DNS Belgium: le “.be” à l’heure du changement

Vincent Genot
Vincent Genot Coordinateur online news

Symbole de l’identité numérique belge, le .be connaît un léger repli après 25 ans de croissance. DNS Belgium y voit un signal stratégique : celui d’un moment charnière pour repenser la souveraineté numérique de nos entreprises et la compétitivité du web belge.

Au tournant des années 1990, Internet sort des laboratoires des universités pour s’ouvrir au grand public. Chaque pays cherche alors à se forger une identité en ligne. Les ingénieurs qui posent les bases du réseau mondial mettent au point le système des domaines nationaux. Pour les adresses de ses sites, chaque pays reçoit une extension à deux lettres, tirée de la norme ISO : .fr pour la France, .de pour l’Allemagne, .nl pour les Pays-Bas… et .be pour la Belgique.

Mais ce n’est pas l’État belge qui en assure la gestion. Cette responsabilité revient à la Katholieke Universiteit Leuven (KU Leuven). Et plus précisément au département du professeur Pierre Verbaeten, informaticien et pionnier d’internet en Belgique. À l’époque, tout se fait à la main. Les demandes arrivent par fax ou par e-mail. Et l’équipe de Verbaeten enregistre chaque nom de domaine dans une base de données, ligne après ligne. L’engouement du web grandissant, les entreprises belges, bientôt suivies par les particuliers, veulent leur adresse en ligne. La tâche d’encodage devient trop lourde pour une équipe universitaire.

En 2000, la gestion du .be est donc confiée à DNS Belgium, une organisation indépendante à but non lucratif dont les membres fondateurs sont Agoria, l’ISPA Belgium (association belge des fournisseurs de services internet) et BELTUG (association belge des utilisateurs de technologies et services de communication). Fini les formulaires papier : en quelques clics, chacun peut désormais créer son adresse numérique. Le succès est fulgurant. En 2001, on compte à peine 100.000 noms de domaine. Vingt-cinq ans plus tard, on atteint presque 1,8 million d’enregistrements.

Une sécurité crucial

“Du point de vue du contenu, les choses ont beaucoup évolué depuis cette époque”, se souvient Philip Du Bois, l’actuel directeur général de DNS Belgium. Ingénieur commercial diplômé de la VUB (Vrije Universiteit Brussel), l’homme est passé par le cabinet du ministre Vincent Van Quickenborne comme conseiller en télécommunications ou bien encore Telenet et Versatel, avant de rejoindre DNS Belgium.

“Au départ, nous étions surtout une organisation qui gérait, de manière administrative et technique, le fonctionnement des noms de domaine. Avec le temps, une certaine automatisation s’est naturellement mise en place. Aujourd’hui, ce qui a réellement changé dans notre rôle, c’est que nous consacrons bien plus de temps à détecter les fraudes présentes dans la zone .be. Nous nous sommes fixé une mission claire : maintenir la zone aussi propre et fiable que possible.

Depuis 2010, nous surveillons activement tous les noms de domaine susceptibles d’être utilisés à des fins malveillantes : phishing, diffusion de malwares, faux sites commerciaux, etc. Pour identifier ces sites frauduleux, nous collaborons notamment avec le SPF Économie. Celui-ci dispose de la compétence et de l’autorité pour déterminer, par exemple, si un webshop est un faux. Cela mobilise une part importante de notre attention. En plus de la gestion interne de notre propre sécurité qui est cruciale.

Vous pouvez imaginer les conséquences si quelqu’un parvenait à compromettre nos systèmes et à envoyer, disons, des dizaines de milliers de requêtes vers un serveur contenant du malware à la place de les envoyer, par exemple, sur le site de Trends-Tendances ? Le nombre d’ordinateurs infectés pourrait exploser en très peu de temps. C’est pourquoi notre sécurité interne est maintenue à un niveau très élevé. D’ailleurs, avec la nouvelle directive européenne, nous sommes désormais considérés par le gouvernement belge comme une infrastructure critique. Ce qui implique encore davantage de mesures de sécurité, à de nombreux niveaux.”

À quoi sert le DNS?

Le DNS, ou Domain Name System, fonctionne un peu comme un annuaire d’internet. Il permet de faire le lien entre les adresses IP (Internet Protocol), qui sont des suites de chiffres utilisées par les ordinateurs pour se reconnaître entre eux, et des noms de domaine faciles à retenir, comme www.trends-tendances.be.

Sans le DNS, il faudrait taper des adresses compliquées du type 2001:db8:0:1234:0:567:8:1 dans son navigateur à chaque fois que l’on souhaite atteindre un site. Autant dire que surfer sur internet deviendrait vite un laborieux casse-tête. En Belgique, c’est DNS Belgium, une organisation à but non lucratif, qui s’occupe de cette gestion. Elle administre les extensions .be, .brussels et .vlaanderen, et veille à ce que les sites web restent accessibles, sécurisés et stables. Pour enregistrer un nom de domaine, il faut compter 5,5 euros par an, soit le prix d’un café sur une terrasse à la mer.

Des développeurs et des jusristes

Aujourd’hui, DNS Belgium, dont le chiffre d’affaires devrait avoisiner les 10 millions d’euros l’année prochaine, compte une quarantaine d’employés. Environ la moitié d’entre eux sont des développeurs et des profils techniques. L’organisation gère en effet un grand nombre de serveurs répartis dans le monde. Le matériel n’est pas toujours sa propriété, mais la configuration de ces serveurs reste assurée par ses équipes.

