Jack van der Putten (CEO de l’assureur décès Dela Belgique): “J’aurais souhaité une croissance encore plus rapide”
Quelque 850.000 Belges sont prêts à quitter ce monde en toute sérénité. Leurs obsèques sont payées, toute la paperasserie réglée. Jack van der Putten, qui a tenu les rênes de Dela Belgique 13 ans durant, s’en réjouit. Le 1er janvier, il remettra la direction de l’entreprise, qui ne cesse de croître, à Sandra Schellekens.
Dela n’a nullement disrupté le marché belge. Le grand assureur décès néerlandais n’a pas balayé tous ses concurrents sur son passage mais il a induit des changements significatifs sur notre marché. Il a réussi à convaincre 17% de nos concitoyens de souscrire une assurance décès et a conclu un partenariat avec pas moins de 55 entrepreneurs de pompes funèbres, il a fait sien plusieurs crématoriums, un centre de rapatriement et un portefeuille d’assurances. En 30 ans, Dela a convaincu 850.000 clients en Belgique, sans commettre l’erreur de proposer le même produit qu’aux Pays-Bas et en développant le département marketing. ” Il a fallu se faire une place sur le marché avec un produit inconnu “, explique Jack van der Putten, âgé de 59 ans. Nos figures de proue, Koen Wauters et Adamo en tête, ont joué un rôle important. Mais, quand il s’agit de communiquer sur la sécurité financière dont jouissent les proches et l’atténuation de la dimension émotionnelle au moment d’organiser les obsèques, nous ne faisons pas appel à des Belges célèbres.”
L’acceptation émotionnelle du produit est lente en Belgique.
TRENDS-TENDANCES. N’auriez-vous pas souhaité faire mieux encore ?
JACK VAN DER PUTTEN. Certainement. Je suis très satisfait de la croissance nette de 30.000 assurés par an. Rares sont nos collègues assureurs qui peuvent avancer de tels chiffres de croissance mais j’aurais voulu convaincre encore plus d’assurés. J’ai une mentalité de battant. Vingt ans de volley-ball de haut niveau ont fait de moi un joueur ambitieux. Mais l’évolution du marché est ce qu’elle est. Nous oeuvrons dans une niche assez restreinte. Environ 17% des Belges ont souscrit une assurance décès dont 848.000 par notre entremise ( chiffre arrêté à mai 2019, Ndlr).
Aux Pays-Bas, 70% de la population a contracté une assurance décès. Comment expliquer cette différence ?
L’acceptation émotionnelle du produit est lente en Belgique. Nos courtiers ont longtemps misé sur d’autres produits. Or, l’intérêt pour notre produit augmente peu à peu. On estimait autrefois que les frais liés aux obsèques devaient être assumés par les enfants. Aujourd’hui, on préfère tout régler avant le décès pour décharger les proches. Vu l’intérêt croissant, les courtiers insistent davantage sur notre produit. Il ne faut pas comparer avec les Pays-Bas, deuxièmes ou troisièmes au classement mondial des pays les plus assurés. Les Néerlandais souscrivent facilement des assurances en tous genres.
Quel est l’objectif de Dela d’ici à cinq ans ?
Difficile à dire car je ne serai plus aux commandes. Je devais diriger Dela Belgique pendant trois ans, mais ces trois ans se sont mués en 13. Le 1er janvier prochain, je remettrai le flambeau à Sandra Schellekens, l’actuelle managing director assurances de Dela.
Quel est le potentiel de croissance de l’entreprise, selon vous ?
Nos deux activités, les assurances et les soins, présentent un formidable potentiel de croissance. Nous collaborons actuellement avec 55 entrepreneurs de pompes funèbres sur les 800 à 900 entrepreneurs que compte la Belgique. Notre groupe prend en charge quelque 12.000 obsèques par an en Belgique, un chiffre élevé que nous aimerions augmenter à 17.000 ou 18.000 d’ici à 2025. Cette croissance sera essentiellement stimulée par des acquisitions. Le marché compte de très nombreux acteurs de second rang. Certains n’organisent pas plus de 100 enterrements par an. Ils rencontrent pas mal de difficultés, comme la nécessité d’investir dans des espaces appropriés pour répondre aux souhaits des clients, de plus en plus exigeants quant à la qualité et à la personnalisation des services.
