Isabelle Gonnissen à propos de 30 jours sans râler: “Si vous voulez être plus positif dans la vie, vous devez vous y entraîner”
Même si on grince des dents au début, la pensée positive est une habitude que l’on peut adopter, explique Isabelle Gonnissen, l’inspiratrice du mois sans râler. “Regarder les choses d’un côté positif est un choix qui vous appartient. Votre bien-être vous en remerciera.”
Lundi dernier, c’était le jour le plus déprimant de l’année, le Blue Monday, comme on l’appelle au niveau international. En ce jour de janvier, on dit que les personnes sont plus déprimées que n’importe quel autre jour de l’année. La nuit tombe encore très tôt, on se rend compte que les résolutions du Nouvel An ne serviront à rien et qu’une nouvelle semaine de travail commence déjà. N’est-ce pas le jour idéal pour lancer les 30 jours sans râler ? Cette initiative vise à réduire notre penchant aux pleurnicheries, plaintes et autres jérémiades quotidiennes. L’inspiratrice de cette campagne est Isabelle Gonnissen, directrice des ventes chez Solvay.
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“Pour mon travail, je voyage régulièrement à l’étranger. J’y ai vu beaucoup de choses”, dit-elle. “Par exemple, que dans de nombreux endroits en Asie, vous ne devez pas compter sur une pension et qu’au Moyen-Orient, il n’y a pas d’allocations de chômage. Puis je suis revenue en Belgique et j’ai vu tous ces visages ronchons. J’ai immédiatement pensé : ‘comptez plutôt vos avantages, on est vraiment pas si mal lotis ici’. Ces réflexions m’ont amenée à organiser les premiers ’30 jours sans se râler’ en 2018. Les médias s’en sont emparés et la campagne a connu un succès retentissant. Le message est le suivant : voyez les choses sous un angle positif, c’est un choix qui vous appartient. Votre bien-être vous en remerciera.”
Râler moins, cela s’apprend en 30 jours ?
ISABELLE GONNISSEN. “Dégainer automatiquement le réflexe de se plaindre est une habitude. Se plaindre moins est donc aussi une habitude à prendre. C’est ainsi que de nouvelles voies neuronales se créent dans votre cerveau. En 30 jours, vous pouvez déjà faire un grand pas en avant. J’aime faire la comparaison suivante: si vous voulez des abdominaux fermes, vous devez faire de l’exercice tous les jours. Il en va de même si vous voulez être plus positif dans la vie.”
La comparaison est à la fois instructive et décourageante. Combien de personnes connaissez-vous travaillent leurs abdos tous les jours ?
GONNISSEN. “Au début, il vous faut serrer les dents. Mais la récompense est immense. Petit à petit, vous commencez à vous sentir mieux. Rien que cela, c’est une belle motivation. Râler moins intervient sur trois fronts : dans votre tête, dans vos mots et dans votre attitude. La bonne nouvelle, c’est que plus vous vous l’appropriez, plus cela devient facile.”
Certaines personnes sont naturellement plus moroses que d’autres.
GONNISSEN. “Je ne crois pas au point de vue ‘je suis né.e comme cela’. La façon dont vous réagissez à une situation est toujours un choix. Je tiens à nuancer un peu. Il existe trois catégories de râleries. La première concerne les futilités. Vous regardez dehors le matin, la pluie tombe, c’est le déluge et vous pensez à la journée pourrie qui vous attend. Mon conseil est le suivant : laissez cela derrière vous, concentrez-vous sur quelque chose de positif qui peut vous arriver durant cette journée et partagez-la avec les autres. La deuxième catégorie concerne les revers ponctuels. Par exemple : vous recevez un caillou dans votre pare-brise, vous vous lamentez : pourquoi cela doit encore m’arriver à moi. Accordez-vous un moment pour évacuer cette frustration, puis relativisez cette malchance. Un éclat comme celui-là est facile à réparer, n’est-ce pas ?
“Ces catégories sont plutôt inoffensives. C’est différent avec la troisième. Ce sont les lamentations répétées et interminables des personnes à propos de leur travail, de leur partenaire, de leurs enfants, etc. Là, je leur recommande : choisissez le changement et restez positif. Sinon, vous vous enfoncez de plus en plus dans une spirale de négativité et cela nuit à votre bien-être.”
Pourtant, certaines personnes ont vraiment des raisons de se plaindre, n’est-ce pas ?
GONNISSEN. “L’endroit où vous êtes né, si vous avez une bonne relation, les coups durs du destin, si vous vivez dans un pays décent….. Tout cela n’est pas distribué équitablement. Mais là encore, les circonstances extérieures ont moins d’influence que nous le pensons sur la perception du bien-être d’une personne. Les chercheurs estiment que cette part est de 8 à 15%. Environ 40% dépendent de vos propres actions. Le reste est génétique – vous naissez avec un potentiel de positivité qui peut être élevé ou non. Donc, si vous voulez devenir plus heureux, il n’est pas très utile de se concentrer sur les circonstances extérieures. Avant tout, vous devez travailler sur votre état d’esprit.”
