Foot: un nouveau stade à 17 millions pour le club de La Louvière

Voici les plans de la nouvelle tanière des "Loups", le surnom des joueurs de la RAAL.
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

La RAAL La Louvière va jouer dans son propre stade l’an prochain. Un investissement qui justifie une augmentation de capital d’environ 10 millions d’euros que le club, au parcours météorique, effectue ces jours-ci.

Passer de la troisième division amateur (soit la 5e division du football belge, divisions professionnelles comprises) à l’antichambre de la première professionnelle, la Challenger Pro League, en seulement huit ans relève de l’exploit. Construire un nouveau stade de football dans une région, la Wallonie, qui n’en avait plus vu sortir de terre depuis un demi-siècle en constitue un autre. Et gérer un club de foot avec la même transparence et la même organisation qu’une entreprise en est un troisième. Ces trois performances sont à mettre au crédit des “Loups”, surnom des joueurs du club de football de la Louvière qui affiche une trajectoire météorique.

La RAAL (Royale Association Athlétique Louviéroise) était un club chargé d’histoire qui, en un petit siècle d’existence, avait connu quelques sacres. Il avait ainsi remporté la Coupe de Belgique en 2003. Mais en 2009, le club est balayé par de graves problèmes financiers et doit mettre la clé sous le paillasson. Le club renaît cependant en 2017, sous l’impulsion de Salvatore Curaba, fondateur et patron du groupe informatique belge Easi qui occupe aujourd’hui 600 personnes. Salvatore Curaba recréée la RAAL à partir d’une page blanche, avec l’aide de 200 autres petits et grands actionnaires, particuliers et entreprises. Il en devient le président et Toni Turi, directeur financier d’Easi, en devient le CEO.

Reproduire le modèle Easi

“Quand nous avons recréé le club en 2017, Salvatore et moi voulions le gérer comme nous gérions Easi, en y apportant les mêmes ingrédients, tant en termes de valeurs que de rigueur et d’organisation, explique Toni Turi. L’investissement dans le football n’a pas toujours bonne presse, mais nous voulions apporter de la transparence et du sérieux dans la gestion. Nous nous sommes fixés dès le départ un ensemble d’objectifs : la remontée en division 1 dans les 10 ans, la création d’un centre de formation, qui compte 750 jeunes aujourd’hui, la construction d’un stade et un investissement dans le football féminin, avec l’espoir de rejoindre rapidement la Super League (la plus haute division chez les dames, ndlr). Nous avons presque atteint nos objectifs, malgré les deux années de covid qui nous ont un peu ralentis.”

Aujourd’hui, la RAAL La Louvière est une entreprise autour de laquelle gravitent quelque 200 personnes, dont environ 65 personnes sous contrat de travail, précise Toni Turi : une bonne vingtaine d’employés administratifs, une bonne vingtaine de joueurs, une dizaine de personnes dans le staff sportif, auxquelles s’ajoutent encore celles de l’école des jeunes…

Cette aventure n’allait pourtant pas de soi. “Je n’avais jamais rêvé de reprendre un club de foot, avoue Salvatore Curaba. Cependant, j’avais alors effectué un petit pas de côté chez Easi et un concours de circonstances nous a amenés, Toni et moi, à redémarrer le club. Nous ne nous rendions pas totalement compte de la complexité de la gestion d’un club de foot et des émotions qu’il génère. Mais je désirais démontrer que le modèle Easi était reproductible”.

Le modèle Easi ? “C’est d’être très bien organisé, explique Salvatore Curaba. Une attention particulière est donnée au facteur humain et aux équipes constituées de personnes responsables. Easi repose sur un management collaboratif, où chacun a ses responsabilités et où le dialogue est permanent. L’idée était donc de construire à la RAAL, comme chez Easi, un cadre bienveillant au sein duquel chacun peut donner le meilleur de lui-même. Sportivement, des clubs comme Bruges ou Anderlecht mettent la barre très haut, mais je pense que nous sommes certainement l’un des meilleurs clubs de Belgique au point de vue de l’organisation”.

Une organisation qui a permis de générer l’an dernier un chiffre d’affaires de 3,7 millions d’euros. Cette année, ce montant devrait encore gonfler d’un million d’euros, détaille Toni Turi. Une performance qui suit celle du club, passé depuis cette saison dans la partie professionnelle du championnat (la Challenger pro League), ce qui lui offre donc des affiches plus attrayantes. “En étant encore amateurs, nous avions atteint 1,9 million d’euros en sponsoring, ce qui était remarquable. Cette saison, nous allons dépasser les 2,5 millions”, se réjouit le CEO.

Le foot a un côté émotionnel très particulier, qu’il faut gérer
Toni Turi

Toni Turi

CEO de la RAAL

Mais le football n’est pas une activité économique comme une autre : “Il y a un côté émotionnel très particulier, qu’il faut gérer. Il faut pouvoir rester cohérent dans les décisions que nous prenons, sans trop tomber dans l’émotionnel. Suivre notre ligne de conduite, en l’adaptant quand c’est nécessaire, souligne Toni Turi. De plus, le ’business’ du club, c’est gagner des matchs. Or, on a beau faire un excellent travail toute la saison, si lors d’une rencontre capitale, un joueur tire sur le montant plutôt que dans le goal, cela peut déterminer si le club est champion ou non. Cela peut décider de toute la saison. Il s’agit d’une grande différence avec le monde des affaires où une entreprise ne rate pas son année sur une seule opération”, observe le dirigeant.

