Guillaume Gersdorff réinvente l’horeca avec la rue de Demain

Guillaume Gersdorff a été formé à l’unique école au monde qui enseigne l’art des sfoglino, la prestigieuse VSB de Bologne. © PG

Situé au bord de l’eau, la rue des Bouchers, dites la rue de Demain à Namur, est devenue un véritable parcours culinaire grâce à Guillaume Gersdorff qui en a fait un lieu de destination où baigne sa vision audacieuse de la gastronomie. L’entrepreneur et chef namurois nous raconte son histoire et sa vision de l’horeca.

Il a grandi dans les cuisines de restaurants emblématiques tels que l’Essentiel ou le restaurant gastronomique La Plage d’Amée, le long de la Meuse, à Jambes. “Dans la famille, tout le monde baigne dans l’horeca”, confirme Guillaume Gersdorff, chef et entrepreneur namurois. C’est à 16 ans que ce jeune entrepreneur commence des études de cuisine à l’école hôtelière Ter Duinen, près de Coxyde. Il voyage ensuite pendant neuf ans autour du monde afin de continuer sa formation et affiner ses compétences culinaires. De Paris à New York en passant par Barcelone, il se forme auprès des plus grands chefs étoilés, comme Éric Frechon ou Jean-François Piège. “J’avais un peu la bougeotte”, avoue l’entrepreneur.

En rentrant en Belgique, il ouvre le Kookin, un restaurant bistronomique qui revisite la pâte de l’entrée au dessert, à Thorembais-Saint-Trond, dans le Brabant wallon. Un restaurant aujourd’hui fermé, mais pour lequel il a obtenu un Bib Gourmand après seulement quatre mois d’ouverture. “Ça fonctionnait très bien”, assure-t-il. Mais c’est finalement à Namur qu’il décide de lancer ses nouveaux projets, inspirés de ses expériences et voyages culinaires. “Avec la rue de Demain, j’avais envie de revenir à une cuisine décomplexée, inclusive et ancrée dans le savoir-faire artisanal local, explique Guillaume Gersdorff. L’objectif est de faire ce qui ne se fait pas ailleurs.”

Une rue, quatre restaurants

Devenue un lieu de destination, la rue de Demain conjugue quatre établissements appartenant au groupe familial des Gersdorff. “La discussion se fait en famille lorsque l’on décide de lancer des nouveaux projets, mais chacun le mène à sa façon”, assure-t-il.

Guillaume Gersdorff a donc investi quatre lieux, situés côte à côte dans la même rue. Le premier restaurant a été créé peu avant la crise sanitaire : la Table de Demain qui proposait de grands plats au milieu de la table, à partager entre convives. “Pour des raisons évidentes, le concept a dû évoluer puisque partage et covid n’allaient pas vraiment de pair”, se rappelle-t-il. Le restaurant est alors renommé Demain à main et revisite les classiques de la brasserie, tout en mettant à l’honneur les pâtes fraîches et les rolls briochés, les deux spécialités de la maison. “Le nom est une référence au service au comptoir qui se fait de main à main”, précise Guillaume Gersdorff.

Devenue un lieu de destination, la rue de Demain conjugue quatre établissements appartenant au groupe familial des Gersdorff.

De l’époque du covid, seuls les QR codes accolés aux tables subsistent. “La majorité des commandes se fait via une application, ça permet également de se débrouiller avec moins de personnel en salle.”

Le restaurant est ouvert en continu toute la journée et se revendique “fast food gastronomique”. “L’objectif est de reproduire les plats qui m’ont été appris de manière la plus authentique possible”, note le responsable. Parce que Guillaume Gersdorff a été formé à l’unique école au monde qui enseigne l’art des sfoglino, la prestigieuse VSB de Bologne, les pâtes artisanales sont l’une de ses spécialités. Alors, on trouve au menu le bouillon de tortellini ou encore les pâtes al ragù inspirées par la recette d’une nonna rencontrée lors de ses études.

L’un des quatre ­restaurants de Guillaume Gersdorff dans la rue des ­Bouchers, dites la rue de Demain, à Namur. © PG

Une cuisine centralisée

Passionné par cet art de la pâte, il ouvre ensuite Le Tailleur de Pâtes, un lieu hybride à la fois atelier de production et école, où il partage son savoir-faire avec le public. Dans un atelier ouvert, les amateurs de cuisine apprennent alors à maîtriser les subtilités de la pâte maison, des tagliatelles aux raviolis. “Le concept plait beaucoup, nous sommes complets trois mois à l’avance, assure-t-il. Ça permet d’éduquer le consommateur à la bonne cuisine et au savoir-faire artisanal, car beaucoup pensent que l’on réalise nos pâtes à la machine, alors que tout est fait à la main.”

Quand il est n’est pas occupé par des “élèves”, le lieu fait également office de cuisine centralisée, où l’ensemble des plats est préparé pour les autres restaurants. “Ça permet un gain de temps énorme et une optimisation des ressources humaines”, note Guillaume Gersdorff. Dans l’atelier, deux cuisiniers s’attellent à la préparation des petits plats du jour, ce qui signifie que le cuisinier du restaurant – qui dispose d’une autre cuisine – n’a aucune mise en place à faire. “Les frigos sont remplis et tout est déjà portionné. Il n’a donc pas de découpe ou de préparation à faire à l’avance, ce qui me permet de commencer directement le service de midi.”

