La croquette aux crevettes fait son grand retour

TNS, l’entreprise basée à Eeklo, fabrique principalement des croquettes de crevettes pour les enseignes de la grande distribution.

Les croquettes de crevettes sont aussi belges que les frites et les moules. Mais ces derniers mois, elles n’étaient plus vraiment disponibles dans les magasins, tandis que les restaurants les ont plus ou moins rayées de leur carte. Trop chères, à cause d’une pénurie. Pourtant, Daphné Aers, CEO de TNS, leader du marché des marques de distributeur basé à Eeklo, entrevoit une amélioration. “Je m’attends à un énorme approvisionnement en crevettes à partir de cet automne”, explique-t-elle.

Rendez-vous nous avait été donné lors de la première journée caniculaire de cet été. A Eeklo, le mercure dépassait les 30 degrés à l’ombre. En revanche, dans la chambre froide du producteur de croquettes aux crevettes TNS, la température restait invariablement inférieure à -20 °C.

Pour Daphné Aers, CEO de TNS, cette différence de température est moins extrême que ce qui s’est passé sur le marché de la crevette ces derniers mois. “Je suis active sur ce marché depuis un quart de siècle. En fait, je n’ai jamais connu d’année normale. Tous les cinq ou six ans, il y a eu des fluctuations de prix extrêmes dues à des pénuries ou à d’autres facteurs. Mais je n’ai jamais connu une situation aussi grave qu’aujourd’hui. La crevette est un produit naturel et la nature est très imprévisible.” Les chiffres de Statbel, l’office statistique belge, montrent ces importantes fluctuations.

La Belgique consomme principalement des crevettes grises, qui vivent surtout en mer du Nord. 2022 a été une année record pour les pêcheurs de crevettes belges. En 2023, cependant, les captures ont connu une chute de plus de trois quarts. Plusieurs facteurs ont joué un rôle. Les pêcheurs ont ainsi expliqué que l’an dernier, un nombre anormalement élevé de merlans avait été repéré en mer du Nord. Cela s’explique par le fait que l’ennemi naturel de ce poisson, le bar, a été rapidement éliminé. Or, le merlan se nourrit presque exclusivement de crevettes.

“Le changement climatique entraîne également des fluctuations de plus en plus extrêmes, note Daphné Aers. La faiblesse de l’offre a également persisté pendant une grande partie du premier semestre de cette année, en raison des mauvaises conditions météorologiques. Le froid, la pluie, les tempêtes du printemps dernier, tout cela n’est pas bon pour les stocks de crevettes. Et ce qui fait encore grimper les prix, ce sont les investissements importants consentis pour une flotte plus écologique et plus moderne.”

“La crevette est un produit naturel, et la nature est très imprévisible.” – Daphné Aers (TNS)

Typiquement belge

TNS achète ses crevettes principalement aux Pays-Bas. Des entreprises telles que Heiploeg, Van Belsen et Klaas Puul sont des acteurs très importants, disposant à la fois de leur propre flotte et de leurs installations de traitement des crevettes. Le décorticage est effectué au Maroc. Une fois par semaine, le vendredi matin, la PME d’Eeklo reçoit une proposition de prix. Et ceux-ci n’ont jamais été favorables au cours de l’année écoulée. TNS a vu le prix d’achat du kilo de crevettes plus que doubler, passant de 25 euros en 2022 à 52 euros au début de cette année. Pour les consommateurs, des prix de 70 à 80 euros le kilo de crevettes fraîches n’étaient pas exceptionnels.

Daphné Aers: “Nous ne disposons à nouveau d’un approvisionnement normal que depuis quatre semaines. ”

“En fait, nous ne disposons à nouveau d’un approvisionnement normal que depuis quatre semaines. A 44 euros le kilo, soit une baisse de 12 à 13 %, les prix sont légèrement meilleurs. Mais ils restent très élevés. Un bon prix d’achat praticable pour notre activité se situe autour de 25 euros, et de préférence plus bas.”

Les conséquences se font sentir. Le marché des croquettes aux crevettes s’est largement effondré. Ces derniers mois, elles ont disparu des menus des restaurants et les friteries ne les proposent plus non plus. “Ce n’est pas une surprise, déclare Bernard Lefèvre, président de Navefri, l’association belge des exploitants de friteries. Les croquettes de crevettes n’étaient de toute façon pas très vendues dans les friteries, où elles figurent parmi les produits les plus chers.”

