Gantrex, un discret champion mondial à Nivelles
Fondée il y a plus de 50 ans à Nivelles, la société Gantrex s’est progressivement développée pour devenir le leader mondial de son secteur avec une présence dans 20 pays sur cinq continents. Pourtant, peu nombreux sont ceux qui en ont déjà entendu parler.
Quel est le point commun entre le stade du Real Madrid, les plus grands ports du monde, la futuriste Seine musicale près de Paris, un observatoire au Chili, la fusée Ariane 6 et une centrale nucléaire américaine? Tous ces projets ont nécessité ou nécessitent au quotidien le déplacement de charges extrêmement lourdes sur un système de rails. C’est donc logiquement que leurs maîtres d’oeuvre ont fait appel à l’expertise du numéro 1 dans ce domaine: Gantrex, une PME nivelloise méconnue et pourtant hautement spécialisée dans la production, la distribution, l’installation et la maintenance de solutions de voies de roulement (rails, fixations, intercalaires, etc.).
“Un joyau caché”
“Gantrex est l’un de ces joyaux cachés en Belgique. La société existe depuis plus de 50 ans, compte quelque 350 employés à travers le monde et réalise environ 90 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel sur un marché dont elle est le leader mondial”, résume son CEO, Maarten Impens. Pourtant, peu nombreux sont ceux qui la connaissent, du moins dans le grand public, car dans son secteur tout le monde la connaît. “Nous avons une belle entreprise mais qui est active sur un petit marché de niche très spécialisé qui n’atteint qu’environ 300 millions d’euros par an.” Il faut dire que les systèmes développés par Gantrex sont conçus dans un but très précis: supporter les charges les plus lourdes. “Nous nous occupons exclusivement du heavy duty, explique le patron. Dans le secteur portuaire par exemple, les grues supportent 200, 280, voire 300 tonnes par roue, ce qui équivaut au poids de près de 100 voitures sur une surface équivalente à celle d’un smartphone. Nos solutions doivent pouvoir résister et rester bien en place lorsque les équipements se déplacent. Nous parlons donc d’un composant clé qui, s’il n’est pas fiable, peut paralyser une infrastructure.”
On l’aura compris, une grande part de l’activité de Gantrex (environ 40%) est donc liée aux ports. Mais pas seulement: la PME nivelloise est également active dans la sidérurgie (Tata Steel, ArcelorMittal, etc.), le secteur minier ou encore les usines automatisées (Pfizer, Coca-Cola, Ikea, BMW, DHL, etc.). “Nous avons environ 3.000 clients et des commandes allant de 10 euros (pour une fixation de rail, par exemple, Ndlr) à 10 millions”, explique Maarten Impens. Et puis, il y a également les applications plus spécialisées. “Par exemple, le système de rails de la plateforme mouvante reliant les sites de construction et de lancement de la fusée Ariane 6, celui d’une grue spécialement conçue pour poser le toit d’une centrale nucléaire ou encore les dispositifs de toits rétractables de grandes enceintes sportives, comme celles de Roland-Garros, Wimbledon ou du Real Madrid. Quand on y pense, c’est quand même fou qu’une société basée à Nivelles ait pu grandir au point de prendre part à un si grand nombre de projets.”
Nous avons environ 3.000 clients et des commandes allant de 10 euros à 10 millions.” MAARTEN IMPENS, CEO
“Nous fournissons le monde entier”
Pour pouvoir remplir une telle variété de contrats, une présence à l’international est évidemment indispensable. Au total, Gantrex est présent dans 20 pays sur cinq continents. “Mais malgré le fait que beaucoup de projets se développent en Asie ou en Amérique latine, l’Europe demeure une part importante de nos activités, de l’ordre de 30 à 35%”, explique le CEO. A ce titre, le fait d’être installé à Nivelles, où l’entreprise dispose de deux sites qui emploient une soixantaine de personnes, constitue un avantage. “La Belgique de manière générale est une bonne situation pour nos activités. Sa position très centrale sur le continent et la proximité du port d’Anvers rendent très facile l’envoi de matériel partout à l’étranger. Depuis Nivelles, nous fournissons nos matériaux dans le monde entier. Notre plus grand site s’occupe non seulement de la production et de la distribution de fixations de rail pour l’Europe et une partie de l’Asie, mais c’est également là que nous produisons 90% de nos intercalaires de rail en caoutchouc, soit quelque 350 kilomètres par an.”
Cette présence mondiale constitue par ailleurs un avantage de taille par rapport à la concurrence. “La plupart de nos concurrents sont des entreprises locales, présentes dans une ou deux régions, ou alors sur un ou deux marchés verticaux, précise le CEO. Nous sommes la seule société qui dispose d’une telle gamme de présences locales sur autant de marchés verticaux. C’est quelque chose que nos clients, en particulier ceux qui sont très développés internationalement, apprécient.” Mais la véritable force de Gantrex réside dans son personnel, assure Maarten Impens. “Cinquante ans d’expérience, 350 employés, un large réseau de spécialistes à travers le monde… Ce genre de profil et de know how technique est assez unique sur notre marché. Sans oublier le fait que nous continuons en parallèle à innover et proposer de nouveaux produits.”
Gantrex 4.0
Il y a trois ans, l’entreprise nivelloise s’est lancée dans un grand plan stratégique baptisé Gantrex 4.0. L’un de ses deux piliers porte sur la digitalisation d’une partie de ses activités. “La plupart de nos innovations sont désormais liées aux solutions numériques: monitoring à distance, scanning, application d’inspection, etc. Même si bien sûr, nous n’oublions pas d’où nous venons, raison pour laquelle nous continuons à mettre au point de temps à autre de nouvelles solutions au niveau des composants eux-mêmes”, assure et rassure le dirigeant d’origine gantoise. Tandis que l’autre pilier est peut-être encore plus fondamental. “En 1971, nous avons débuté par la manufacture de composants, puis nous avons évolué vers l’ingénierie et la fourniture de systèmes entiers, avant de nous lancer dans leur installation.” La nouvelle transition en cours doit permettre à la PME wallonne de s’ouvrir les portes d’un plus grand marché. “Nous voulons devenir un véritable partenaire mécanique pour nos clients. Comment? En ne nous limitant plus seulement aux rails mais en proposant aussi de la maintenance, de l’inspection ou des réparations sur les grues elles-mêmes. C’est un changement de paradigme car il ne s’agit plus de vendre un projet d’une durée de deux ou trois ans, mais d’être présent au moindre problème, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.” Grâce à cette nouvelle dynamique, Gantrex espère voir son chiffre d’affaires passer de 90 à 120 millions d’euros à l’horizon 2026.
Sur les rails, malgré les crises
Quid des effets la crise sanitaire? “Le covid a eu un impact sur notre entreprise avant même que le monde ne prenne conscience de l’ampleur de la crise qui nous attendait, explique Maarten Impens. Dès la fin janvier 2020, notre usine chinoise a en effet dû fermer ses portes. Et lorsque la Chine a commencé à rouvrir, la problématique s’est inversée avec les fermetures en Europe, en Amérique, ainsi que les difficultés pour voyager. Sans parler de l’impact logistique, avec la congestion des ports qui dure depuis environ un an et demi. Le choc a donc été très fort, mais pas non plus au point d’être ingérable.” Désormais, l’heure est à la reprise, même s’il va falloir composer avec le conflit russo-ukrainien. “La Russie n’est pas un gros marché pour nous, confie le CEO. Par contre, l’impact du conflit sur le prix des matières premières ou de l’énergie est clairement un challenge avec lequel nous devons composer.”
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