“Il faut arrêter de dire que le soleil et le vent ne coûtent rien”
Les secteurs de la chimie et de la pharmacie affichent de belles performances en Belgique. Leurs représentants s’inquiètent toutefois du coût de la sortie du nucléaire. Yves Verschueren, administrateur délégué d’Essenscia, répond à nos questions.
Vos secteurs se portent bien : 65,8 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulé (+26 % en 10 ans), 1.125 emplois créés l’an dernier. Mais le niveau total de l’emploi reste inférieur à celui observé avant la crise de 2008. Comment l’expliquer ?
Il faut d’abord préciser qu’il s’agit du seul indicateur sur lequel la performance n’a pas encore été égalée ou dépassée par rapport à l’avant-crise. Nos secteurs sont très intensifs en capital. Ils investissent énormément en infrastructures, souvent de plus en plus automatisées. Il n’y a rien à faire : nous sommes un pays où les charges salariales sont élevées. Nos secteurs connaissent aussi une rémunération moyenne très élevée. Lorsque les entreprises investissent et qu’elles peuvent le faire en automatisant, c’est le chemin qu’elles choisissent la plupart du temps. Il n’est donc pas facile de générer de nouveaux emplois. Mais lorsque ces emplois sont créés, la nouvelle est doublement bonne puisqu’il s’agit d’emplois à haute rémunération.
Si les investissements sont eux aussi à un niveau record avec 2,2 milliards d’euros (le plus haut chiffre de ces 10 dernières années), la Chine et les Etats-Unis s’équipent aussi massivement. L’Europe est à la traîne…
Ce constat doit nous forcer à la prudence. Les Américains ont aujourd’hui cet énorme avantage du gaz et du pétrole de schiste. Pour un secteur comme celui de la chimie, très intensif en énergie, il s’agit d’une aubaine fantastique. La Chine, elle, connaît un marché intérieur en pleine croissance avec un potentiel phénoménal. Il est normal que les multinationales investissent là où les coûts sont les moins élevés et où la croissance du marché est la plus forte. Nous devons absolument rendre l’activité industrielle attractive pour que l’Europe demeure compétitive.
En Belgique, vous réclamez la clarté sur les modalités de la norme énergétique tout comme sur le prix de revient total et le financement du pacte énergétique. Qu’est ce qui vous semble flou ?
Le pacte énergétique ne comprend quasiment aucun chiffre. Il y a certes quelques chiffres qui sont contraignants pour l’industrie. Nous devons consommer moins d’énergie et accepter que le renouvelable soit augmenté à des taux qui nous semblent difficilement atteignables. Mais rien n’est précisé quant à l’implication financière. Il n’est pas non plus indiqué qui va prendre en charge tous ces coûts supplémentaires. Les citoyens ? Les entreprises ? Les autorités publiques ? Cela crée une incertitude énorme, qui est tout le contraire d’une politique industrielle. Il faut arrêter de dire que le soleil et le vent ne coûtent rien. Transformer le soleil et le vent en énergie est une transition très coûteuse. Si c’est un choix de société, nous l’accepterons. Mais il faut parler clairement aux citoyens et dire qui va supporter ces charges supplémentaires.
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