Les croquettes de crevettes sont un produit typiquement belge consommé par une grande partie de la population. En dehors de notre pays, elles sont également appréciées dans le nord de la France. “Aux Pays-Bas, ce n’est pas un grand marché, explique Daphné Aers. En Allemagne, une chaîne de magasins peut faire une promotion de temps en temps, mais les croquettes de crevettes ne font pas partie de l’assortiment habituel. Elles sont également rares en Angleterre. Nous vendons la quasi-totalité de nos croquettes de crevettes en Belgique.”

“La pêche est aujourd’hui bien meilleure qu’à la même période l’année dernière.” – Daphné Aers (TNS)

Statbel estime les ventes annuelles de ces croquettes dans les magasins à 35 millions d’euros, soit 7 euros par famille. Ce chiffre provient de l’enquête sur le budget des ménages, qui permet de suivre les dépenses des familles.

Du déficit à l’offre excédentaire

Daphné Aers s’attend à une amélioration dans les prochains mois. La période de pointe de la pêche à la crevette commence à la fin du mois d’août et dure jusqu’au début du mois d’octobre. “Les prises semblent bonnes. Au printemps, beaucoup de petites crevettes n’ont pas été pêchées, mais à partir de septembre, elles sont suffisamment grosses. Les prises d’aujourd’hui sont bien meilleures que celles de la même période de l’année dernière. Je m’attends à une offre immense à partir de cet automne. Les prix vont donc à nouveau baisser, surtout si l’on tient compte de la baisse de la consommation combinée à une augmentation de l’offre.”

Mais les conséquences risquent de se faire attendre. Les croquettes de crevettes représentent un tiers du chiffre d’affaires de TNS. L’entreprise fabrique également des croquettes au fromage, des plats préparés et des snacks à base de pâte feuilletée, entre autres. Près de 90 % de la production de croquettes aux crevettes est destinée aux marques de la plupart des chaînes de magasins en Belgique. Carrefour, Colruyt, Delhaize et Lidl sont des clients bien connus pour ces produits surgelés.

“Chez Colruyt, un paquet de huit coûtait parfois 13 euros l’année dernière. En 2022, il était encore à 9 euros. C’est cher. Le chiffre 10 a également un effet sur les consommateurs. Dès qu’il faut écrire un prix à deux chiffres, les ventes deviennent plus difficiles. Il y a donc aujourd’hui une certaine inquiétude chez les commerçants. Les croquettes aux crevettes deviennent un problème pour les marges bénéficiaires. Les responsables des achats sont un peu plus prudents et réduisent quelque peu l’offre de croquettes aux crevettes. Je ne m’attends pas à ce que ce marché connaisse une croissance fulgurante au cours des prochaines années.”

Pure Daphné

Dans l’atelier de la PME du Meetjesland, un ouvrier récupère une sorte de pâte, pleine de crevettes, dans une grande marmite fumante. Elle est ensuite refroidie pendant 24 heures, pétrie pour lui donner la forme voulue un jour plus tard, et enfin panée. L’entreprise fabrique 125.000 croquettes par jour, en deux équipes. Mais il ne s’agit pas seulement de croquettes aux crevettes, car la diversification est un mot-clé.

TNS Food

Depuis 2010, TNS a également opté pour la stratégie des marques propres pour les enseignes de distribution. L’entreprise est devenue leader du marché dans ce domaine. Des volumes élevés ont permis de baisser les prix d’achat des matières premières. En outre, l’entreprise n’a pas investi dans une politique de marque et de marketing. TNS possède bien sa propre marque Pure Daphné, mais elle est surtout utilisée pour le lancement de variantes de produits.

Le modèle d’entreprise a atteint ses limites l’année dernière en raison de la forte fluctuation des prix. “Entre début septembre 2023 et fin juin 2024, notre volume de croquettes aux crevettes a chuté de plus d’un tiers. De plus, les prix élevés des matières premières ont pesé sur le fonds de roulement de notre entreprise.”

Cela a conduit à un léger recul de plus de 2,5 % du chiffre d’affaires, pour la première fois en un quart de siècle d’existence. Même le Covid-19 n’a pas réussi à freiner la croissance.

Mais si les ventes de croquettes aux crevettes ont baissé, celles des autres produits ont augmenté. TNS a également réduit sa gamme de produits. D’ici 2024, d’après les premiers chiffres, elle augmentera encore d’un cinquième. Les snacks à base de pâte feuilletée – avec ou sans crevettes – sont les nouveaux produits à succès de la PME d’Eeklo.

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