La famille Nolmans, reine flamande du jouet
L’année 2024 aura été celle de la famille Nolmans. Relativement inconnue du grand public, elle est pourtant réputée dans le milieu du jouet en Flandre et aux Pays-Bas grâce à la chaîne de magasins ToyChamp. Mais c’est surtout avec les achats de DreamLand et Fun shops dans notre pays, ainsi que du leader du marché néerlandais Intertoys, que cette famille originaire du Hageland va se distinguer dans le milieu entrepreunarial flamand.
Les arbres meurent debout dit-on parfois au nord du pays. Cette citation figure dans la nécrologie d’Edmond Nolmans, disparu à l’âge de 79 ans. C’est à lui que l’on doit les débuts de la chaîne de magasins de jouets ToyChamp, surprenant leader de ce marché en Belgique et aux Pays-Bas. “Créateur et fondateur de ‘t Gouden Kruispunt. Fondateur de Nolman’s Family Shops. Mentor de ToyChamp“, pouvait-on lire dans son avis de décès.
Aujourd’hui, ‘t Gouden Kruispunt, situé sur l’avenue du même nom à Sint-Joris-Winge, en Brabant flamand, est devenu un centre commercial avec “des hectares de plaisir commercial”. On y retrouve les enseignes A.S.Adventure, Bel & Bo, Carrefour, Veritas, ZEB et bien sûr, ToyChamp.
C’est à partir de ce magasin que s’est bâtie petit à petit la fortune actuelle de la famille Nolmans. À la fin des années 1980, Edmond ouvre un magasin de bricolage, Nolmans Familieswinkels, sur ce qui était auparavant un champ de betteraves. Le reste du terrain est vendu à d’autres chaînes de magasins. Au cours de ces premières années, Edmond n’était pas le seul à être actif. Ses frères Willy, “entrepreneur” de profession, et Michel, “chef de chantier”, travaillaient en sa compagnie. Le trio s’était lancé dans l’immobilier et la construction en 1971, par le biais de la société Nolmans Handels en Bouwbedrijf. En 1993, les affaires des deux frères ont été rachetées. Même si aujourd’hui encore, Michel dirige toujours une entreprise de sculptures de jardin, dans la ville voisine de Halen.
Le bricolage avant le jouet
Edmond a continué sa route avec ses trois fils. Koen Nolmans, licencié en sciences économiques appliquées et en informatique, a rejoint l’entreprise familiale en 1989. Il n’était pas intéressé par le secteur de la construction, mais par un magasin de bricolage. Son frère Wim l’a suivi à partir de 1993, lorsque les affaires de ses deux oncles ont été vendues. Le plus jeune fils, Frank, a rejoint l’aventure en 1995. En l’espace d’une décennie, Nolmans Familiewinkels est devenu une chaîne composée de six magasins. C’est Koen Nolmans qui insistera pour que le commerce se spécialise dans la vente de jouets.
Les concurrents prennent rapidement conscience du succès des magasins Nolmans. En 1999, Edmond vend ses magasins à la société d’investissement Mitiska. Ils sont rebaptisés Fun-Speelgoedwinkels. Cette vente va permettre à la fortune des trois frères Nolmans de s’envoler, même si le montant de la vente n’apparaît pas clairement dans les bilans de l’époque. Les Nolmans Familiewinkels faisaient partie du holding familial Groep Bison, qui détenait environ 43 % des actions. Au-dessus de l’entrée principale du siège social de ToyChamp, à Genk, on retrouve d’ailleurs toujours un dessin de bison. Au cours de son dernier exercice, en 1998-1999, le total du bilan de Groep Bison s’élevait à 3 millions d’euros (l’équivalent de 5,1 millions d’euros aujourd’hui). L’autre actionnaire important était la famille Vanaudenhove de Diest, alors surtout connue pour ses magasins de chaussures Euro Shoe Unie. En 1995, elle avait injecté quelque 3,5 millions d’euros dans Nolmans-Familiewinkels.
La vente des six magasins a donné le coup d’envoi de la véritable croissance de l’empire familial. Cela n’était pas possible en Belgique, car une clause de non-concurrence avait été incluse lors de la vente à Mitiska. Avec la formule ToyChamp, Nolmans a ainsi franchi la frontière néerlandaise. “Avec beaucoup de courage, ils se sont installés aux Pays-Bas. La famille est encore très fière aujourd’hui d’avoir franchi ce pas, explique Stefan Van Rompaey, rédacteur en chef de Retail Detail, une société d’études spécialisée dans le commerce de détail. Peu de chaînes belges ont réussi à s’implanter outre-Moerdijk, alors que de nombreuses chaînes néerlandaises y sont parvenues en Belgique.
Koen Nolmans assure le poste d’administrateur délégué du groupe. Wim Nolmans s’occupe de l’achat de tout ce qui n’est pas jouets (papeterie, articles saisonniers, gadgets). Frank est responsable du patrimoine immobilier.
L’émerveillement des enfants
Aux Pays-Bas, Koen Nolmans a directement imposé sa vision stratégique du monde du jouet. Les magasins physiques sont et resteront au centre des préoccupations. La chaîne ToyChamp se compose de grands “magasins d’expérience”, d’une surface de 1.400 à 2.000 m2. Ils sont situés à la périphérie des villes et offrent un très large choix.
