¡Hola!, le cava à la belge

Christopher Heirwegh et Christel Weemaes ont lancé leur marque ¡Hola! Cava il y a 10 ans. © DR/XB

Depuis une décennie et demie, les Belges sont les plus grands consommateurs mondiaux de cava. Plus de 20 millions de bouteilles sont vendues chez nous chaque année. Parmi les groupes qui occupent les premières places du classement, on trouve ¡Hola! Cava, une marque lancée il y a 10 ans par un couple de Belges : Christopher Heirwegh et Christel Weemaes.

En analysant les derniers chiffres disponibles du marché belge du vin, la chute des ventes du champagne (-9%) saute aux yeux. Désormais, ce sont les mousseux espagnols qui détiennent le leadership avec quasi 35% de part de marché. Évidemment dans ce segment, le cava tient le haut du pavé.

En fait, la Belgique s’avère la plus grande consommatrice de cava au monde par habitant. Selon les chiffres de la D.O. Cava qui gère l’appellation en Espagne, le Belge achète 1,85 bouteille par an.

En termes de volumes, si l’on excepte l’Espagne qui est hors concours avec 81 millions de bouteilles vendues annuellement, notre pays est le deuxième importateur mondial derrière l’Allemagne avec un peu plus de 22 millions de bouteilles achetées chaque année.

Pour être plus imagé encore, il s’est ouvert, en 2023, 42 bouteilles toutes les minutes en Belgique! Logiquement, l’Espagnol est le deuxième plus grand consommateur mondial avec 1,7 bouteille achetée par an.

Le succès du cava est logiquement lié à l’excellent rapport qualité/prix qu’il propose. Un rapport qui a encore été amélioré suite aux efforts de la D.O. Cava pour promouvoir une certaine qualité. Les mauvaises langues disaient auparavant que le cava était un excellent moyen pour les Espagnols de liquider du mauvais vin blanc. Ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Face aux prix du champagne qui s’envolent, l’alternative espagnole fait sens. Il est désormais possible d’acheter un cava labellisé d’une qualité supérieure à un champagne d’entrée de gamme aux alentours de 10 euros.

Il s’est ouvert, en 2023, 42 bouteilles de cava toutes les minutes en Belgique.

Quelques marques internationales bien connues détiennent une bonne partie du marché belge : Gran Barón, présente exclusivement chez Colruyt qui vend environ 7 millions de bouteilles de cava par an, Codorníu ou encore Freixenet. Aux alentours de la sixième place se situe ¡Hola! Cava, une marque lancée il y a 10 ans par un couple de Belges : Christopher Heirwegh et Christel Weemaes. Christopher Heirwegh n’est pas étranger à la poussée du cava en Belgique. Avant de s’installer en Espagne, il a travaillé pour deux des plus grands importateurs belges en la matière : Chacalli Wines, à Anvers, et Hasselt Millésimes. Ce dernier vient d’ailleurs d’être racheté par le groupe agricole français InVivo et est devenu Cordier BE.

“Le marché du cava s’est emballé à partir de 2005, se souvient Christopher Heirwegh. Les gens ont commencé à découvrir l’excellent rapport qualité/prix que ce produit présentait. En outre, contrairement au prosecco dont la deuxième fermentation se fait dans une cuvée fermée selon la méthode Charmat, le cava a la même méthode de production que le champagne avec la deuxième fermentation en bouteille. C’était plus facile à expliquer. À l’époque, nous avons énormément activé l’horeca. Une année, je suis parvenu à vendre 1,2 million de bouteilles de la marque Moussa sur ce segment. Je ne pense pas qu’on ait fait mieux depuis ! Nous sommes les plus grands consommateurs mondiaux de cava par habitant depuis des lustres, mais en termes de volume, le pic a dû être atteint il y a une dizaine d’années avec 32 millions de bouteilles.”

Un projet de vie

En 2011, Christopher Heirwegh est débauché par Vallformosa, le groupe familial qui, entre autres, produit le Gran Barón. Il y occupe conjointement les postes de global sales & marketing director et de chief operating officer. En fait, notre compatriote souhaitait apprendre à maîtriser l’ensemble de la chaîne de production et de vente d’un cava. À l’époque, cela faisait six mois qu’il était en couple avec Christel Weemaes. Au bout d’une demi-année d’allers-retours en avion, elle a décidé de tout quitter pour le rejoindre en Espagne.

“À cette période, je travaillais comme conseillère financière et experte en placements dans une agence KBC à Wilrijk, se souvient-elle. Quand j’ai annoncé que je partais, ma famille m’a traitée de folle. Ils ne disent évidemment plus cela ! (rires) Treize ans plus tard, nous avons réalisé notre rêve et avons fondé une petite famille à Sitges, dans la banlieue sud de Barcelone, avec nos deux filles. Au départ, j’ai eu l’occasion de rejoindre Vallformosa où, entre autres, vu mon cursus scolaire, j’ai géré la marque Gran Barón en termes de marketing.”

