Diesel : après VW, la Renault Espace visée

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Vincent Degrez Journaliste

Une association environnementale allemande dénonce la Renault Espace diesel, coupable, selon elle, d’émissions d’oxydes d’azote jusqu’à 25 fois supérieures à la limite. Le Français conteste, invoquant d’autres tests menés par l’ADAC. Une fédération automobile allemande qui fut, voici un peu plus d’un an, au coeur d’un énorme scandale mettant en cause son indépendance par rapport aux constructeurs auto.

Schockierende!” L’équivalent allemand du très britannique “shocking” a dû retentir dans les couloirs de la Deutsche Umwelthilfe (DUH), une association de protection de l’environnement, lorsque les premiers résultats des tests menés sur la Renault Espace sont arrivés. Jugez-en plutôt : l’Espace diesel 1.6 dCi émettrait entre 13 et 25 fois plus d’oxydes d’azote (NOx) que la limite autorisée, selon que le moteur est testé à froid ou à chaud.

“Nous n’avons pas vu des émissions à un tel niveau depuis la fin des années 1980”

Les tests ont été confiés par la DUH au laboratoire de contrôle des gaz d’échappement de l’Université des sciences appliquées de Berne. Résultat ? Les valeurs de NOx mesurées pour six de ces tests (sur huit) “sont supérieures à la valeur limite de 80 mg/km”, les deux autres tests livrant des valeurs inférieures à cette limite. Si l’on observe les résultats d’un peu plus près, on constate en outre que deux des trois tests “à froid” ont livré des résultats sous la limite (un seul l’excède, avec 235 mg/km), tandis que la totalité des tests “à chaud” ont crevé le plafond, avec un maximum à 2.061 mg/km, soit plus de 25 fois la limite autorisée (voir tableau et graphique ci-dessous).

Résultats des tests menés par la DUH sur la Renault Espace diesel
Résultats des tests menés par la DUH sur la Renault Espace diesel© DUH

“Nous avons fait des tests avec la Renault Espace diesel, car elle avait déjà dévoilé dans d’autres tests des niveaux réels d’émission effrayants”, a précisé Jürgen Resch, directeur de l’association allemande (cité par l’AFP), lors d’une conférence de presse à Berlin. “Toutes les variations dans les conditions préalables des tests avec un moteur chaud au lieu de froid ont mené à des valeurs d’émissions à des niveaux que nous n’avions encore jamais mesurés.”

“Nous n’avons pas vu des émissions à un tel niveau depuis la fin des années 1980, avec l’adoption de limites européennes d’émission”, s’est étonné Axel Friedrich, expert des transports, lors de la même conférence de presse. “Il est incroyable que des voitures soi-disant modernes, qui polluent l’air à ce point, soient sur les routes.”

Renault contre-attaque… et n’est pas le seul

Si l’association environnementale ne parle pas clairement de manipulation de la part de Renault, elle avait, dès septembre et peu de temps après que le scandale Volkswagen de logiciels permettant de tromper les contrôles anti-pollution n’éclate aux Etats-Unis, affirmé détenir “des indices détaillés sur des manipulations des émissions” chez plusieurs constructeurs autres que VW et Audi, rappelle par ailleurs l’AFP.

Côté français, la riposte ne s’est bien sûr pas fait attendre. Le jour même, Renault annonçait qu’il contestait les conclusions de la DUH, rappelant au passage que l’Espace, “comme tous ses véhicules commercialisés, respecte les réglementations en vigueur”.

Les procédures d’essai utilisées par l’Université de Berne ne sont “pas toutes conformes à la réglementation européenne et présentent des variations importantes de résultats qui, comme indiqué dans le rapport, nécessitent ‘des mesures complémentaires’ et ne sont donc pas conclusives”, défend le groupe au losange. “Cependant, Renault met tout en oeuvre pour comprendre le détail de ces résultats. D’autant plus qu’en août 2015, l’organisme allemand indépendant ADAC a testé le modèle Espace et publié que ce dernier respectait la norme.”

Renault s’est trouvé un allié de poids, outre-Rhin, en la personne de Matthias Wissmann. Le président de la fédération automobile allemande VDA a, lui, dénoncé un “lobby anti-diesel” et affirmé, devant des journalistes à Berlin, que les institutions réalisant les tests d’émissions étaient indépendantes et ne se laissaient pas influencer, rappelant que les outils de mesure allaient être améliorés avec l’apparition de techniques de mesure en conduite.

L’ADAC au coeur d’un scandale de manipulation de votes en 2014

Des institutions “indépendantes” ? Ce n’est pas tout à fait l’avis de la Deutsche Umwelthilfe, qui réclamait à nouveau, lors de la publication de son étude, des tests vraiment “indépendants” sur les émissions polluantes des voitures. L’association regrettait ainsi que ni les constructeurs ni les autorités ne répondent à ses accusations : “La question de la transparence est centrale, ce sont les constructeurs qui sont responsables”, estimait Axel Friedrich, cité par l’AFP.

Ajoutons que l’ADAC, cet “organisme allemand indépendant” dont se prévaut Renault, a connu des temps difficiles depuis 2014. L’Allgemeiner Deutscher Automobil-Club est pourtant une institution de poids. Cette fédération de clubs automobiles d’outre-Rhin est en effet la plus grande fédération de ce type en Europe (avec près de 19 millions de membres) et la deuxième au monde (derrière les Etats-Unis et leur American Automobile Association). Autant dire que, lorsqu’un tel acteur du secteur automobile décerne un prix, les constructeurs et les consommateurs réunis sont à l’écoute.

Tous les ans, l’ADAC décernait ainsi son prix baptisé “Gelber Engel” (“ange jaune”, référence à la couleur des véhicules de dépannage de la fédération), basé sur le vote du public. Problème : début 2014, l’ADAC a avoué avoir manipulé les chiffres pour faire élire la VW Golf, avant d’admettre avoir “tripatouillé” ces résultats depuis une dizaine d’années. Dix prix prestigieux donc, décernés à Mercedes, Audi, BMW et Volkswagen, qui perdaient toute valeur en un instant.

La crise de confiance qui en découla coûta son poste au président de l’ADAC, Peter Meyer (64 ans), et plusieurs dizaines de milliers d’adhérents à l’association. Daimler, Volkswagen et BMW ont aussitôt rendu leurs prix. “Il s’agit de la plus grave crise de notre histoire vieille de 111 ans”, avait alors déclaré August Markl (cité par Reuters), vice-président de l’ADAC, qui remplaça Peter Meyer. August Markl promit alors de modifier en profondeur les structures de l’ADAC, “déjà sous le feu des critiques pour avoir gonflé le prix de batteries vendues à des automobilistes en panne”, ajoutait alors Reuters. “Certains dirigeants ont également été pointés du doigt pour utilisation abusive d’hélicoptères et d’avions de sauvetage” pour leurs trajets professionnels…

Lorsqu’une fédération du poids de l’ADAC manipule ses sondages pour favoriser tel ou tel constructeur, cela engendre un doute raisonnable quant à l’indépendance de ses activités. Ce scandale jette-t-il le discrédit sur ses tests de voiture, en particulier ? Difficile à dire, même s’il y a, de toute évidence, de quoi semer le trouble dans l’esprit du public.

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