Frederic Hufkens (A.S.Adventure): “Ne pas être en Allemagne était une aberration”
Alors que le spécialiste belge de l’outdoor A.S.Adventure vient de racheter pour près de 38 millions d’euros la chaîne allemande McTREK, nous avons rencontré son CEO Frederic Hufkens. Il revient sur les ambitions de son groupe, les défis auxquels son secteur doit faire face, et la manière dont son enseigne a décidé de se différencier face à un géant comme Decathlon.
Et de sept ! Avec l’acquisition du numéro deux allemand de l’outdoor McTREK (39 magasins et 52 millions d’euros de chiffre d’affaires), la chaîne belge A.S.Adventure fait son entrée sur un septième marché. Présente en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Irlande et en France, elle débarque en Allemagne, le plus grand marché européen de l’outdoor. Nous avons rencontré son CEO, Frederic Hufkens.
En 2015, A.S.Adventure était racheté par le fonds d’investissement français PAI Partners qui détient à ce jour 85% du capital, le reste étant aux mains de l’équipe de management et de vous-même. Peut-on dès lors encore parler d’un groupe belge ?
Oui, car ce sont quand même des Belges qui prennent les décisions. Le comité exécutif est composé de quatre Belges et de deux Néerlandais. Le centre de gravité de la société reste Anvers et l’ADN d’A.S.Adventure est bien belge. PAI Partners n’intervient pas du tout dans la gestion du groupe. C’est un fonds d’investissement, et comme tout le monde le sait, les fonds restent environ cinq-six ans. Dans trois-quatre ans, je chercherai un nouveau partenaire, et ce pourrait bien être un partenaire belge. Nous pourrions aussi envisager une entrée en Bourse…
Pourquoi vous intéressez-vous au marché allemand ? McTREK n’est pas une très grande chaîne…
Le marché allemand est de loin le plus grand marché outdoor en Europe. Et nous sommes de loin la plus grosse chaîne outdoor d’Europe. Le fait de ne pas être en Allemagne était une aberration. Par ailleurs, il s’agit d’un marché très fragmenté. Il n’y a que deux chaînes spécialisées : le leader Globetrotter, et McTREK. Pour le reste, il y a la chaîne Intersport qui vend de l’outdoor, ainsi que les department stores qui sont très nombreux en Allemagne. Je connais bien le CEO de Globetrotter. Je l’ai rencontré et il a été très clair : l’enseigne n’est pas à vendre. McTREK non plus n’était pas à vendre, mais je suis parvenu à convaincre son directeur. Il est vrai que par rapport à nous, la chaîne travaille un peu plus sur les prix. Mais elle possède des marques de qualité. C’est une belle acquisition car elle très centrée “outdoor”, et puis nous allons pouvoir la faire grandir en Allemagne.
Confirmez-vous le montant de la transaction : près de 38 millions d’euros ?
Nous ne communiquons pas sur ce point. Cette information vient des banques et des conseillers. Elle n’est pas loin de la réalité.
Que ce soit aux Pays-Bas avec Bever, au Royaume-Unis et en Irlande avec Costwold Outdoor, et maintenant en Allemagne avec McTREK, on voit que vous avez toujours privilégié le rachat d’enseignes existantes. Seule la France fait exception. Pourquoi cette stratégie ?
Si on peut racheter le numéro un, comme Bever aux Pays-Bas, ou le numéro deux sur un marché, cela va beaucoup plus vite que de devoir commencer à ouvrir des magasins. En France, il se fait qu’en dehors de la chaîne Au vieux campeur, il n’y a pas d’autre grand acteur outdoor. Et cette enseigne n’est pas à vendre. Nous avons donc décidé de nous lancer en ouvrant des magasins A.S.Adventure. Lorsque nous rachetons une enseigne, nous conservons son nom, mais il est vrai que le concept A.S.Adventure s’implante au fil des ans. Ce n’est pas un copier-coller, mais on retrouve certains trais du concept.
Qu’en est-il de vos projets d’expansion en France ?
Nous allons y ouvrir un troisième magasin en octobre, et nous sommes en négociations pour ouvrir trois-quatre points de vente l’année prochaine. Ce sont des magasins plus grands qu’en Belgique. Lorsque nous aurons trouvé notre rythme de croisière, nous ouvrirons trois-quatre magasins par an, l’idée étant d’avoir une vingtaine de magasins en France dans cinq ans.
Comment votre marché se comporte-t-il ? Quelles en sont les caractéristiques et le défis ?
C’est un marché très compétitif, mais aussi en croissance. Il est lié aux loisirs en général, et à la tendance à adopter un mode de vie plus sain. Une tendance qui touche tous les secteurs aujourd’hui. Les gens veulent être en bonne santé et proches de la nature. Notre marché n’est par ailleurs pas défini par l’âge des personnes. On peut très bien faire du sport lorsque l’on est âgé. En ce qui concerne les défis, nous devons être très pointus sur tout ce qui est e-commerce. Nous devons évoluer vers l’omnicanal. Les investissements pour ce faire sont très importants, car il faut à la fois investir dans un site et dans toute la structure logistique, ce qui coûte très cher; et aussi investir dans les magasins pour améliorer l’expérience, théâtraliser l’offre, etc. Il y a par ailleurs le défi de la formation de notre personnel. Nos produits ont besoin de beaucoup d’explications.
En matière d’e-commerce, justement, quelle part de votre chiffre d’affaires réalisez-vous en ligne ? Comment résister aux pure players ?
Nous réalisons 13% de notre chiffre d’affaires en ligne, essentiellement sur les produits électroniques comme les montres, etc. Au niveau des chaussures de marche en revanche, le conseil en magasin reste très important. Pour résister face aux pure players, nous misons sur un assortiment très large et pointu, ainsi que sur le conseil en magasin. Les gens continuent à adorer venir en magasin. Regardez les rues commerçantes. Si vous retirez les magasins, vous ferez beaucoup de malheureux !
Comment faites-vous face à la concurrence d’un géant comme Decathlon ?
En Belgique, nous avons réussi à vivre en osmose avec Decathlon. Nous sommes toujours là et nous grandissons. Nous nous différencions sur plusieurs points. Contrairement à Decathlon qui vend des marques propres, nous vendons de grandes marques. Ensuite, nous sommes très centrés sur le service, alors que Decathlon est plutôt self-service. Il y a beaucoup moins de personnel au mètre carré. Enfin, nous ne vendons pas du sport pur. J’ai tendance à dire que dès qu’il y a une ligne de délimitation d’un terrain de sport, nous ne vendons pas. Nous sommes très pointus dans l’outdoor, nous vendons des articles qui permettent d’aller en nature. Et puis nous investissons beaucoup plus dans nos magasins, pour les rendre plus agréables. Je pense que nous sommes complémentaires. Beaucoup de gens visitent d’ailleurs à la fois A.S.Adventure et Decathlon.
Votre chaîne a une image de cherté. Vous en êtes conscient ?
Nous sommes forcément plus chers car nous vendons des grandes marques. Maintenant, nous avons des articles pour tout un chacun, et nous proposons souvent des offres compétitives. Nous avons par exemple des marques d’entrée de gamme tout à fait abordables.
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