Färm, Sequoia… Ces magasins bios qui ouvrent en plein confinement

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Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Ayant déjà engagé d’importants investissements, plusieurs chaînes spécialisées continuent très logiquement de dérouler leurs plans d’ouvertures. Mais ouvrir en cette période ne se fait pas sans peine. Travaux retardés, fermeture temporaire du rayon “vrac”, absence de marketing, etc. Pas de quoi arrêter des enseignes portées par la croissance fulgurante de leur secteur.

Pas de trêve dans la guerre des enseignes bios. Que du contraire ! Portées par un contexte favorable qui pousse les consommateurs à se tourner vers des aliments jugés plus sains, locaux et durables, les ” mini-chaînes bios “, comme on les appelle parfois, déroulent leurs plans d’ouvertures malgré la crise et le confinement. ” Notre chiffre d’affaires a augmenté de 30 à 40%, se réjouit Alexis Descampe, CEO de la coopérative belge Färm qui vient d’ouvrir coup sur coup deux points de vente et en ouvrira un 15e à Louvain le 28 mai prochain. Si nous avons connu une baisse sensible de fréquentation dans certains magasins ayant perdu une clientèle universitaire ou de bureaux, le panier moyen a augmenté et nous attirons de l’ordre de 25% de nouveaux clients dans d’autres points de vente. ”

Même écho chez Sequoia, le pionnier du bio en Belgique racheté l’an dernier par le groupe français BBG. ” La crise trouve ses sources dans la globalisation de l’économie, affirme son managing director, Nicolas Dhaene. Nous constatons aujourd’hui un retour vers une consommation plus locale et soucieuse de l’aspect ‘santé’, soit tout à fait notre positionnement. Outre la progression structurelle du bio, nos magasins bénéficient donc clairement des circonstances actuelles. Notre large assortiment permet par ailleurs aux clients de faire toutes leurs courses au même endroit, ce qui est plus sûr en cette période. ”

Färm, Sequoia... Ces magasins bios qui ouvrent en plein confinement
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D’inévitables couacs

Les deux chaînes n’avaient du coup vraiment aucune raison de reporter les ouvertures prévues ces mois-ci, même si c’est évidemment surtout le fait qu’elles soient déjà engagées financièrement qui les a poussées à maintenir leurs plans. ” Tous les investissements étaient en cours, nous avions déjà commencé à payer notre loyer, une bonne partie des collaborateurs étaient engagés et en train de se former dans d’autres magasins, explique le patron de Sequoia. Il est beaucoup plus compliqué d’interrompre un projet et de le reporter à une date impossible à fixer en raison des circonstances que de le faire aboutir comme prévu, même si c’est compliqué et que la situation actuelle engendre d’inévitables couacs. ”

Sequoia a ouvert son 11e magasin le 20 avril dernier sur la chaussée de Waterloo, à Ixelles. Une date arrêtée depuis bien longtemps. ” Lors de l’annonce du confinement, à la mi-mars, j’ai décidé d’appeler tous les corps de métier pour faire le point et nous avons opté pour le maintien de l’ouverture, explique Nicolas Dhaene. Les équipes ont toutefois été confrontées à pas mal d’imprévus. Comme ce retard de deux semaines dans la livraison des frigos, le chauffeur ayant été confiné dans le pays de production. Le meuble de nos caisses a quant à lui été bloqué en cours de fabrication. Nous avons donc dû secouer ciel et terre pour trouver des caisses alternatives et nous avons finalement déniché deux fournisseurs qui nous ont installé deux modèles différents l’un à côté de l’autre. A la base, nous étions censés avoir trois caisses, mais le fait d’avoir ces deux caisses temporaires nous permet finalement de respecter les distances de sécurité. ”

Nicolas Dhaene (Sequoia):
Nicolas Dhaene (Sequoia): “Nous avons ouvert le 11e point de vente sans la moindre campagne marketing. C’est la première fois que cela arrive.”© BELGAIMAGE

Le groupe n’a par ailleurs pas pu installer tous les éléments de décoration prévus, ceux-ci n’étant tout simplement pas encore arrivés à bon port ; et la zone ” vrac ” a dû être mise hors service temporairement. Mais Nicolas Dhaene espère bien que ces petits soucis puissent se résoudre dans les semaines qui viennent.

