Faute d’image rassurante, les marques chinoises ne dépasseront pas 12% des immatriculations de voitures électriques en Europe
Les marques chinoises atteignent 10% des immatriculations de voitures électriques en Europe. Elles ne devraient pas beaucoup dépasser ce seuil, avec ou sans taxes douanières supplémentaires, faute d’image de marque rassurante.
Avec un gain d’environ 30% en matière de coûts, les marques chinoises de voitures commencent à entrer en Europe. Selon le bureau d’étude Matthias Schmidt, elles atteignaient quasiment 10% de part de marché dans les immatriculations (9,9% précisément) de voitures électriques, en juin-juillet. La marque championne est MG (groupe SAIC), avec son modèle MG4, commercialisé à partir de 28.785 euros.
Matthias Schmidt, fondateur et dirigeant de ce bureau d’étude, estime que la part de marché chinoise devrait culminer à 12% vers 2027, après le démarrage de l’usine BYD en Hongrie, pour reculer ensuite. “Plusieurs constructeurs chinois proposent des voitures premium, mais ces marques sont inconnues (zero brand equity), alors que des marques bien établies en Europe, comme BMW ou Mercedes, sont bien perçues et appréciées ; personne n’accepte de payer le même prix pour une auto chinoise.”
Notons que si l’on prend l’ensemble des motorisations, la part des marques chinoises se situe à un petit 3,2% des immatriculations sur les sept premiers mois de l’année.
Modèles moins chers
Si les marques premium européennes devraient résister, Matthias Schmidt estime toutefois que les modèles chinois peuvent faire mal aux constructeurs généralistes. “Notamment Renault, Peugeot ou Fiat, ou les marques généralistes du groupe VW : Skoda, Seat et Volkswagen. Les Chinois visent des modèles moins chers. On s’attend à ce qu’ils s’attaquent à ce marché de clients très sensibles au prix, et pourraient l’impacter lourdement.”
Le chemin est toutefois encore long. La marque BYD, réputée pour sa technologie de batteries, est très présente dans la presse, où sa position de numéro un mondial dans l’électrique a été célébrée. Elle vend cependant très peu de voitures en Europe. De janvier à juillet, à peine 20.000 BYD y ont été immatriculées, et NIO, le constructeur présenté comme intéressé par Audi Forest (il a démenti depuis), a vendu moins de 1.000 autos. La marque chinoise la plus immatriculée, MG (groupe SAIC), arrive à 49.000 véhicules.
La Commission européenne impose de nouvelles taxes douanières sur les autos made in China, justifiées par les subsides jugés excessifs dont bénéficient ces véhicules. Elles pourraient atteindre 35,3% pour SAIC ou 17% pour BYD, en plus de la taxe d’importation de 10% déjà appliquée, et touchent aussi les marques occidentales qui construisent certains modèles en Chine (Tesla, BMW, etc.). La taxe est applicable depuis juillet, et a été ratifiée par l’Union européenne ce 4 octobre pour cinq ans. La Belgique s’est abstenue.
Convaincre les Européens
“Les prix de vente des voitures chinoises en Europe ne devraient pas beaucoup bouger, estime Matthias Schmidt. Les prix actuels sont nettement plus élevés qu’en Chine, cela signifie que ces constructeurs bénéficient d’une forte marge. Les marques ne sont pas assez fortes dans l’esprit du public européen pour justifier une hausse de prix. Par ailleurs, certains constructeurs chinois, comme BYD, vont construire des véhicules en Europe l’an prochain, et n’auront plus à payer de taxe d’importation.”
MG devrait faire la même chose. En Belgique, BYD a déjà été obligé de réduire fortement le prix du SUV Atto3 (un des plus vendus) de 45.990 euros en 2023 à 36.000 euros actuellement.
Il faudra encore de longues années avant de convaincre la clientèle européenne. Les compétences technologiques élevées des constructeurs chinois sont connues des spécialistes, mais cela ne percole pas encore dans tous les esprits. D’autres critères de choix interviennent : l’après-vente, la réparabilité, l’image de marque. Il y a encore une phase de méfiance. “Le coût de réparation des petits accidents, qui pilote le coût des assurances, est encore à améliorer. Les réseaux sont en train de se monter, mais les constructeurs chinois vont vite s’améliorer”, déclare Patrick Pélata, ancien directeur général délégué de Renault et président de l’Académie des Technologies (France).
Enfin, la géopolitique perturbe les esprits. Une enquête de Nielsen IQ, citée par Bloomberg, montre que le public belge se méfie actuellement plus de la Chine que des marques chinoises, ce qui pénalise ces dernières.
Les modèles made in China qui se vendent le mieux sont des marques occidentales comme BMW, Mini, Mercedes, Tesla et Cupra, produites dans des usines en Chine. Smart est dans le lot, la marque appartient à parts égales à Mercedes et au chinois Geely. Ce dernier contrôle le suédois Volvo, dont certains modèles sont produits en Chine, tel l’EX30, une auto électrique très demandée, bientôt produite à Gand.
En prenant en compte toutes ces marques occidentales, Matthias Schmidt estime à 24% la part des voitures électriques made in China en Europe, sur les sept premiers mois de l’année, dont 10% de marques réellement chinoises, et 14% de marques occidentales.
If you can’t beat it…
Les constructeurs européens sont prudents avec les constructeurs chinois. Ils ne tiennent pas de propos publics négatifs à leur égard, ne soutiennent pas officiellement la surtaxe douanière imposée par l’Union européenne. Ils songent plutôt à négocier des alliances, pour bénéficier de leur savoir-faire dans l’électrique. Le groupe VW a pris une participation dans Xpeng pour développer une plateforme pour le marché chinois. En Europe, Stellantis a créé une joint-venture avec Leapmotor, constructeur basé à Hangzhou, pour fabriquer des automobiles dans une usine polonaise du groupe européen et proposer maintenant des modèles bon marché dans neufs pays du Vieux Continent, dont la Belgique. Renault développe la future Twingo électrique à moins de 20.000 euros avec un partenaire chinois.
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