“L’objectif est de garantir qu’un internaute, où qu’il se trouve – par exemple au Japon –, obtienne une réponse locale quasi instantanée lorsqu’il saisit une adresse en .be. L’autre moitié du personnel se compose de juristes, de spécialistes de la finance et du service client.”

“DNS Belgium reçoit plusieurs milliers d’appels et de courriels chaque mois, provenant notamment d’entreprises en faillite, de partenaires défaillants ou de titulaires souhaitant récupérer un nom de domaine, précise son directeur. L’organisation assure pour eux un service d’assistance et de support continu.”

Noms de domaine en baisse

En 2024, on note une diminution globale du nombre de noms de domaine en Belgique avec des baisses respectives de 16.066 noms pour .be, 88 pour .brussels et 313 pour .vlaanderen. Cette diminution s’inscrit dans une tendance générale qui voit l’enregistrement annuel de nouveaux noms de domaines belges passer de 251.000 en 2015 à 199.000 en 2024. Un certain désintérêt des entreprises pour le .be peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Des sociétés – surtout celles actives à l’étranger – pourraient privilégier le .com ou le .eu, perçus comme plus universel à l’international. Le .be garde une image très locale : utile pour les acteurs ancrés sur le marché belge, mais parfois jugé trop restreint pour une communication globale ou une marque exportable.

“Nos données contredisent cette affirmation, explique toutefois Philip Du Bois. Notre part de marché est stable depuis 15 ans, autour de 58%. Cela veut dire que parmi tous les Belges qui enregistrent un nom de domaine, environ 58% d’entre eux choisissent systématiquement un .be, 15% un .com et 6% un .eu. Ce dernier voit même sa part de marché en Belgique reculer d’année en année.”

Parmi tous les Belges qui enregistrent un nom de domaine, environ 58 % choisissent systématiquement un .be, 15 % un .com et 6 % un .eu.

On imagine également que le nom de domaine n’a plus la même importance qu’il y a 10 ou 15 ans. Beaucoup d’entreprises concentrent aujourd’hui leur visibilité sur les réseaux sociaux ou les plateformes externes (LinkedIn, Instagram, Facebook, etc.), au détriment de leur propre site web. Dans ce cadre-là, le nom de domaine devient un outil parmi d’autres, et n’est plus le point central de la présence en ligne. Enfin, le marché du .be est arrivé à maturité et souffre d’une possible saturation, la plupart des noms simples ou évocateurs ayant déjà été réservés par des entreprises ou des particuliers.

Une question de souveraineté numérique

Pour Philip Du Bois, “cette légère diminution récente du nombre d’enregistrements pourrait s’expliquer en partie par le comportement de certains entrepreneurs, notamment au lancement de leur activité : à première vue, il semble plus simple et plus rapide d’utiliser Instagram ou Facebook pour trouver des clients que d’investir du temps dans la création d’un site web. Pourtant, il est dans l’intérêt des entrepreneurs belges de disposer de leur propre site en .be. Ce choix renforce la confiance du public et leur garantit une plus grande indépendance numérique. Contrairement aux plateformes comme Facebook ou Instagram, dont les règles peuvent changer du jour au lendemain, un site web offre la possibilité de rester maître de son contenu et de sa présence en ligne”.

Cette question de souveraineté numérique est essentielle, poursuit Philip Du Bois. “Le sujet fait l’objet de discussions au niveau européen. On peut d’ailleurs établir un parallèle. L’Europe s’apprête à investir quelque 800 milliards d’euros dans la défense militaire, mais la même réflexion pourrait être menée sur le plan numérique. Aujourd’hui, de nombreuses plateformes américaines ou chinoises concentrent une part considérable de la confiance des utilisateurs européens, y compris celle des gouvernements. Il s’agit d’un débat que chaque entrepreneur devrait mener avec lui-même: omment répartir les risques et ne pas dépendre d’une ou deux plateformes uniques ? Diversifier ses outils, ses canaux et ses infrastructures techniques, c’est aussi une manière d’assurer sa propre indépendance numérique.”

Sécurité de la zone .be

DNS Belgium rappelle d’ailleurs avoir investi d’importants moyens pour maintenir une zone .be aussi propre et fiable que possible. Le registre .be figure aujourd’hui parmi les 10 domaines les plus performants au monde. Chaque mois, des rapports internationaux confirment la sécurité de la zone .be.

Le registre .be figure aujourd’hui parmi les 10 domaines les plus performants au monde.

“Quand on se connecte à un site géré par DNS Belgium, on peut être confiant. Car derrière chaque nom de domaine se trouvent de véritables entreprises ou de vraies personnes”, conclut son directeur.

Quant à savoir quel fut le tout premier nom enregistré dans le domaine .be en 1988, le mystère demeure. Une bonne vingtaine de candidats se disputent encore aujourd’hui cette première place dans l’histoire. 

Noms de domaine .be

Les secteurs les plus importants par rapport au nombre total de sites web.be :
● Trade : 7,94 %
●Loisirs et divertissement : 6,87 %
● IT : 5,67 %
● Construction : 6,95 %
● Soins de santé : 3,62 %
● Groupes communautaires, sociaux, politiques et religieux : 3,44 %
● Restaurants, bars, cafés et catering : 2,55 %
● Édition, impression et photographie : 2,31 %
● Project management, marketing et administration : 2,16 %
● Fabrication : 1,93 %

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