Inquiétude croissante autour de la “vallée de la chimie” en France

Vallée de la Chimie en France, près de Lyon
© Getty images

Les Belges qui rejoignent en voiture le sud de la France, en passant par la vallée du Rhône, ne peuvent pas la rater. Au sud de Lyon, dans la place forte de l’industrie chimique en France, la présence de taux élevés de “polluants éternels” –les PFAS– suscite l’inquiétude croissante de la population.

Massivement présentes dans la vie courante (emballages, cosmétiques, électronique) mais très peu dégradables, ces substances per et polyfluoroalkylées (PFAS) sont soupçonnées pour certaines d’augmenter les risques de cancers et d’affaiblir les réponses immunitaires. Mais leur diffusion est mal surveillée. 

Dans plusieurs pays comme les Etats-Unis ou les Pays-Bas, les PFAS éveillent une attention croissante et, en France, l’inquiétude se concentre notamment autour de “la vallée de la chimie” près de Lyon (sud-est), où une importante pollution a été révélée par un documentaire diffusé début 2022 sur la chaîne France 2.

Des taux élevés ont été relevés à l’entrée de cette zone, autour de la plate-forme industrielle de Pierre-Bénite où sont installés une usine d’Arkema, qui en utilise pour la fabrication de polymères, et un site de l’entreprise de chimie Daikin. 

L’air, le sol, les eaux du fleuve du Rhône où ces composants sont rejetés: les PFAS sont partout.

“Beaucoup d’incertitude”

Depuis le documentaire, l’Etat a annoncé un plan visant à terme l’interdiction des PFAS. Localement, il a fait diligenter des études d’impact à Arkema, lui a prescrit l’arrêt de leur utilisation d’ici à la fin 2024 et fait surveiller les eaux d’alimentation et les denrées alimentaires. 

Avec deux recommandations principales à la clé: ne pas consommer le poisson pêché en aval de Pierre-Bénite et les oeufs de poulaillers des particuliers, dans 17 communes. 

La métropole de Lyon prépare, elle, pour 2025, le lancement d’une étude sanitaire et environnementale, dont une campagne de prises de sang.

Fin mai, dans le gymnase de la commune de Ternay, 250 personnes étaient venues écouter les services de l’Etat sur cet épineux dossier qu’il ne faut “ni minimiser, ni exagérer”, selon le maire de cette ville de 5.400 habitants, Mattia Scotti.

La “vallée de la chimie” est une région industrielle située dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, en France. Elle est située principalement le long du Rhône, entre les villes de Lyon et de Saint-Fons. Cette zone industrielle est ainsi nommée en raison de la concentration élevée d’entreprises chimiques qui y sont implantées.

La vallée de la chimie est un pôle industriel majeur en France et en Europe. Elle abrite de nombreuses entreprises chimiques et pétrochimiques, ainsi que des laboratoires de recherche et des centres de formation spécialisés dans le domaine de la chimie. Certaines des entreprises les plus importantes de l’industrie chimique française sont présentes dans cette région, notamment Rhodia, Solvay, Arkema, et plusieurs autres.

La question de la consommation d’eau est sur toutes les lèvres. Le reportage de France 2 a en effet relevé des taux dépassant les normes indicatives dans l’eau potable du secteur. 

“L’eau reste potable”, affirme, sous des applaudissements moqueurs, un responsable de l’Agence régionale de santé, qui n’a recommandé aucune restriction mais a annoncé un dispositif de traitement des eaux par l’exploitant Suez.

“C’est beaucoup d’incertitude, qu’attend-on pour protéger tout le monde!”, “ma fille boit de l’eau du robinet tous les jours, avec son cocktail de PFAS!”, s’insurgent des voix dans le public. 

“C’est un sujet éminemment technique et compliqué, sur lequel la réglementation est en pleine évolution. Sur certains aspects, on est encore en phase quasi-exploratoire”, résume, au micro, la préfète Vanina Nicoli, qui représente l’Etat.

Créateur d’un collectif local et ancien chercheur au CNRS spécialiste des PFAS, Louis Delon critique alors les “tours de passe-passe” des autorités, soulignant les “effets très inquiétants des PFAS sur la santé des enfants”. Aujourd’hui maraîcher bio, il a préféré effectuer lui-même des prélèvements d’eau, qu’il a envoyés à un laboratoire canadien de référence. Les résultats sont attendus “pour le début de l’été”.

Lien de confiance “cassé”

Dans l’assistance, on se dit “victime d’un préjudice d’anxiété”: sont présents certains des 46 plaignants, particuliers ou associations qui ont saisi la justice dans le cadre d’une procédure d’urgence centrée sur les problèmes sanitaires.

Maire de Pierre-Bénite, Jérôme Moroge estime, lui, qu’un “lien de confiance s’est cassé avec Arkema”. “A un moment, on nous a menti, en nous disant qu’il n’y avait pas de rejet dans l’air et les sols. L’industriel en premier lieu, mais que savait l’Etat?”, s’interroge-t-il depuis son bureau.

Après une plainte en 2022 pour “mise en danger de la vie d’autrui”, le maire réclame une “étude d’imprégnation” et pourrait d’ici l’été, avec d’autres communes, lancer une action collective sur la dépollution des sols. En filigrane: la question du financement des mesures à venir

Devant le stade qui jouxte le site Arkema, où des taux très élevés ont été relevés, Thierry Mounib, cuisinier à la retraite et dont le père a travaillé à l’usine, fait son calcul: “Autour de chez moi, il y a six cancers dans cinq maisons. Qu’est-ce-que cela signifie…? Les enfants peuvent-ils jouer sans risque dans ce stade?”

Le directeur du site d’Arkema Pierre Clousier met en avant l’installation en décembre d’une station de filtration, qui a considérablement réduit les rejets, et minimise la responsabilité de son groupe. “On a ciblé Arkema, mais on a toujours respecté la réglementation, nos produits utilisés ne sont pas interdits, dit-il. On veut bien prendre notre part, mais on ne peut pas tout nous mettre sur le dos, tous les PFAS ne viennent pas de chez nous”.

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