La facturation électronique est prévue pour janvier 2026
Entreprises, préparez-vous. Le projet de loi sur la facturation électronique vient d’être déposé à la Chambre. Les explications de Me Aurélie Soldai, avocate spécialisée en matière de TVA.
Dans moins de deux ans, les entreprises belges, petites ou grandes, devraient avoir adopté la facturation électronique. Le projet de loi du ministre des Finances Vincent Van Peteghem sur l’obligation de facturation électronique a en effet été déposé juste après Noël. « Je n’ai pas de vue précise sur le calendrier, mais je pense que l’adoption du texte devrait être assez rapide et que l’on ne dérogera pas à l’entrée en vigueur de l’obligation de la facturation électronique au 1er janvier 2026 », note Me Aurélie Soldai, avocate spécialisée dans la TVA. Dans moins de deux ans, donc, tous les assujettis TVA (à quelques rares exceptions près) devront s’échanger des factures sous forme de « fichiers structurés » c’est-à-dire des fichiers numériques créés dans une norme internationale qui leur permet d’être lus et traités par la plupart des logiciels de facturation. Plus question donc pour une entreprise d’envoyer à une autre entreprise une facture en PDF, en Word ou par la poste.
TRENDS TENDANCES. Cette obligation d’e-facturation touche toute l’Union européenne ?
AURELIE SOLDAI. Normalement, en effet, la facturation électronique doit entrer en vigueur au niveau européen. Cela fait d’ailleurs partie d’un train de réformes plus large, baptisé ViDA (« VAT in the digital age »), qui vise à améliorer la collecte de la TVA. Cette proposition européenne doit entrer en vigueur en 2028. Mais il faut l’approbation unanime des Etats-membres. Nous n’y sommes pas encore. Le gouvernement a donc demandé au mois d’octobre 2023 une dérogation à la Commission européenne, pour pouvoir déjà appliquer la facturation électronique avant même l‘entrée en vigueur de la norme européenne. D’autres pays ont également décidé d’aller de l’avant : Italie, France, Pologne, Allemagne, Roumanie. L’idée, derrière cet avant-projet, est de fixer déjà un cadre de fonctionnement pour cette facturation électronique en Belgique dans l’attente de la norme européenne.
On parle de fichiers digitaux, il y aura donc un standard commun ?
Oui. Nous allons donc en Belgique utiliser le réseau spécifique d’échange de données sur les marchés publics et d’e-factures qui existe déjà en Europe. Ce système s’appelle PEPPOL (Pan-European Public Procurement Online) et il permet des échanges confidentiels de données entre des points d’accès agréés. Ce système permet de répondre à trois problématiques techniques et d’harmoniser le format, la sémantique (le contenu) et également la structure de la facture. Nous connaissons déjà PEPPOL en Belgique. Ce système est utilisé par les organismes publics, dans le cas des marchés publics et c’est un système européen. Cela permet donc d’avoir un standard européen.
En pratique, cette obligation à venir concerne tous les assujettis TVA ?
Oui et non. Oui parce que cela concerne le B2B, donc tous les assujettis. Non parce qu’il y a trois types d‘assujettis qui ne seront pas soumis à cette obligation. D’abord, ceux qui sont sous le régime des forfaits, mais ce régime est appelé à rapidement disparaître dans les années qui suivent. Ceux qui font l‘objet d‘un jugement déclaratif de faillite, ne sont pas soumis non plus à l’obligation de facturation électronique. Ils sont encore toujours assujettis à la TVA jusqu‘à la clôture de la faillite, mais ils ne devront pas l’appliquer. Et ceux qui sont assujettis, mais exemptés de TVA- un médecin ou une association sportive par exemple-, n’y seront pas soumis non plus.
Si je suis chef d’entreprise, je dois donc dès maintenant penser à me mettre en conformité.
Exactement. Je ne peux pas y échapper. Ce projet de loi a pour but de modifier le code de la TVA avec les obligations de mise en œuvre de la facture électronique. Donc, il faudra s ‘y soumettre et les entreprises devront le cas échéant adapter leur système informatique. On voit toutefois dans les discussions parlementaires, que la question des logiciels a été abordée et qu’il est prévu de porter de 10 à 20% la déduction pour investissements digitaux pour les PME. Par ailleurs, il existe aujourd‘hui déjà énormément de logiciels professionnels qui permettent d‘avoir un format de facture compatible PEPPOL. Et si tel n ‘était pas le cas, l‘administration fiscale propose de passer par un autre système, le système Hermès. Mais le système PEPPOL a un avantage : une fois qu‘on y adhère, on n‘a pas besoin de l‘accord de son cocontractant pour lui envoyer une facture et pour qu‘il l‘accepte. L‘entreprise qui a acheté le bien ou acheté le service et qui fait également partie du système PEPPOL va recevoir la facture électronique automatiquement. Et ça, c ‘est une grosse modification par rapport à ce qui existe aujourd‘hui où le code de la TVA dit que pour faire la facturation électronique, il faut avoir l’accord du cocontractant. L’autre modification importante est que demain, nous aurons une facturation électronique dite structurée. La facture sera émise, transmise, acceptée et reportée en tant que telle, sans manipulation humaine.
L’idée principale en automatisant ce processus est évidemment de lutter contre la fraude TVA qui nous coûte plus de 4 milliards par an ?
Exactement, même si ce n’est pas le premier point qui est mis en avant, qui est de permettre une meilleure communication entre le SPF Finance et les entreprises. On justifie aussi la mesure pour un meilleur impact écologique puisque l’on imprimera moins de factures. L’on met aussi en avant la réduction de la charge administrative qui pourrait s’élever, selon l’Agence pour la simplification administrative, à une économie de plus de 3 milliards d’euros pour les entreprises de l’Union. Mais évidemment, en sous-jacent, il s’agit aussi de limiter la fraude fiscale. Car il ne sera plus possible de manipuler les factures une fois qu‘elles seront émises. Cette automatisation permettra aussi de limiter les erreurs matérielles, et d’effectuer une déclaration en temps et en heure de la facture, donc du chiffre d‘affaires TVA.
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