Il y a 10 ans, le couple a porté sur les fonts baptismaux la société Barcelona Brands et lancé la marque ¡Hola! Cava. Un projet révolutionnaire pour le petit monde du cava et qui a mis du temps à être accepté par les Espagnols. Christopher et Christel, aujourd’hui general manager de l’entreprise, ont mis sur pied un modèle hybride. Ils ne possèdent ni vignes, ni chai, ni ligne d’embouteillage…

“C’eût été impossible autrement, confirme Christopher Heirwegh. En fait, nous louons tout, suivant le degré d’utilisation et le nombre de bouteilles produites et entreposées. Pour l’instant, nous avons six millions de bouteilles dans les caves de vieillissement. Pour le sourcing des raisins, nous avons signé des contrats de longue durée avec des vignerons pour environ 625 hectares. Nous avons opté pour une production 100% bio. Certains ont dû se convertir. Nous ne les avons pas aidé financièrement, mais depuis le début, nous achetons le kilo de raisins à un prix largement supérieur à celui défini par la D.O. Cava. Dans un premier temps, c’était deux fois le prix. Aujourd’hui, on tourne autour de 1,8. Nous gérons toute la vinification nous-mêmes avec une équipe d’œnologues sous la conduite de Joan Soler, une sommité dans la région, qui a cru dans le projet et travaille quasiment exclusivement pour nous à présent.”

Finalement, c’est Joan Soler qui permet de bien comprendre l’essence du projet et l’adhésion forte des viticulteurs espagnols. “Il faut comprendre que le réchauffement climatique est vécu difficilement en Espagne, dit-il. Dans la zone de Selma et de Pla de Manlleu en appellation Penedes où ¡Hola! source un tiers de ses raisins, il est tombé ces trois dernières années moitié moins d’eau. Ajoutez-y la grêle, le gel et les prédations des sangliers et des chevreuils qui, assoiffés, viennent dévaster les cultures, et le tableau n’est pas très réjouissant. Le projet de Christopher et Christel, centré autour du bio, est rassurant et mobilisateur. Malgré le changement climatique, il y a un avenir, et le succès de la marque en est le témoin. Ce qui me frappe toujours, c’est la force mentale des vignerons. Les gens ne se rendent pas compte qu’une bouteille de cava, c’est beaucoup de sang, de sueur et de pleurs.”

Le couple a opté pour un modèle hybride basé sur la location. Il ne possède ni vignes, ni chai, ni ligne d’embouteillage. © DR/XB

Innovations

Évidemment, rien de tout cela n’aurait été possible sans Delhaize qui a décroché l’exclusivité de la marque pour la grande distribution. Les contacts se sont noués il y a plus de 10 ans lors d’une des dernières éditions du salon Vinexpo, à Bordeaux. Aujourd’hui, aucun des deux partenaires n’a à regretter la confiance mutuelle accordée. ¡Hola! produit désormais trois millions de bouteilles par an, qui sont écoulées dans 35 pays. La Suède est devenue cette année son premier marché. Quinze pour cent de cette production part chez Delhaize et 10% dans notre horeca avec une autre ligne de produits.

“Tous les vignerons visent la qualité, sourit Christopher Heirwegh. Mais cette qualité ne sert à rien si vous ne vendez pas votre produit. Nos étiquettes destinées à Delhaize sont modernes, jeunes et attractives. Dans la masse d’effervescents qui se trouvent dans les rayons, nous devons sortir du lot. La vente de cava demeure stable chez Delhaize, mais nous, nous y progressons de 12%. Pour fêter le 10e anniversaire de notre présence chez Delhaize, nous venons de mettre en vente une cuvée spéciale: un Vintage brut nature de 2021.”

Pour faire sa place sur le marché, ¡Hola! mise toujours sur l’innovation. Dès le départ, Christopher Heirwegh a cherché à faire du cava à la belge, misant sur la fraîcheur et sur l’acidité. Ainsi, par exemple, son cava rosé appelé Pink était le premier de toute la D.O. Cava à faire appel à des cépages blancs. L’assemblage est interdit pour faire du rosé et il est donc obligatoire que les cépages utilisés macèrent et fermentent ensemble. Pour des raisons de maturité, les vignerons optaient exclusivement pour des cépages rouges. Avec son sourcing issu de différentes zones et un pinot noir cultivé en altitude, ¡Hola! a pu contourner le problème et offrir un produit complètement différent. À notre sens, le meilleur de la gamme.

© DR

Peu d’alcool pour un cava

Un autre facteur qui explique le succès du cava est son faible taux d’alcool : 11,5% en moyenne. ¡Hola! a, là aussi, voulu casser les codes. La marque a lancé une gamme appelée Mediterráneo, vinifiée selon la méthode Charmat, pas du tout utilisée dans la région. Ce n’est pas un cava puisqu’il n’y a pas de deuxième fermentation en bouteille. Qu’à cela ne tienne, les œnologues, grâce à de la filtration osmotique naturelle, sont parvenus à élaborer un mousseux espagnol de qualité qui ne titre qu’à 8,5%. C’est un produit charmeur au profil féminin qui casse la baraque. Chez Delhaize, 50% des ventes d’¡Hola! se font via cette gamme, bien soutenue il est vrai par des actions de promotion. Au bout de 10 ans, Christopher Heirwegh et Christel Weemaes sont parvenus à se faire une place de choix parmi les producteurs de cava. Par leur audace et leur agilité.

“Sans cette agilité, je ne sais pas si nous serions encore là, conclut-il. En une décennie, nous avons tout connu : le covid, l’inflation énergétique, l’envolée du coût des bouteilles et des étiquettes, la sécheresse et les excès liés au réchauffement climatique. Nous sommes résilients et c’est rassurant pour l’avenir. Des projets, j’en ai encore beaucoup. Dont celui d’un resto étoilé dans la région…”

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