, Costco et Walmart”, laisse entendre sa responsable.
Malgré son succès grandissant, la marque alimentaire est totalement absente des rayons de supermarchés belges et ne dispose pas de webshop. Une expansion en Europe n’est, pour l’instant, pas au programme. “Nous recevons de nombreuses demandes internationales. Mais notre taux de pénétration aux États-Unis est encore sous les 5%. Le potentiel de croissance est grand. Nous voulons rester concentrés, dire non aux distractions. C’est une question de discipline, insiste Anouck Gotlib. Nous sommes passés de marque de niche à leader dans notre créneau, et c’est déjà extrêmement enthousiasmant”, conclut-elle.