Se plaindre et râler peut être un moteur de changement. Dans le passé, si les travailleurs ne s’étaient pas plaints de leurs conditions de travail, il n’y aurait jamais eu de congés payés. Ou un système de retraite.
GONNISSEN. “Je n’appelle pas cela se plaindre, mais s’attaquer à un vrai problème. Dans ce contexte, le terme “omdenkenken” (repenser l’événement, ndlr) est utile. Il a été inventé par le Néerlandais Berthold Gunster. Il est utile, face aux problèmes, de ne pas s’attarder sur le côté négatif, mais de chercher des solutions. Gunster dit que nous devons passer du “oui, mais…” au “oui, et…”. Supposons qu’un nouveau système informatique soit introduit au travail et que vous n’en perceviez pas immédiatement la valeur ajoutée. Si vous dites “oui, un nouveau système était nécessaire, mais…”, vous commencez automatiquement à vous plaindre. En revanche, si vous utilisez la phrase “oui, et…”, il est plus facile d’enchaîner avec “…j’ai encore besoin d’une formation supplémentaire” ou quelque chose de similaire. La différence d’un mot fait toute la différence dans la tête.”
Après votre livre Kies Positief, vous avez écrit Kies Bewust. Qu’est-ce qu’un choix conscient?
GONNISSEN. “Nous pensons que le bonheur se trouve quelque part dans le futur et nous oublions que nous devons le vivre ici et maintenant. Cela signifie qu’il faut se poser la question suivante pour certains aspects de sa vie : est-ce que cela me rend heureux ? Cela contribue-t-il à l’objectif que je poursuis, aux valeurs que je chéries ? Si vous répondez honnêtement à ces questions, vous saurez refuser quelque chose à laquelle vous aviez l’habitude de dire “oui” spontanément. Ou avoir le courage de faire quelque chose que vous n’osiez pas faire car vous étiez auparavant trop timide.”
Vous soulignez que les gens sabotent leur propre bonheur de nombreuses façons.
GONNISSEN. “Je remarque parfois que lorsque quelque chose de positif arrive dans la vie de quelqu’un, cette personne n’en veut tout simplement pas. Parce qu’elle pense qu’elle ne le mérite pas. Ou n’en vaut pas la peine. Ou par suspicion. Or, c’est comme cela que tu te gâches la vie. Un petit exemple : on vous fait un compliment et vous l’ignorez. Ou vous le minimisez. Ou vous pensez : ce ne sera pas sincère. Vous devez être capable d’accepter les compliments. Et aussi apprendre à en donner vous-même, d’ailleurs. Si vous en faites un, soyez sincère et dites précisément pourquoi vous complimentez la personne. Si vous en recevez un : établissez un contact visuel et remerciez la personne. Et ne vous sentez pas obligé de donner immédiatement un compliment en retour. Dans mon livre, j’énumère une liste de choses que les gens utilisent pour contrecarrer leur bonheur. Mais je fournis également des éléments de construction pour que vous puissiez donner à votre bonheur une base plus solide.”
Pouvez-vous donner une idée d’une telle construction ?
GONNISSEN. “Garder votre niveau d’énergie. Vous y parviendrez en vous reposant, mais aussi en comprenant les éléments qui vous font perdre de l’énergie et ceux qui vous en donnent. Les activités qui consomment de l’énergie sont celles qui vous épuisent et vous causent du stress, tandis que les activités qui fournissent de l’énergie sont celles que vous aimez faire et qui vous apportent de la satisfaction. Il est important de surveiller l’équilibre entre les deux et, si nécessaire, de se débarrasser d’un excès de tâches énergivores.”
En tant que manager, comment pouvez-vous créer un climat dans lequel tous les éléments ci-dessus peuvent s’épanouir ?
GONNISSEN. “Si votre objectif est d’avoir une équipe performante, assurez-vous que vos paroles et vos actions sont en accord avec cet objectif. Si l’un de vos employés ne fait pas bien quelque chose et que vous ne lui donnez pas de feedback, vous sabotez cet objectif. Pour cela, vous devez être dans votre zone de pouvoir. J’entends par là, vous devez savoir quelles sont vos valeurs et les faire rayonner. Je pense spontanément à Ilham Kadri lorsqu’elle a été présentée comme PDG de Solvay il y a presque quatre ans. Devant un public composé essentiellement d’ingénieurs, presque tous des hommes, elle s’est vue poser cette question: “Y a-t-il quelque chose dont vous êtes fière, en tant que femme PDG ?”. Cette question m’a laissée pantoise. Mais elle est restée debout, très détendue, sur le devant de la scène et a répondu : “Je suis fière de mon fils. Il a déjà vécu sur trois continents et il a une belle attitude envers la vie”. L’assurance de ne pas faire étalage de réalisations grandioses à un tel moment, mais de raconter quelque chose de sa vie privée, c’est ce que j’appelle se tenir dans votre zone de pouvoir.”
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