Voici quelques jours, l’agence de notation Fitch a relevé la notation financière de l’assureur Ethias, alors qu’au sein du gouvernement, certains songent toujours à fusionner Ethias et Belfius. Un scénario rappelé encore ce jeudi par le patron du MR Georges-Louis Bouchez .
Bonne nouvelle pour l’assureur Ethias : l’agence de notation Fitch Ratings, qui avait mis la notation financière d’Ethias sous revue, a décidé de relever la note IFS (Insurer Financial Strength) de l’assureur, qui passe de « A » à « A+ » . Fitch souligne « la solidité, la performance et la fiabilité du modèle Ethias. (Cette nouvelle note) s’appuie sur des résultats financiers en progression constante, une position de leader sur le marché belge de l’assurance, un niveau de capitalisation et des leviers financiers très solides, une faible exposition au risque de taux d’intérêt ainsi qu’un niveau de provisionnement fort ».
Cette décision n’est pas à proprement parler une surprise : les investisseurs l’espéraient, et c’est une des raisons qui expliquent le gros succès de l’émission durable de 300 millions d’euros lancée à la fin du mois d’avril. La demande pour ces obligations avait été cinq fois plus grande que l’offre ! Derrière cette forte demande, il y avait la qualité de la signature d’Ethias, mais aussi l’espoir d’une plus-value rapide sur ces obligations : car lorsque le rating d’un émetteur augmente, la valeur de ses obligations augmente aussi.
Résultats solides
Fitch souligne qu’Ethias a enregistré des résultats très solides sous le référentiel IFRS 17, avec un retour sur fonds propres (ROE) de 13,4 % en 2024. L’agence considère que cette rentabilité est durable et devrait rester conforme aux critères de la catégorie « A+ ».
Evidemment, le CEO d’Ethias Philippe Lallemand se réjouit : « Je suis très heureux de la progression de notre notation à « A+ », perspective stable, qui témoigne de la solidité, de la performance et de la robustesse d’Ethias. Il s’agit de notre meilleur rating depuis 2008, ce qui reflète la régularité de nos résultats, la confiance durable que nous accorde le marché et l’engagement quotidien de nos équipes », dit-il, ajoutant que « cette reconnaissance conforte également notre rôle de référence dans l’économie belge».
Mariage forcé ?
Ce rôle de référence, Ethias voudrait le garder. Or, on sait que dans les plans du gouvernement, il y a la possibilité de céder les actifs d’Ethias à Belfius (KBC est aussi en embuscade). Et cette hypothèse revient au lendemain du sommet de l’OTAN qui impose à notre pays de renforcer sensiblement ses dépenses militaires.
L’objectif est d’avoir des dépenses militaires de 3,5% du PIB en 2035 (+ 1,5% en dépenses de sécurité et d’infrastructure, une définition suffisamment ample pour englober une série de dépenses qui doivent être faites, pour renforcer les missions régaliennes de l’Etat).
Mais du côté belge, on reste évasif sur cette cible de 3,5%, sans la rejeter officiellement. On se contente de confirmer la montée progressive déjà acquise précédemment : 2% en 2033, 2,5% en 2034. Il faudra donc trouver de l’argent. Où ? Ce jeudi, sur Bel RTL, le président du MR Georges-Louis Bouchez a clairement dit : pas de nouveaux impôts. « Il n’y aura pas un impôt en plus. Nous sommes le pays le plus taxé du monde. Donc à un moment donné, il faut être raisonnable. »
La solution alors ? « Il faut faire à la fois des économies mais aussi des rapprochements stratégiques d’entreprises publiques, de participations publiques, souligne Georges-Louis Bouchez. Je pense à la fusion entre Belfius et Ethias, qui permettra alors d’avoir une valorisation boursière pour l’Etat qui va nous rapporter de plus gros dividendes, mais aura aussi un impact direct dans le cadre du rachat de Belfius. Aujourd’hui, ajoute le patron du MR, Ethias est valorisée entre 3 et 4 milliards d’euros et le nouveau groupe constitué devrait être mis en bourse pour partie, ce qui permettra à l’Etat d’avoir de plus grands dividendes et de recevoir de l’argent immédiatement ».
Opération cosmétique ?
Est-ce qu’un rapprochement Belfius-Ethias se justifie ? La réponse n’est pas évidente, et elle dépend de la position de chacun des actionnaires. Ethias est détenu à part égale entre l’État fédéral, la Région wallonne et la Région flamande (les actionnaires historiques possèdent encore une participation résiduelle via EthiasCo, une holding dans laquelle participent les communes). Belfius, elle, est détenue à 100% par le fédéral.
La banque a réalisé un résultat de plus de 1,1 milliard l’an dernier, alors que le bénéfice d’Ethias a atteint 212 millions. Belfius a versé près d’un milliard de dividendes à l’Etat (445 millions de dividendes ordinaires, plus, cette année, 500 millions de dividendes extraordinaires qualifiés de contributions exceptionnelles aux dépenses de défense). Le montant versé par Ethias à ses actionnaires s’élève à 113 millions. Tant les résultats que les dividendes versés par les deux groupes sont en augmentation ces dernières années.
Economiquement, le rapprochement entre Ethias et Belfius, monstre du Loch Ness qui réapparaît régulièrement à la surface de l’actualité financière depuis 40 ans, ne va pas de soi et ne sera pas un mariage d’amour : les acquéreurs potentiels, KBC ou Belfius, sont des bancassureurs. S’il y a un mariage, il y aura des économies d’échelles, mais la question sera de savoir si la somme des deux marchés sera plus grande que celle du marché d’Ethias et du marché de Belfius (ou KBC) réunis. Mais surtout, la culture d’entreprise d’Ethias et sa structure (avec notamment NRB, le nouveau pôle de réassurance, …) est particulière. S’il y a union, la nuit de noce sera chahutée.
Financièrement non plus, le mariage n’est pas évident : avec des dividendes importants et un retour sur fonds propres de plus de 13%, les actionnaires d’Ethias n’ont pas intérêt à vendre un business aussi rentable et susceptible – on pense surtout aux régions, et plus spécialement à la Région wallonne – d’accompagner leur politique. Le montant perçu en cas de vente par les actionnaires d’Ethias ne compensera pas totalement le manque à gagner des dividendes perdus.
Il y a un argument, brandi par Georges-Louis Bouchez notamment, en faveur de l’union : l’Etat fédéral réaliserait une opération cosmétique. Si l’on fusionne Belfius et Ethias, l’Etat pourrait ensuite vendre en Bourse une partie minoritaire (20% ?) du nouvel ensemble tout en continuant à recevoir, si Ethias et Belfius une fois fusionnés poursuivent sur leur lancée, un dividende de même ampleur que les précédents. Mais ce dividende aurait été plus important encore si les deux groupes étaient restés célibataires.