Jetfly, spécialiste de l’avion d’affaires partagé, débarque en Belgique

Le mono turbine Pilatus PC-12 peut se poser à des endroits inaccessibles aux jets privés. © PG
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

La société luxembourgeoise Jetfly se positionne sur le créneau des avions suisses Pilatus, à hélice ou à réaction. Pour en limiter l’impact environnemental, Jetfly propose d’acheter des carburants durables et, si possible, de partager les vols.

La Belgique est un pays plutôt ouvert aux avions d’affaires. On recense une petite centaine d’appareils, généralement utilisés par des entreprises et des particuliers – souvent entrepreneurs – qui apprécient la flexibilité de ce moyen de transport évitant les aérogares surpeuplés et les longues files d’attente. Une demi-heure après avoir garé la voiture, l’avion privé décolle de la zone d’aviation générale de Zaventem, d’Antwerpen-Deurne, de Kortrijk- Wevelgem ou de Brussels South Charleroi Airport.

Depuis octobre dernier, une société luxembourgeoise, Jetfly, propose des avions en propriété partagée sur le marché belge. “Nous avions déjà quelques clients gérés depuis Luxembourg”, précise Jean-Baptiste Fabbricatore, qui développe le marché belge depuis la fin 2024. Jetfly compte actuellement 14 clients en Belgique, sur un total de 550 clients pour le groupe.

Le Pilatus à hélice, l’avion d’affaires le plus utilisé

La société Jetfly s’est concentrée sur les avions d’affaires fabriqués par le Suisse Pilatus. Le fabricant, connu pour ses avions d’entraînement capables d’atterrir sur des glaciers, s’est assuré un beau succès avec des petits avions d’affaires. Une niche dans laquelle s’est engouffrée Jetfly. Le modèle le plus vendu est le mono turbine PC-12, qui peut transporter six à huit passagers à plus de 500 km/h sur une distance qui peut dépasser les 2.000 km. Pour ceux qui veulent aller plus vite, Jetfly propose un biréacteur Pilatus PC-24 de huit places, volant à plus de 800 km/h, jusqu’à 3.300 km.

On est loin des avions d’affaires transatlantiques, des Falcon et des Gulfstream qui illustrent généralement les articles et les reportages télé sur ce type d’avionsl.

Ces avions couvrent en fait une bonne part des besoins. En Belgique comme en Europe, l’avion d’affaires le plus utilisé, selon l’association européenne du secteur (EBAA), est le mono turbine Pilatus PC-12. Il ne s’agit donc pas d’un jet, mais d’un avion à hélice à coût raisonnable, pouvant se poser sur des pistes en herbe. Il ne lui faut que 650 mètres de gazon pour atterrir, ce qui lui permet de se poser à des endroits inaccessibles aux jets privés : aéroclubs, altiport de Courchevel ou Spa la Sauvenière. “Cela lui permet d’atteindre des lieux éloignés des aéroports, explique Marion Fabiani, sales director pour la France et Monaco. Nous comptons des clients qui ont des équipes de motos ou de voitures, qui peuvent alors se poser très près des circuits de course. Des entrepreneurs de la distribution peuvent faire le tour, sur une journée, de plusieurs implantations situées dans des zones sans aéroports proches.”

La propriété partagée, mode d’emploi

La formule développée par Jetfly, depuis sa création en 2009, est la propriété partagée. “Nous proposons des parts dans un avion, à partir de 1/16e“, précise Jean-Baptiste Fabbricatore. Pour un PC-12, cela représente un investissement de 500.000 dollars. S’ajoutent ensuite des frais de gestion qui incluent les assurances, la maintenance et les réparations, proportionnels au nombre d’heures de vol annuelles souscrites. Pour une part de 1/16e, cela peut aller de 15 à 35 heures de vol. Les vols sont réservés jusqu’à 24 heures à l’avance, et il reste à payer les frais de pilote et de vol (4.500 à 5.000 euros/heure pour un PC-12).

