Carmina Coenen
“Egalité des genres = autant de managers incompétents côté femmes et côté hommes”
Quiconque s’imagine que la lutte pour l’égalité des genres est une affaire bouclée s’expose à une belle déception. Bien des efforts doivent encore être accomplis, en particulier au niveau managérial. L’appel à l’instauration de quotas ne cesse de s’amplifier. Et aujourd’hui ce sont de plus en plus les hommes qui le lancent. Alexander De Croo en est un bel exemple.
Le vice-premier ministre faisant fonction Alexander De Croo a même consacré tout un livre – “The Age of Women” – à son plaidoyer en faveur d’une représentation égalitaire. Le sous-titre – “Why feminism also liberates men” – de son livre relaie à lui seul le principal message: “L’égalité entre les sexes, sur le lieu de travail, est une chose importante, en ce compris pour les hommes”. C’est ainsi qu’il le formulait lors d’un récent séminaire consacré à l’égalité. Ce séminaire ayant par ailleurs eu pour public une assistance composée en majorité de professionnels de l’ICT, le message en question n’en avait que plus de poids.
C’est d’ailleurs une évidence: le secteur technologique devra encore faire face à une pénurie de talents pendant plusieurs années. Il s’agit dès lors de séduire le plus possible de femmes en leur faisant miroiter les potentiels de ce secteur. Quel meilleur moyen d’y parvenir que de conférer à des femmes des postes de premier plan dans des sociétés high tech et, ce faisant, d’évoluer le plus rapidement possible vers une représentativité égalitaire…
Instaurer des quotas dans les conseils d’administration d’entreprises cotées en bourse et des entreprises publiques est insuffisant. Nous avons besoin de mesures qui aient un impact sur la diversité dans la totalité du paysage entrepreneurial. Alexander De Croo balayait par ailleurs d’un revers de manche l’argument selon lequel les quotas ne permettent pas forcément de choisir le meilleur candidat: “Qu’on ne vienne pas me dire que l’homme est toujours le meilleur candidat ! Il convient seulement de mieux chercher les perles rares. Le jour où il y aura autant de managers incompétents chez les femmes que chez les hommes, nous aurons alors vraiment atteint l’équilibre entre les sexes. Mais nous en sommes encore loin (rires). L’égalité des genres ne doit pas être considérée comme un recul pour les hommes, mais plutôt un pas en avant pour les uns et les autres. Une plus grande représentation des femmes au top et subtop des entreprises ne peut que favoriser le développement de notre économie.”
Il existe heureusement suffisamment d’exemples positifs, porteurs d’espoir. Inge Diels, par exemple, Chief Talent Officer chez Deloitte Belgium, confirme que la stratégie de diversité et d’inclusion de sa société a été traduite en objectifs chiffrés concrets. “D’ici 2030, 30% de la direction devra être composée de femmes. L’objectif est de 20% d’ici 2024. Cela signifie-t-il que des hommes doivent être privés de leur poste de direction? Absolument pas: si nous continuons de croître au rythme qui est actuellement le nôtre, le processus sera purement organique.”
Nous n’aurons réellement instauré une égalité que le jour où il y aura autant de femmes que d’hommes incompétents au niveau managérial. Mais nous sommes encore loin d’avoir atteint ce stade.
Une représentation équilibrée des femmes à tous les niveaux comporte de nombreux avantages, souligne Rik Vera, co-fondatrice de nexxworks: “La diversité à l’échelon des décideurs se traduit par un regain de curiosité. Non pas parce que les femmes, en soi, seraient plus curieuses mais parce qu’on met ainsi en présence des manières différentes de voir et de penser les choses. C’est ce regard sans entraves sur un monde en constant changement qui débouche inévitablement sur l’innovation.” Et parce que les mots ne suffisent pas, Rik a cédé son poste de CEO à Julie Vens, la vingtaine. “C’est bon pour notre Net Curiosity Score, notre principal indicateur d’innovation durable”, conclut-il.
Mirabel Hoys, directrice RH Consulting chez Attentia, estime par exemple que les femmes continuent d’avoir trop vite tendance à renoncer à postuler parce qu’elles ne se choisiraient pas elles-mêmes comme candidat(e). “Même si vous êtes enceinte de trois mois, vous ne devez pas hésiter à poser votre candidature à un poste. Si vous avez de la valeur, on trouvera bien volontiers une solution. Mais vous devez par contre afficher votre volonté de vous positionner et, de préférence, de ne pas renoncer.”
L’égalité des genres: chacun(e) doit y contribuer et tout le monde y a intérêt. Aussi bien les hommes que les femmes, aussi bien les employés que les dirigeants d’entreprise.
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