L’entreprise Solhyd a annoncé la construction prochaine d’un premier parc solaire à hydrogène vert. Une première mondiale, pour une technologie qui se veut révolutionnaire, pile à un moment où le secteur de l’hydrogène vert traverse une période difficile. Entretien avec le CEO, Jan Rongé.
Une technologie révolutionnaire : les machines de Solhyd, alimentés par des panneaux solaires auxquels elles sont adossées, extraient l’hydrogène de l’air. Là où la manière classique de produire de l’hydrogène vert, c’est avec de l’eau alcaline. C’est aussi un projet très belge : une invention flamande, de la KU Leuven, qui trouvera sa première application commerciale près de Namur en Wallonie, l’année prochaine. Le CEO, Jan Rongé, fait le point avec nous, sur le projet, l’hydrogène vert et la “crise” que subit le secteur européen de l’H2.
Trends-Tendances : Quelle est cette technologie et en quoi est-elle différente des autres technologies d’hydrogène vert qu’il y a sur le marché ?
Jan Rongé : Nous avons conçu dès le départ une technologie pensée pour fonctionner directement avec l’énergie solaire et renouvelable. Après plus de dix ans de recherche, nous disposons d’un système beaucoup plus simple et flexible que les électrolyseurs classiques, souvent mal adaptés à la production intermittente des énergies vertes.
Quand le soleil brille, nous produisons de l’hydrogène à un coût énergétique très bas.
Et si une entreprise a besoin d’une production continue, elle peut alimenter le système via une éolienne, une batterie ou même le réseau, quand les prix sont bas. Ce n’est pas obligatoire, mais une option en plus. L’essentiel reste le soleil.
Elle fonctionne donc avec de l’air, et non de l’eau ?
Oui, notre technologie fonctionne avec l’humidité qu’il y a dans l’air. Il n’y a donc pas tous les problèmes liés à l’eau : sa pureté, le gel, sa disponibilité… Il faut une unité de purification pour utiliser l’eau comme matière première. On évite tous ces problèmes avec l’air. Notre technologie a ainsi beaucoup de bénéfices… qui donnent notamment une production deux fois plus efficace, entre l’énergie solaire utilisée et la molécule d’hydrogène qu’on obtient en fin de compte. C’est parce qu’on a justement moins de pertes d’énergie, comme il n’y a pas de purification de l’eau ou l’utilisation d’une pompe. Notre technologie travaille à haute efficacité, même s’il n’y a pas beaucoup de soleil.
Aussi, nous utilisons des matériaux qui sont complètement différents. Par exemple, la membrane qui sépare l’hydrogène et l’oxygène, qu’on développe nous même. C’est quelque chose qui n’existe pas dans les électrolyseurs classiques. Nous avons aussi des électrodes différentes, beaucoup moins chères et sans métaux rares. Mais l’efficacité reste très similaire.
C’est une technologie unique au monde, donc ? Belge, qui plus est.
Il n’y a pas d’autres technologies comme ça, non. On l’a développée il y a dix ans à la KU Leuven, à une époque où très peu de chercheurs travaillaient sur le sujet. Ce projet académique est devenu une entreprise en 2023. Nous sommes désormais quinze, avec une équipe qui combine expertise scientifique et industrielle.
Et oui, c’est une technologie 100% belge. Nos investisseurs sont belges aussi. Et ce n’est pas dans nos plans de la vendre aux Américains ou aux Chinois.
Pourquoi avoir choisi la Wallonie pour votre premier parc solaire à hydrogène ? Et quels sont vos projets de développement ?
En fait, ce choix s’est un peu fait par hasard. Notre partenaire Ether Energy y construit un grand parc solaire près de Namur, et un autre acteur, également partenaire de ce parc, Nippon Gases, aura besoin d’hydrogène vert dans la région. De plus, il est souvent plus simple de développer de tels parcs solaires en Wallonie qu’en Flandre
C’est un peu comme cela que se fait notre développement. On a des contacts, pour des projets. Il y en a aussi aux Pays-Bas, en Allemagne et en France, et ailleurs. On a beaucoup de discussions avec des clients, pour des projets pour l’année prochaine, pour 2027 et 2028.
Pour les entreprises qui consomment déjà de l’hydrogène, nous pouvons aussi installer des panneaux solaires et notre technologie directement sur leurs toits.
Qu’en est-il des facteurs météorologiques ? Un temps trop sec est-il mauvais pour la production d’hydrogène ?
C’est le principe central de notre technologie. On fait beaucoup de recherches. Évidemment, il y a une influence… mais il n’y a besoin d’avoir de l’humidité tout le temps. Quelques heures par jour d’humidité suffisent, on peut la stocker dans notre système. Ainsi, notre technologie est applicable sur 95% de la surface de la Terre. Il y a quelques endroits où l’air est vraiment trop sec.
Voilà pour l’air, mais l’hydrogène est toujours corrélé aux énergies solaires. Plus on a d’énergie solaire, plus on va avoir d’hydrogène. Les endroits avec beaucoup de soleil sont bien sûr toujours les meilleurs. Mais même des endroits où il ne pleut pas souvent peuvent avoir assez d’humidité pour nous.
Le secteur européen de l’hydrogène vert traverse actuellement une période difficile. Quelle est votre avis sur cette crise ?
Le secteur d’hydrogène vert d’aujourd’hui est comparable à l’énergie solaire en 2002 et 2003. Mais il connaît une croissance encore plus rapide. Mais oui, il y a beaucoup d’annulations. Le problème, c’est que beaucoup d’acteurs ont lancé des projets d’hydrogène vert de très grande taille. Il y a un souci de demande, mais aussi de coûts.
Mais de notre côté, nous n’avons pas le même problème. C’est même tout l’inverse. On est dépassé par la demande ! On réfléchit comment aller plus vite pour y répondre.
Sinon d’un point de vue macro-économique, l’Europe pousse pour instaurer des quotas. Pour nous, c’est nécessaire, pour savoir qu’il y a une demande.
Et justement, vous avez une technologie qui est moins chère, plus simple à installer et à maintenir… C’est une carte que vous pouvez jouer, dans cette conjoncture plus compliquée ?
Oui, exactement. On a vraiment un avantage, en fait. Nous arrivons au bon moment de la phase de développement du secteur. C’est encore le début, avec les technologies qui existent aujourd’hui… Mais pour que le secteur puisse réussir à devenir une vraie filière, il faut des innovations pour s’assurer que les coûts vont baisser et qu’il ne faut pas l’alimenter de subsides tout le temps.