Une nouvelle tanière

La grande actualité du club, aujourd’hui, c’est l’augmentation de capital qui est en train d’être bouclée, ce qui devrait le porter à 14 millions d’euros. Le club doit en effet renforcer son bilan puisqu’après la construction récente du centre de formation, il a décidé de se doter d’un stade à lui (le Tivoli voisin de la nouvelle enceinte appartient à la ville de La Louvière). La construction de cette nouvelle “tannière” a débuté en mars et devrait ouvrir ses portes au milieu de l’année prochaine. Elle représente une facture de 17 millions d’euros pour le club.

“Nous avons commencé avec un capital de deux millions, qui a ensuite été porté à 8 millions. Nous allons procéder à une nouvelle augmentation de capital de l’ordre de 6 millions d’euros, en faisant appel à nos actionnaires actuels. Quelques nouveaux actionnaires s’y joindront également, mais très peu. L’objectif est d’augmenter notre capital pour limiter le montant des crédits que nous devons contracter, car c’est nous qui finançons cet investissement sur fonds propres”, ajoute le CEO du club. Salvatore Curaba, actionnaire principal de la RAAL, pourrait aussi assurer le crédit nécessaire dans la mesure où les conditions bancaires, dans le contexte financier actuel, ne sont pas très favorables.

Pourquoi ce nouveau stade ? Parce que l’enceinte actuelle, le Tivoli, est vétuste et inadaptée. “Il est difficile d’accueillir les supporters dans des conditions confortables. Nous n’avons pas d’espaces de réception dignes de ce nom. Pour rejoindre la Jupiler Pro League, il nous faut absolument passer un cap à ce niveau”, explique encore Toni Turi. Le nouveau stade, construit juste à côté de l’ancien sur un terrain pour lequel la ville de La Louvière a consenti un bail emphytéotique, devrait permettre d’accueillir un peu plus de 8.000 personnes, dont 2.000 places business. De son côté, le Tivoli, propriété de la ville, deviendra une arène dédiée à l’athlétisme.

Le nouveau stade est une pierre d’angle dans la stratégie décidée voici sept ans, lors de la reprise. Il doit dimensionner le club à un niveau où les investissements consentis ces dernières années, dans le recrutement, la formation et le stade, devraient devenir rentables. “La base de notre plan financier est d’arriver à nous stabiliser, au départ, aux alentours des 3 ou 4.000 spectateurs par rencontre en moyenne, tout en sachant qu’il y aura quatre ou cinq matchs qui seront sold-out : contre Anderlecht, le Standard, Bruges…”, précise Toni Turi, qui espère par la suite augmenter le nombre d’abonnés et la fréquentation générale du stade.

“Tous ces développements et leurs coûts ont été anticipés, et c’est la raison de notre augmentation de capital, ajoute-t-il. Nous avons accumulé une perte de trois millions d’euros au fil des ans. Cependant, l’objectif est de revenir à l’équilibre dès cette saison, souligne le CEO, car nous voulons gérer ce club en bon père de famille.”

La nouvelle tanière des “ Loups ” se situera juste à côté de l’actuel stade du Tivoli.

Fierté partagée

Si ce nouveau stade est un objet de fierté pour le club, il l’est aussi pour les entreprises qui participent au projet, tel le groupe Wanty, le maître d’œuvre, et Carré7, le cabinet d’architectes. Wanty avait d’ailleurs déjà tissé des liens avec le club de la Louvière, dont il est actionnaire et sponsor important. En outre, l’entreprise wallonne avait construit son centre de formation, à Strépy. Par ailleurs, Salvatore Curaba est aussi partenaire de l’équipe cycliste professionnelle soutenue par le constructeur.

“Nous partageons les mêmes valeurs et une histoire similaire : comme la RAAL, nous sommes partis de zéro pour être ce que nous sommes aujourd’hui”, souligne Nicolas Bughin, porte-parole du groupe de construction. “Pour Wanty, et plus spécialement notre filiale ICM, c’est une fierté de pouvoir réaliser ce stade, surtout quand on sait que le dernier construit en Belgique est celui de Gand, en 2013, ajoute-t-il. Le stade de La Louvière est une carte de visite qui témoigne du fait que nous ne construisons pas seulement des voiries, mais aussi des bâtiments commerciaux ou industriels, des halls de stockage, des showrooms…”

Le projet a aussi été l’occasion pour ICM de montrer tout l’attrait de la construction modulaire. “Les modules sont fabriqués en ateliers, puis assemblés sur place, comme un lego, explique encore Nicolas Bughin. Cela nous a permis de tenir les délais. Le gros œuvre du bâtiment sera terminé à la fin de cette année”.

Même fierté de participer à cette aventure chez Cyril Rousseaux, de Carré7, le cabinet d’architecture qui a dessiné les plans de l’enceinte de la Louvière. Pour la petite histoire, Carré7 est aussi l’architecte du nouveau stade de Charleroi, qui devrait être ouvert pour la saison 2027-2028. “Nous nous sommes beaucoup inspirés de ce qui se faisait ailleurs, explique Cyril Rousseaux. Nous avons visité énormément de stades en Europe, et nous avons dressé une liste des choses que nous voulions et de celles dont nous ne voulions pas. Par exemple, nous ne voulions pas d’une fosse qui sépare l’aire de jeu des gradins, nous ne voulions pas de piste d’athlétisme entourant le terrain.”

Le nouvel écrin de La Louvière sera donc un stade “à l’anglaise”, où les spectateurs seront très proches du terrain. “C’est un stade avec des coins fermés qui donneront un ‘effet chaudron’, qui gardera l’ambiance à l’intérieur”, ajoute Cyril Rousseaux. Un chaudron dans lequel les “Loups” comptent bien croquer les victoires à pleines dents.

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