Digitaliser la prise des commandes chez les grossistes, la mission de la start-up Ordercast
Pour remplacer les appels téléphoniques, les e-mails et les fax qui servent encore souvent de canaux de commandes chez les grossistes, la start-up OrderCast a développé une solution qui part… d’une Google Sheet. Une approche simpliste qui a séduit pas mal d’investisseurs étrangers, y compris le fonds de Xavier Niel.
Des commandes par fax ! Aussi étonnant que cela puisse apparaître aux férus de technologie et de web, l’usage de ce type d’engin reste une réalité dans toute une série d’entreprises. Et notamment chez les grossistes. C’est en tout cas ce qu’a découvert Ayoud Assaban, jeune entrepreneur du digital lorsqu’il a rejoint l’entreprise de son père, la SA Assaban, grossiste en mercerie, après avoir tenté de révolutionner l’auto- école avec sa start-up Benjago, puis avoir dirigé l’antenne belge de The Family.
” En pleine crise covid, le business a littéralement explosé pour l’entreprise de mon père “, se souvient Ayoub Assaban. Pas étonnant quand on vend aux professionnels des élastiques qui peuvent servir à confectionner des masques buccaux. Le souci ? ” On recevait l’ensemble des commandes par e-mail ou par fax et on devait réencoder toutes ces demandes, enchaîne le jeune entrepreneur. En vitesse de croisière, quand on reçoit quelques demandes par jour, c’est jouable. Mais plus du tout quand on en enregistre plus de 200 quotidiennes. ”
Ce fut le déclic pour Ayoub Assaban qui se mit alors en tête de trouver une solution efficace et flexible à même de faire le pont entre ces demandes ” archaïques ” et les systèmes ERP de l’entreprise. ” On avait un vieil ERP, une solution que personne ne voulait changer. En général, dans ce genre de cas, le CEO qui ne veut pas brusquer les employés mais veut quand même trouver une solution se tourne vers des prestataires informatiques pour développer une solution sur mesure… Et c’est là que tout le monde tombe dans le piège : ils essaient de connecter l’inconnectable. C’est long, fastidieux et onéreux… ”
Ayoub Assaban juge, lui, qu’il n’est pas nécessaire de développer toute une solution pour un grossiste actif dans le B to B qui, par essence, n’enregistre que quelques (grosses) commandes par jour. ” Chez Assaban, on parle de six ou sept commandes quotidiennes, avec de nombreuses lignes et un panier moyen très élevé, détaille l’entrepreneur. En termes de flux par contre, c’est très peu. Pas de quoi développer un connecteur vers l’ERP. ”
Start-up autour d’une Google Sheet
C’est ainsi que lui vient l’idée qui donnera naissance à une véritable start-up : OrderCast, lancée avec son associé Borys Turii. Le concept ? Partir de l’outil le plus utilisé : le fichier Excel, ou plus précisément une Google Sheet. Ce fichier sert de base à une interface, simple, à partir de laquelle les clients peuvent passer commande. Une commande qui génère un fichier qui sera ensuite utilisé tel quel ou importé dans l’ERP de l’entreprise, si elle en possède un.
Cette solution est très simple. Et forcément pas totalement complète. Mais les fondateurs assument pleinement. ” Elle répond à 80% des besoins des grossistes, précise Ayoub Assaban. On veut justement se positionner à l’opposé du sur- mesure. Nous présentons certes une solution qui ne permet pas pour l’instant de gérer les stocks ni de réaliser des payements. Cela devrait changer. Par contre, ce qu’on ne fera jamais, c’est faire du design et du graphisme pour les pages de commandes. Tout comme on ne développera pas de fonctionnalités spécifiques à la demande de certains grossistes. ” OrderCast veut se positionner comme un software as a service ( SaaS), applicable pour un maximum de grossistes différents. Notre modèle business est d’ailleurs calqué sur les SaaS avec son abonnement mensuel. Si ce n’est que notre start-up ne demande pas de frais d’installation et détermine un prix sur mesure selon les besoins de l’entreprise cliente et ses activités. ” Un grossiste qui réalise 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et compte une trentaine d’employés payera entre 5.000 et 8.000 euros par mois “, précise le cofondateur d’OrderCast. Cher ? ” On ne demande pas de frais d’installation et ces tarifs sont rentabilisés rapidement quand on sait que notre système permet de remplacer les tâches de réencodage de quatre à cinq employés dans certaines situations. Certaines commandes peuvent dépasser 250 lignes d’articles différents. L’encodage manuel prend du temps et contient des risques d’erreurs. Ce n’est clairement pas rentable. ”
Notre solution répond à 80% des besoins des grossistes. On veut se positionner à l’opposé du sur-mesure.” – AYOUB ASSABAN
” Less is more ”
Bien sûr, OrderCast n’est pas le seul acteur sur le créneau. Par exemple, Mangeto, créateur de sites marchands, propose ce type de solution, mais qui nécessite généralement l’appel à des agences spécialisées pour son implémentation. D’autres solutions intégrées existent également. Mais OrderCast mise essentiellement sur la simplicité de son approche.
Un positionnement qui a visiblement séduit une série d’investisseurs. OrderCast, qui emploie aujourd’hui cinq personnes, a récemment levé 3 millions d’euros auprès de venture capitalists internationaux parmi lesquels Hoxton Ventures (l’un des premiers investisseurs de Deliveroo), Epic Games, Verissimo Ventures ou encore Kima Ventures, le fonds du Français Xavier Niel. Des investisseurs qu’Ayoub Assaban a réussi à approcher grâce au réseau qu’il a développé lorsqu’il s’occupait de l’antenne belge de l’incubateur français The Family. Ayant des actionnaires exclusivement non belges, OrderCast installera sa société à Londres.
Pas pour tous les grossistes
Reste toutefois certains freins que la jeune société technologique devra réussir à dépasser. A commencer par les cycles de vente parfois assez longs (six mois) auprès des grossistes : ” un des plus grands freins à l’expansion “, admet Ayoub Assaban. Et puis, l’inadéquation de la solution pour certains grossistes : ceux actifs dans les biens périssables ou la chaîne du froid. ” Dans ces cas, l’activité nécessite des changements hyper-fréquents dans le fichier Google Sheet regroupant les produits, admet le fondateur. Dès lors, en résolvant un problème, on en crée un autre. On pense donc écarter les grossistes de ces secteurs. ”
Reste que l’Europe compte pas moins de 1,8 million de grossistes, selon Ayoub Assaban, ” dont pas loin de 20% qui ne sont pas digitalisés “. Un solide terrain de jeu pour la jeune pousse qui, aujourd’hui, ne compte qu’une petite poignée de clients européens… mais espère réaliser 1 million d’euros de chiffre d’affaires d’ici un an.
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