“La famille mise sur les magasins physiques, et ce dans un secteur où les ventes en ligne sont très fortes”, explique Stefan Van Rompaey, qui note au terme de plusieurs entretiens avec l’intéressé que Koen Nolmans est obsédé par ses produits, les jouets. “Cela se voit à la manière dont il se promène dans les magasins. Il apprécie vraiment les produits exposés. La famille a ramené l’expérience dans les magasins physiques. L’émerveillement des enfants – et des adultes – devant tous ces jouets en dit long. D’autres chaînes ont trop transformé ce type de magasin en “bazar”, avec des meubles de jardin, des articles de sport et toutes sortes de gadgets. Nolmans, en revanche, s’en tient à son cœur de métier : les jouets. La famille sait très bien ce qu’elle fait. Il ne s’agit pas de managers en costume et chaussures élégantes. Elle est présente dans ce secteur depuis des décennies, elle a construit un réseau très solide, notamment au niveau de ses fournisseurs.”
Dans un entretien accordé au Tijd, Koen Nolmans soulignait l’importance du magasin physique car les ventes sur internet restent limitées. “Un vrai magasin de jouets présente beaucoup d’atouts. Les gens nous voyaient comme des dinosaures, condamnés à l’extinction, mais nous prouvons le contraire. Nous ne vendons pas des produits, nous vendons de l’émotion. Les enfants sont impressionnés lorsqu’ils se retrouvent tout à coup devant un immense rayonnage de Lego.” L’entreprise marque également des points avec le cirque itinérant Champy on Tour, qui se déplace de magasin en magasin.
“Nolmans? Peut-être une famille sous-estimée, mais avec un parcours impressionnant.”
Stefan Van Rompaey, Retail Detail
“Parler maintenant n’est pas opportun”
L’année dernière, ToyChamp comptait 24 magasins aux Pays-Bas et neuf en Belgique. ToyChamp Holding, le holding faîtier, est financièrement sain. Les trois frères détiennent chacun un tiers des actions. Ce sont surtout les deux filiales aux Pays-Bas qui génèrent des bénéfices nets. Même si le holding fournit peu d’informations, y compris sur le marché global du jouet. L’un des facteurs de risque est la baisse de la confiance des consommateurs en raison d’un climat économique moins favorable, “ce qui réduit les dépenses pour des jouets”.
L’entreprise met également en garde contre “la concurrence accrue des ventes sur internet”. La famille n’a pas souhaité accorder un entretien à Trends-Tendances pour la réalisation de cet article. “Ce n’est pas opportun pour le moment”, nous a répondu l’administrateur délégué Koen Nolmans, par courrier électronique.
En plus de ToyChamp Holding, les trois frères sont actionnaires de deux entreprises datant d’un passé lointain. Ce que fait Kowifra n’est pas clair. En 2000, la société a reçu environ 1,25 million d’euros de l’ancien Groep Bison. Une deuxième société, Winkelcentrum Zuiderring, détient aujourd’hui essentiellement des liquidités. Dans les années 1990, l’entreprise était située au Gouden Kruispunt à Tielt-Winge. La famille Vanaudenhove était aussi actionnaire à l’époque.
Le grand bond en avant
Après plus de trois décennies d’expérience, tout s’est accéléré l’année dernière. Début octobre 2023, la famille Nolmans a acquis 75 % des actions de la chaîne de magasins de jouets DreamLand. Colruyt, le vendeur, a conservé un quart des actions. Du jour au lendemain, la famille Nolmans comptait 47 nouveaux magasins en plus des 33 déjà en sa possession. Au cours de son dernier exercice complet, du début avril 2022 à la fin mars 2023, DreamLand a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 283 millions d’euros.
Malgré cette acquisition importante, les chiffres du bilan de ToyChamp Holding n’ont pas été trop affectés l’année dernière. En effet, Colruyt souhaitait se débarrasser d’une filiale qui lui causait des soucis. Juste avant la reprise, le groupe de grande distribution coté en Bourse avait encore investi 17 millions d’euros en fonds propres. Colruyt a enregistré une moins-value de 3,6 millions d’euros sur la vente.
Le rapport annuel de ToyChamp Holding reste également vague au sujet de DreamLand. “La coopération entre les entreprises ToyChamp et DreamLand aura un impact significatif sur le développement du groupe.” Les deux marques continueront à coexister. Les achats conjoints seront un atout. “L’ancienne filiale de Colruyt est plus forte dans le traitement des données, a déclaré Koen Nolmans dans une interview accordée à De Standaard à la mi-juin.
Ensuite, en février, la famille a racheté neuf magasins de la chaîne de magasins de jouets Fun, en faillite. Les anciens propriétaires, un tandem composé de la chaîne française Gifi et de la famille wallonne Marchandise, a enregistré, l’année dernière, une perte de près de 39 millions d’euros sur les activités de Fun. Nolmans a racheté ces magasins pour une bouchée de pain.La cerise sur le gâteau a été posée à la fin du mois d’octobre 2024 avec l’acquisition d’Intertoys. Fin janvier 2023, le leader du marché néerlandais comptait 221 magasins de jouets dans les centres-villes et était rentable. Au cours de la période s’étendant de début février 2022 à fin janvier 2023, Intertoys a réalisé un chiffre d’affaires de 191 millions d’euros et un bénéfice net de 7 millions d’euros. La famille Nolmans a directement demandé à l’ancien propriétaire s’il était intéressé par une reprise de son affaire.
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