Pour arriver à 18.000 funérailles par an, il faut pouvoir compter sur une trentaine d’entrepreneurs de pompes funèbres supplémentaires dans les cinq prochaines années. Vous considè- rent-ils comme un ami ou un ennemi ?
Certains voient en nous un ennemi, d’autres un ami. Les temps sont durs pour les petits entrepreneurs de pompes funèbres locaux. Les horaires de travail sont inhumains. Ils travaillent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans pouvoir prendre de vacances. D’autre part, les clients se montrent de plus en plus exigeants. La situation est telle que les enfants des entrepreneurs n’ont pas envie de reprendre le business de leurs parents. Ceci dit, un changement se profile sur le marché. Un grand groupe comme le nôtre peut être une solution. Pour autant qu’il se conforme à nos critères de qualité, l’entrepreneur conserve une grande autonomie. Nous l’assistons au niveau marketing, administration, innovation, service de garde, produits spéciaux (corbillards, calèche tirée par des chevaux, moteur sur lequel monter l’urne, par exemple).
La consolidation ne date pas d’hier dans le secteur des obsèques. Votre concurrent Sereni compte déjà 24 funérariums…
(Jack van der Putten nous interrompt)… Je suis ravi pour Sereni. Cela peut vous paraître étrange de se réjouir du succès d’un concurrent mais nous partageons la même ambition, à savoir offrir un service de qualité. Nous avons chacun des atouts à jouer pour encourager la professionnalisation du secteur. D’autre part, l’intérêt croissant des entrepreneurs de pompes funèbres est dû entre autres au groupe Sereni. Leurs services coïncident avec ce que nous proposons aux entrepreneurs de pompes funèbres.
Quelles sont les grandes tendances dans votre secteur ?
Le service religieux classique a de moins en moins de succès. Les proches veulent des obsèques personnalisées, une sorte d’événement spécial, ce qui suppose évidemment des frais et des préparatifs. L’individualisation est tout à fait dans l’air du temps. Dans le programme télévisé Merci voor de muziek de la chaîne flamande Eén, Bart Peeters a composé une chanson tout spécialement pour un patient cancéreux en phase terminale. Sur les réseaux sociaux, les vidéos d’enterrements sortant de l’ordinaire sont légion, ce qui donne des idées aux clients. Notez que les frais sont aussi plus élevés. Les funérailles demandent énormément de préparation.
Dela a été élue ” Great Place to Work “, le comble pour une entreprise où l’on côtoie la mort de près chaque jour.
Dela n’est pas une organisation comme les autres. Elle donne à ses employés la possibilité de faire preuve d’empathie, d’exprimer leur personnalité et de s’épanouir dans leur travail. Nos collaborateurs disposent de beaucoup de liberté et se voient confier des responsabilités car ils doivent prouver tout ce dont ils sont capables, jour après jour. Pour beaucoup d’entre eux, c’est un privilège de pouvoir soutenir leurs congénères dans un des moments les plus difficiles de la vie. Les proches du défunt leur sont infiniment reconnaissants.
” Non, nous ne sommes pas un deuxième Dela “, soutient Bruno Quirijnen, entrepreneur de pompes funèbres et cofondateur du réseau de sociétés de pompes funèbres Sereni. L’entreprise compte 24 funérariums. ” Nous ne sommes pas assureur, ajoute-t-il. Les clients nous demandent toutefois régulièrement d’organiser des obsèques à l’avance, ce qui peut se faire de façon détaillée chez un de nos entrepreneurs de pompes funèbres, en ce compris le réfinancement et la possibilité d’assurance décès dans le futur. ” Sereni entend répondre aux difficultés que rencontrent les entrepreneurs de pompes funèbres locaux et aux demandes toujours plus pointues des familles. ” Nos services de garde sont un exemple concret, explique Bruno Quirijnen. Ils évitent aux entreprises de devoir travailler toutes les nuits, tous les week-ends. Du fait de notre grandeur d’échelle, nous sommes en mesure de fournir un support IT et des solutions concrètes, comme un service Photoshop capable de retoucher les photos des cartes de deuil. ” Pour ce qui est des frais, Sereni souhaite plus de transparence. ” Le prix TTC est clairement détaillé, précise le patron. L’offre décrit les services qui peuvent être assurés et le prix par service. Question d’éviter les mauvaises surprises. ”
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