Isolde Delanghe (Mode Unie): “Les détaillants de mode se retrouvent avec un énorme stock sur les bras”

Isolde Delanghe © dr
Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Alors qu’il a été décidé de maintenir les soldes en janvier mais de les faire débuter le 4 au lieu du 2, la fédération des enseignes de mode indépendantes maintient qu’un report en février aurait été préférable. Interview d’Isolde Delanghe, directrice de Mode Unie.

1. Reporter les soldes de deux jours pour éviter une trop forte affluence dès le premier week-end de janvier, qu’en pensez-vous?

Les magasins de mode proposeront dès le 2 janvier des offres conjointes plus importantes pour attirer les clients, ce qui veut dire que l’affluence sera la même que si les soldes avaient déjà commencé. Par ailleurs, dans beaucoup de grandes villes, les magasins sont ouverts le premier dimanche du mois. A Bruxelles ou Anvers, par exemple, les commerçants pourront donc ouvrir le dimanche 3 janvier. Le week-end des 2 et 3 janvier sera donc un week-end complet avec forte affluence dans les grandes villes. Le report de deux jours ne servira à rien. Pour notre part, nous prônons toujours un déplacement des soldes en février.

2. Pourquoi campez-vous sur cette position?

Le plus gros problème des détaillants de mode est leur stock gigantesque. La collection d’hiver a été achetée en février, soit avant la crise. Les enseignes ont donc acheté comme s’il allait s’agir d’une saison normale, et elles se retrouvent à présent avec cet énorme stock sur les bras. Il y a certes les ventes en ligne, mais leur pourcentage est très faible pour les détaillants de mode indépendants. En raison du report des soldes d’été en août, la saison d’hiver a été fortement raccourcie. Les ventes, qui commencent normalement mi-août, n’ont pu débuter qu’en septembre. Ajoutez à cela quatre semaines de fermeture obligatoire et cela fait 2 mois et demi pour écouler tout le stock d’hiver, au lieu de 4 mois et demi normalement. Si nous demandions de reporter les soldes d’hiver d’un mois, c’est tout simplement pour pouvoir vendre plus longtemps le stock actuel avec des marges normales, cela afin d’absorber une partie des pertes intermédiaires.

3. La plupart des secteurs sont pourtant en faveur d’un maintien. N’avez-vous pas l’impression de ramer à contre-courant?

Contrairement à d’autres secteurs, la mode fonctionne par saisons. Si nous ne vendons pas notre stock maintenant, nous ne pourrons pas le vendre l’an prochain. Les magasins de meuble ou d’électro, par exemple, n’ont pas ce problème. Par ailleurs, les grandes chaînes internationales travaillent sur base de marges différentes et ont donc plus de possibilités d’accorder des remises que les magasins indépendants.

4. D’après la fédération du commerce Comeos, qui a “lobbyé” en faveur du maintien, un report aurait signifié une absence de ventes en janvier. L’association en veut pour preuve le fait que le report des soldes de juillet à août a eu un impact négatif sur toute la période d’été.

Dans une enquête de Mode Unie menée auprès de 757 personnes, 73% des enseignes de mode déclarent rétrospectivement que le report des soldes d’été fut une bonne idée malgré la canicule et les mesures plus strictes prises fin juillet. Les consommateurs achèteront certainement encore en janvier. L’hiver bat son plein et les clients achètent de plus en plus des articles au moment où ils en ont le plus besoin. Donc, temps d’hiver signifie vente de mode d’hiver!

5. Comeos estime aussi qu’un report des soldes aurait bénéficié aux plateformes en ligne transfrontalières. Que répondez-vous à cela?

Comeos fait toujours référence à la France. Là-bas, le lancement des soldes a pourtant été reporté du 6 au 20 janvier. Les autorités locales se rendent bien compte qu’il est important de donner aux détaillants de mode l’occasion de vendre à marges normales plus longtemps. De manière générale, les consommateurs peuvent acheter en ligne 365 jours par an, souvent moins cher qu’en magasin. Mais ils aiment acheter pendant les soldes car ils bénéficient d’une vraie remise dans un magasin physique. Les clients n’achètent pas beaucoup plus en ligne lorsque les ventes baissent un mois plus tard. Ce n’est en tout cas pas ce que nous avons constaté en juillet.

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