“Nous proposons des parts dans un avion, à partir de 1/16e. Pour un PC-12, cela représente un investissement de 500.000 dollars, sans les frais de gestion.” – Jean-Baptiste Fabbricatore, directeur de Jetfly pour la Belgique

Jetfly commande l’avion et en vend les parts avant la livraison. Le contrat porte sur 10 ans, après quoi l’avion est revendu. “Les PC-12 gardent plutôt bien leur valeur : 40 et 50% de la valeur d’achat après 10 ans”, indique Jean-Baptiste Fabbricatore. Il est possible de revendre la part après cinq ans.

Les clients sont directement (co)propriétaires de l’avion. Il ne figure pas dans le bilan de Jetfly, qui assure le service depuis l’achat, la vente des avions, leur maintenance, leur exploitation et la gestion des vols. Étant en copropriété, les avions ne sont pas personnalisables par les clients. Mais ils ne manquent pas pour autant de cachet, puisque leur intérieur et la livrée ont été conçus par Philippe Starck.
Les clients ne voyagent pas forcément avec “leur” avion. Jetfly attribue l’avion le plus proche du copropriétaire pour le jour de la réservation.

L’approche de la propriété partagée est très populaire aux États-Unis, où NetJets domine le marché avec des avions à réaction et est aussi actif en Europe. Jetfly, qui emploie 500 personnes, dont 250 pilotes, et réalise un chiffre d’affaires annuel de 200 millions d’euros, s’est concentrée sur l’Europe et les Pilatus. Elle assure la maintenance et la formation des pilotes et gère la plus grande flotte d’affaires d’Europe, avec 25 PC-12 et 12 PC-24 en copropriété. Les vols les plus fréquents en Belgique vont vers le Bourget (Paris), Genève, Nice ou Cannes-Mandelieu. Beaucoup de vols sont courts (Luxembourg).

Jetfly est dirigée par un tandem français, Cédric Lescop et Maxime Bouchard, respectivement CEO et CFO. L’actionnaire majoritaire est Jean-Pierre Millet, descendant du fondateur des vêtements sportifs Millet, et fondateur de Carlyle en Europe. En plus des avions en copropriété, la société assure aussi la gestion d’avions Pilatus pour le compte de personnes propriétaires à 100%.

Carburant durable

Les clients peuvent opter pour l’achat de carburant durable (Sustainable Aviation Fuel ou SAF), et ainsi réduire les émissions des vols, sujet délicat dans le monde des avions privés. Les avions peuvent voler avec un maximum de 50% de SAF, fabriqué par Neste à Rotterdam, à base d’huile de friture et de déchets animaux, réduisant ainsi jusqu’à 80% les émissions de CO2.

Comme ce carburant est plus cher que le kérosène, il faut rajouter 175 euros de l’heure de vol pour un Pilatus PC-12, ou 190 euros pour un jet PC-24. Acheter 100% de SAF coûte 345 euros par heure pour un PC-12. Le vol du client ne sera pas forcément réalisé avec du SAF, mais la quantité acquise sera achetée et utilisée par les autres avions Jetfly.

Vols à vide gratuits

Les perspectives de voir des avions zéro émission, volant à l’hydrogène ou en motorisation électrique, sont encore hypothétiques. La compagnie belge ASL vient d’annoncer l’achat d’un Microliner (fabriqué par Væridon), avion électrique d’affaires à neuf places parcourant 300 à 400 kilomètres. Le premier vol du prototype est prévu en 2027, et sa mise en service pourrait intervenir en 2030. Jetfly reste encore en retrait sur ce genre de projet qui doit encore faire ses preuves.

Le PC-12 reste l’un des avions d’affaires le plus propre. Jetfly estime réduire les émissions (et les coûts) en limitant les repositionnements des avions entre deux vols réservés et en favorisant l’utilisation des vols à vide. “Les clients peuvent profiter des trajets à vide gratuitement pour eux ou des personnes qu’ils désignent”, indique Jean-Baptiste Fabbricatore. Ils peuvent aussi accepter de partager le coût d’un vol en proposant des sièges sur un vol qu’ils ont réservé.

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