Ta Mère la Gaufre

Les gaufres possèdent un design particulier sur lequel se dessine la confluence de la Sambre et la Meuse. © PG

Le troisième concept de la rue de Demain a été créé en 2023 avec Ta Mère la Gaufre. Les gaufres, déclinées en version sucrée ou salée, arborent un design particulier sur lequel se dessine la confluence de la Sambre et la Meuse. Le projet avait alors été “marketé” par l’influenceur et humoriste GuiHome, bien que le partenariat ne soit plus d’actualité.

Aujourd’hui, la boutique existe à Namur, mais également à Louvain-la-Neuve. La pâte à gaufre, mais aussi les toppings comme le caramel et le chocolat sont également produits depuis la cuisine centralisée de Namur pour les deux boutiques. “Ce qui offre une qualité similaire”, avance Guillaume Gersdorff qui souhaiterait étendre le concept à l’international. En ligne de mire ? L’Arabie saoudite, mais pourquoi pas aussi les États-Unis. Pour l’entrepreneur, il existe deux manières d’étendre le réseau : soit par la franchise, soit par levée de fonds afin de garder la mainmise sur le concept. “Nous n’avons pas encore décidé comment nous allons fonctionner.”

Enfin, Good Guy Smash est la dernière adresse à rejoindre La rue de Demain depuis la fin d’année 2024. Ce concept met à l’honneur le smash burger, un incontournable des amateurs de burgers, décliné en taille de vêtement du S au XL. “Chaque taille correspond à un nombre croissant de steaks, pour satisfaire toutes les envies”, ajoute Guillaume Gersdorff. Ce dernier concept est uniquement disponible en livraison. Bien que le burger soit aussi à la carte du premier restaurant Demain à main. “L’offre vise un public plus jeune qui ne veut pas forcément aller au restaurant”, poursuit le responsable.

Une dernière boutique se trouve encore dans cette rue, mais le concept qu’elle pourrait abriter reste pour le moment secret.

“Un restaurant seul ne suffit plus, il faut devenir un lieu de destination, c’est-à-dire offrir un bon service, bien recevoir et créer des activités.” – Guillaume Gersdorff

Une autre vision de l’horeca

Avec plus de 15 années de métier, Guillaume Gersdorff a vu le secteur de l’horeca évoluer. “Pour moi les restaurants classiques, avec beaucoup de personnel en salle et une carte abordable, c’est terminé”, avance-t-il. “Aujourd’hui, il n’y a plus d’entre-deux dans le secteur. Les restaurants sont soit gastronomiques et étoilés avec des prix très élevés, soit ils proposent une petite carte pas chère.”

Le chef et entrepreneur constate le manque criant de personnel depuis la crise sanitaire. “L’atelier de production nous permet de répondre à ce problème, assure-t-il. Nous sommes aussi ouverts en continu de manière à ce que notre personnel preste huit heures sur la journée.” En salle, on retrouve deux serveuses souriantes qui veillent sur les clients. Grâce à sa mécanique, le restaurant Demain à main est capable de sortir 800 couverts par jour en hiver (sans la terrasse donc). “Ce sont des restaurants qui permettent de faire énormément de volume avec très peu de personnel”, assure Guillaume Gersdorff.

Autre constat, la hausse du prix des marchandises et des salaires. “Ça devient compliqué de ne pas répercuter ces augmentations sur la carte, note-t-il. J’ai court-circuité une partie de mes fournisseurs pour acheter en volume et éviter de le faire payer aux clients.” Quelle est sa vision de l’horeca ? “Un restaurant seul ne suffit plus. Il faut devenir un lieu de destination, c’est-à-dire offrir un bon service, bien recevoir et créer des activités pour donner envie aux consommateurs de venir découvrir votre concept.”

La rue de Demain représente un investissement de deux millions d’euros financé par les banques auprès du groupe familial Gersdorff. Le concept pourrait-il d’ailleurs être franchisé ? Guillaume Gersdorff ne l’exclut pas. “Ce qui m’anime c’est de créer les projets, ajoute-t-il. Je pense aussi à mettre nos établissements en location-gérance afin de relancer de nouveaux concepts.”

Une famille tournée vers l’excellence culinaire wallonne

Si Guillaume Gersdorff s’est tourné vers les métiers de l’horeca, c’est sans aucun doute grâce à ses parents. Christine et Benoît Gersdorff ont travaillé dans plusieurs restaurants étoilés à Paris et dans le sud de la France, avant d’ouvrir leur première table, L’Essentiel, à Temploux, près de Namur. Un an après, en 1996, Benoît décrochait sa première étoile Michelin.
En 2002, nouvelle étape : le couple rachète une ferme totalement délabrée près de la citadelle de Namur, qu’il décide de rénover pierre par pierre et de transformer en hôtel. “Dans la famille, on est fan des vieilles bâtisses, explique Guillaume Gersdorff. Mon père adore acheter des ruines et les retaper, c’est sa seconde grande passion après la cuisine.” Après 10 ans de rénovation, le NE5T Hôtel & Spa est inauguré. “Mes parents ont ensuite continué à monter d’autres établissements, soit en tant que consultants externes, soit en tant que gérants”, précise-t-il.
Accompagnés de leurs enfants (Guillaume et Camille), les parents ont depuis ouvert deux nouveaux établissements Les Tilleuls, un hôtel particulier à Étretat et le domaine de Pozzetto, dans le sud de la France. “Ils nous laissent beaucoup de place à ma sœur et à moi pour monter de nos nouveaux projets et participer aux nouveaux établissements”, conclut Guillaume.

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