La FlineBox, une borne éthylotest interactive qui sauve des vies

Adelin Jacques de Dixmude (à gauche) et son frère Maxence (à droite) ont cofondé Fline avec leur ami Zachary Roland. © PG/Fline

Chaque année, l’alcool au volant cause des milliers d’accidents. Face à ce constat alarmant, la société wallonne Fline a décidé d’agir avec une approche innovante : la FlineBox, une borne éthylotest interactive. La scale-up ambitionne d’imposer son modèle en Europe afin de changer durablement les comportements des conducteurs sous influence.

Quand un projet naît suite à un drame familial, il ne peut être porté que par une profonde passion et conviction. “J’ai perdu ma grand-mère dans un accident causé par un conducteur en état d’ébriété, confie Adelin Jacques de Dixmude, cofondateur de Fline. Depuis, je suis extrêmement sensibilisé aux dangers de l’alcool au volant.”

Avec son frère Maxence et leur ami Zachary Roland, leur vient l’idée de développer un outil accessible, ludique et fiable pour aider les fêtards à évaluer leur aptitude à conduire. En parallèle de leurs études d’ingénieur de gestion à l’UCLouvain, le trio conçoit une solution technologique – baptisée la “FlineBox” – qui permet d’estimer son taux d’alcoolémie en quelques secondes. L’aventure démarre en 2019, portée par leur ambition commune de renforcer la sécurité routière.

© PG/Fline

“J’ai souvent vu des amis affirmer qu’ils étaient en état de conduire alors que ce n’était pas le cas, constate Adelin Jacques de Dixmude. J’ai toujours fait tout mon possible, quitte à en venir aux mains, pour les en dissuader. Les chiffres des accidents liés à l’alcool stagnent en Belgique et en Europe. Les campagnes de prévention classiques et les messages répressifs perdent en efficacité. Il est temps d’adopter une nouvelle approche : plus pédagogique et interactive.”

La FlineBox repose sur un écran interactif intégrant un éthylotest ultra-précis, identique à ceux utilisés par les forces de l’ordre. Pour garantir la fiabilité des tests, Fline utilise la technologie avancée de l’allemand Dräger, référence en la matière. L’utilisateur insère un embout en papier-carton (breveté pour des tests de masse), souffle quelques secondes et obtient immédiatement son taux d’alcoolémie. Un code couleur simplifie l’interprétation : vert (rien à signaler), orange (prudence), rouge (dépassement de la limite légale).

En complément, la borne affiche les sanctions encourues en cas de contrôle – amendes salées ou durée estimée du retrait de permis – et propose des alternatives à la voiture. “L’objectif est de permettre à chacun de prendre une décision éclairée. Mais aussi, d’ouvrir le dialogue sur ces comportements à risque”, détaille le jeune entrepreneur wallon de 26 ans.

L’AWSR et Bruxelles Mobilité, premiers clients

En 2021, une première levée de fonds de 300.000 euros a permis de financer les premières bornes et leur déploiement en Belgique. En 2022, l’Agence wallonne pour la sécurité routière (AWSR) et Bruxelles Mobilité ont testé les dispositifs dans des bars et des festivals. Ces deux contrats avec les autorités ont permis à Fline d’asseoir sa crédibilité et d’approcher plus facilement des investisseurs privés.

L’ensemble du hardware et du software de la FlineBox est conçu dans des usines du Brabant wallon (Wavre et Nivelles). L’assemblage de la carte-mère est réalisé à Hannut, en province de Liège. Une petite fierté pour la société. “On nous conseillait de délocaliser pour réduire les coûts, mais nous avons préféré miser sur la qualité et soutenir l’économie locale, souligne le cofondateur de la scale-up. Nous voulions aussi démontrer qu’il est encore possible de produire de la tech en Belgique.” Quarante bornes sont produites par semaine et la cadence peut être progressivement augmentée.

Fline a réalisé pas moins de 900.000 tests en 2024, soit presque autant que la police (1,2 million).

À l’heure actuelle, 250 bornes fixes ou amovibles sont disposées un peu partout en Belgique. En 2024, la FlineBox a été déployée sur des événements importants comme les Fêtes de Wallonie, ainsi que sur une vingtaine de festivals (Rock Werchter, Graspop, Ronquières). Au Pukkelpop, 20.000 tests ont été réalisés. “Ce sont des endroits stratégiques, car un festivalier sur trois, en moyenne, s’y rend en voiture”, commente Adelin Jacques de Dixmude. Au total, Fline a réalisé pas moins de 900.000 tests en 2024, soit presque autant que la police (1,2 million). La société qui se compose désormais d’une dizaine de personnes souhaite renforcer sa présence lors des festivals en 2025 et cibler les stades de foot.

À l’heure actuelle 250 bornes fixes ou amovibles sont disposées un peu partout en Belgique. Fline vise les 750 bornes d’ici peu. © PG/Fline

Expansion internationale

La scale-up se tourne maintenant vers l’international. Elle a signé des partenariats avec le ministère de la Mobilité (l’équivalent de l’institut belge Vias) de Norvège, d’Irlande, de France, du Royaume-Uni et de Suisse. “Nous avons même eu l’honneur de passer sur la BBC pour expliquer notre approche”, s’enthousiasme son concepteur. Des discussions sont aussi en cours avec les autorités routières d’Espagne, du Portugal et de Slovénie. La FlineBox est alors adaptée aux législations locales, chaque pays ayant sa propre limite d’alcoolémie. “Ces différences influencent les comportements et la perception du risque. D’où l’importance de notre solution pour sensibiliser partout de la même manière”, expose Adelin Jacques de Dixmude.

Les autorités louent les bornes et les proposent ensuite gratuitement à des établissements horeca. Ces contrats, évalués entre 100.000 et 200.000 euros par an, représentent la source principale de revenus de Fline. La société développe en parallèle des solutions personnalisées pour les entreprises, notamment avec le groupe Stellantis. Elle souhaite attirer les annonceurs sur ses bornes pour diversifier ses revenus.

Autre coup de projecteur : Fline a été sélectionnée par la Pulse Foundation dans son programme d’accélération “Beyond” qui accompagne chaque année les jeunes sociétés à fort potentiel à structurer leur expansion et à optimiser leur fonctionnement. La scale-up a aussi remporté le 2e Prix de l’Innovation – parmi 119 finalistes issus d’une trentaine de pays – lors de la quatrième Conférence ministérielle sur la sécurité routière, co-organisée par l’OMS et qui s’est tenue à Marrakech le mois dernier.

Un impact sociétal sur la durée

Partie de rien voici trois ans, Fline a terminé 2024 avec un chiffre d’affaires d’environ 700.000 euros. Deux mille vingt-cinq, qualifiée “d’année de croissance”, devrait être synonyme de rentabilité. La scale-up ambitionne une forte croissance en intensifiant ses contrats à l’international (75% à l’étranger et 25% en Belgique) avec le secteur public et des entreprises privées. Une troisième levée de fonds est dans les cartons pour accélérer l’expansion en Europe et développer la technologie.

Avec l’objectif d’implanter 750 bornes d’ici peu, Fline ambitionne d’être leader en Europe. “Dans le monde, il n’existe aucune autre solution aussi accessible, intuitive et directement disponible dans les lieux de consommation de boissons alcoolisées”, assurent ses concepteurs. Mais au-delà du succès commercial, ces derniers désirent initier un mouvement plus global pour un réel changement de paradigme. “Sept personnes sur 10 affirment vouloir modifier leur comportement après s’être fait tester. Dans quelques années, nous pourrons voir une véritable évolution positive dans la société”, conclut Adelin Jacques de Dixmude.

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