Fritapapa bouscule le monde de la frite

Les fondateurs de Fritapapa, Julien Abras et Pierre Artuso. © PG
Frederic Brebant
Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances 

Avec bientôt 20 friteries en Wallonie, l’enseigne carolo Fritapapa s’est fait un nom dans le secteur de la pomme de terre. Gourmands, les fondateurs Julien Abras et Pierre Artuso voient grand et visent à présent le marché français avec l’aide de franchisés.

Tous les grands chefs vous le diront : le saumon fumé ne se marie pas avec un paquet de frites. Et pourtant… Dans l’histoire de Fritapapa, ce gros poisson fait partie du décor originel qui a vu la naissance de cette enseigne singulière. Nous sommes en 2016, dans la région de Charleroi. Autodidacte, Julien Abras travaille comme commercial dans l’entreprise familiale Sodial, spécialisée dans le fumage artisanal du saumon. Avec son ami Pierre Artuso, courtier en assurances et diplômé de Solvay, ils s’adonnent volontiers à la dégustation d’une “bonne frite” en soirée. Mais voilà : ils sont un peu dépités par l’offre existante en terre carolo et se plaisent à imaginer LA friterie de leurs rêves, histoire de ne plus faire de longs kilomètres vers Bruxelles pour y dénicher la perle huilée.

Téméraires, les deux comparses décident alors de se lancer dans l’aventure modestement culinaire et reprennent une première friterie à Marcinelle. “L’endroit était tip top et nous étions super enthousiastes, se souvient Julien Abras, mais on avait oublié qu’il fallait un peu d’argent pour démarrer une affaire et, surtout, on ne savait pas cuire une frite ! Bref, on avait sans doute trouvé la plus belle friterie de la région, mais on était les plus mauvais en termes de service. C’était une vraie catastrophe. À l’époque, on avait d’ailleurs plus de huissiers que de clients dans la friterie (rires) !”

Coup de poker

Las, les deux associés sont sur le point de jeter l’éponge et de revenir à leur métier de base – le saumon fumé et les assurances – lorsqu’une annonce retient leur attention pour reprendre une friterie à l’aéroport de Charleroi. En 2017, Julien Abras et Pierre Artuso tentent le coup de poker et, pour financer ce nouveau défi, misent sur le crowdlending via la plateforme Look&Fin. Cette opération de financement participatif se transforme en succès et, contre toute attente, le duo remporte l’appel d’offres pour cet emplacement dédié à la frite, juste en face de l’aérogare. L’endroit est stratégique et, peu à peu, la sauce prend.

“On a vite remarqué que la plupart des clients étaient étrangers, note Julien Abras, et que la première chose qu’ils voulaient, lorsqu’ils atterrissaient à Charleroi à 10h du matin comme à 21h, c’était un paquet de frites. On s’est dit que c’était un bon signe pour la suite et que, un jour, on devrait s’installer dans d’autres pays.”

Ce jour est quasi arrivé. Car depuis ses premiers pas difficiles à Marcinelle et son envol prometteur à l’aéroport hainuyer, l’entreprise Fritapapa a bien grandi. En moins de 10 ans, l’enseigne a ouvert 19 friteries en fonds propres en Wallonie – la 20e ne saurait tarder –, principalement dans les provinces du Hainaut, de Namur et du Brabant wallon. Très isolé à ses débuts, le duo a progressivement étoffé son équipe et compte aujourd’hui 350 collaborateurs (tous types de contrats confondus), obtenant un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros en 2024.

Frite 2.0

Le secret de ce fulgurant succès ? “On a toujours voulu aborder ce métier de frituriste, qui est certainement l’un des plus vieux de Belgique, avec une approche différente de ce qui se faisait jusqu’ici, répond Julien Abras. Avec le bénéfice de nos activités passées, on a voulu professionnaliser le monde de la frite avec une vision totalement différente, que ce soit dans le sourcing des produits, dans la négociation avec les fournisseurs, dans la méthodologie de travail, mais également dans le recrutement et le suivi de nos équipes. Et quand le moment de la digitalisation est arrivé, on a voulu aussi être les premiers sur les réseaux sociaux, avec notre propre style de communication, notre site web, notre appli et, bien sûr, les bornes de commandes.”

Portée par une image de marque forte, l’enseigne Fritapapa n’en oublie pas pour autant la qualité intrinsèque du produit qui est essentielle à la réussite du projet. Julien Abras et Pierre Artuso se targuent d’ailleurs d’être la seule chaîne de friteries à pouvoir garantir, dans le pays, une pomme de terre 100% belge labellisée Bintje tout au long de l’année. Et le duo d’ajouter que leurs hamburgers pur bœuf sont issus de la “Rouge de Famenne”, une bête élevée localement dans le respect du bien-être animal, et que sa bière maison Beerapapa est brassée dans le Brabant wallon, “dans la pure tradition brassicole belge et de la modernité éco-responsable” (sic).

Objectif franchise

Près de 10 ans après le lancement de l’aventure Fritapapa, les fondateurs voient aujourd’hui très grand dans leurs rêves de croissance et, pour ce faire, ils viennent d’enclencher le modèle franchisé, notamment pour sortir des frontières. “En fonds propres, nous sommes encore capables d’évoluer en Belgique, explique Julien Abras, mais si l’on veut passer la vitesse supérieure, on est obligé de s’entourer et de rendre notre business plus participatif et donc d’ouvrir les portes de la franchise.”

Pour les amateurs, l’enseigne propose d’ailleurs une formation complète à l’Académie Fritapapa, basée à Wavre, et qui accompagne déjà les équipes en place pour les aider à s’améliorer au quotidien. “Cette structure nous permet d’accueillir des gens de tous horizons, même sans expérience dans la restauration, pour les former au métier de frituriste, enchaîne Julien Abras. Chez nous, il y a de très belles histoires avec des personnes qui sont parties de rien et qui sont aujourd’hui responsables d’un, voire deux points de vente. J’invite d’ailleurs les politiques à venir constater que, chez Fritapapa, le parcours d’intégration fonctionne vraiment. Ils devraient davantage s’y intéresser (sourire).”

Bientôt chez les Ch’tis

Pour le développement de l’enseigne, Julien Abras et Pierre Artuso misent toujours sur la Wallonie avec un objectif de trois à cinq ouvertures franchisées par an, mais surtout sur la France où la réputation des frites belges n’est plus à bâtir. Culturellement, ce premier marché étranger est, selon eux, plus facile à aborder que la Flandre “qui reste un pays dans le pays et un marché plus compliqué d’un point de vue linguistique”, affirment-ils. Or, les différentes informations et toute la communication de Fritapapa existent déjà en français pour attaquer l’outre-Quiévrain et séduire de nouveaux franchisés.

Avant d’autres ambitions internationales ? “Nous avons déjà été contactés pour vendre nos frites dans des pays relativement exotiques, conclut Julien Abras, mais tant que rien n’est signé, on ne va pas danser (rires) ! C’est amusant que l’on parle de nous dans des marchés aussi lointains comme le Moyen-Orient, alors qu’il y a 10 ans à peine, on galérait à Marcinelle ! Comme quoi, il faut faire preuve d’énormément de résilience et de remise en question quand on se lance dans le business.”

Au point d’imaginer, un jour, un surprenant “saumon fumé-frites” dans l’une de ces destinations exotiques ? Qui sait… Avec Fritapapa, rien ne semble impossible.

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