Un marketing en mode mineur

Au-delà de ces problèmes techniques, le confinement a forcé la chaîne à ouvrir ce 11e point de vente en mode mineur du point de vue marketing. Aucune fête d’ouverture, aucune dégustation, aucun flyer dans les boîtes aux lettres, aucune promotion en magasin, etc. ” Nous avons ouvert ce point de vente sans la moindre campagne marketing, assure Nicolas Dhaene. C’est la première fois que cela arrive. ” Est-ce du coup une bonne idée d’ouvrir un magasin sans pouvoir l’annoncer ? ” En voyant la taille des files devant les supermarchés avoisinants, nous n’étions pas inquiets, répond le managing director. Au fond, le confinement a contrebalancé l’ouverture en mode mineur. Nous étions plutôt en train d’appeler les clients à adopter une consommation raisonnée et à éviter le stockage. ”

Reste que le point de vente est situé dans un endroit résidentiel de centre-ville à fort trafic. Ce n’est pas le cas du Färm qui a ouvert ses portes à Braine-l’Alleud le 26 mars dernier, soit quelques semaines après l’annonce du confinement. ” Ce magasin, personne ne le connaît, avoue Alexis Descampe. C’est un point de vente périurbain pour lequel il faut prendre sa voiture et nous n’avons pu faire aucune communication. Nous nous sommes effectivement posé la question d’un possible report de l’ouverture, mais jusqu’à quand ? C’était bien le problème : il était impossible de se projeter dans l’avenir. La machine était lancée, les investissements et les coûts également. Il y avait effectivement un risque, et il est vrai que le magasin ne démarre pas. Mais ce risque n’était pas plus important que l’on ouvre ou que l’on n’ouvre pas. ”

Alexis Descampe (Färm):
Alexis Descampe (Färm): “C’est un point de vente périurbain pour lequel il faut prendre sa voiture et nous n’avons pu faire aucune communication. Nous nous sommes posé la question d’un possible report de l’ouverture, mais jusqu’à quand ?”© BELGAIMAGE

Le tableau est tout autre en ce qui con-cerne le magasin que la coopérative vient d’ouvrir le 8 mai à seulement quelques mètres de son concurrent Sequoia, sur la chaussée de Waterloo, à Ixelles. ” Nous n’avons fait aucune communication, mais nous sommes plus proches des clients, assure Alexis Descampe. Il s’agit d’un contexte urbain très différent. ” Brüt – c’est le nom de l’enseigne qui a ouvert ses portes sur la célèbre artère bruxelloise – est en fait un tout nouveau concept lancé par Färm l’an dernier, dont le premier magasin a vu le jour sur la place Jourdan, à Etterbeek. Ce ” marché bio ” centré sur le vrac est une manière pour la coopérative, qui continue évidemment d’ouvrir des magasins classiques, de se différencier de ses concurrents quand ceux-ci se trouvent à quelques mètres seulement, même si le concept fait furieusement penser à une autre mini-chaîne bio bruxelloise, The Barn, qui est elle aussi en pleine expansion (l’ouverture d’un cinquième magasin est prévue en août à Jette).

Deux semaines de retard

Ce deuxième Brüt devait normalement ouvrir deux semaines plus tôt – ” il a même été un moment question de l’ouvrir en même temps que Sequoia “, glisse Alexis Descampe – mais le confinement a retardé les plans. ” La livraison du matériel frigorifique venant d’Italie a été retardée “, explique le CEO. La chaîne a par ailleurs connu quelques soucis d’approvisionnement et la formation des équipes a pris un peu de retard. Le point de vente a ouvert sans boulangerie dans un premier temps, mais n’a évidemment pas fait pause sur le vrac. ” C’est le coeur du concept, lance Alexis Descampe. Si nous devions suspendre le vrac, cela n’aurait servi à rien d’ouvrir ce magasin. Nous prenons évidemment toutes les mesures d’hygiène nécessaires. ”

Ici aussi, le responsable explique évidemment que les investissements avaient été engagés de longue date et qu’il était, du coup, inenvisageable de reporter encore le lancement. L’ouverture de Sequoia à quelques mètres, dont le CEO de Färm était bien sûr au courant depuis des mois, aura mis un terme à la discussion. Il était tout bonnement impensable d’être à nouveau perçu comme ” le deuxième arrivé ” comme cela avait déjà été le cas l’an dernier sur la place Jourdan, à Etterbeek, dans une configuration plus ou moins similaire. Quand on vous disait que le confinement était loin d’avoir mis un terme à la guerre des enseignes bios…

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