À partir du 1er janvier 2026, la facturation électronique via Peppol deviendra obligatoire. Selon une enquête menée par le guichet d’entreprises Xerius et l’Université de Hasselt, seule une minorité d’entrepreneurs y serait déjà préparée. Ce sont surtout les petits indépendants qui accusent du retard.
Deux entrepreneurs sur trois ne sont pas encore prêts pour la facturation électronique via Peppol, qui deviendra obligatoire début de l’année prochaine. “Tant que cela n’est pas légalement obligatoire, ces entrepreneurs ne considèrent pas cela comme une priorité”, déclare Maarten Corten, professeur à la Faculté des sciences économiques appliquées de l’Université de Hasselt, qui a organisé une enquête auprès des entrepreneurs en collaboration avec le guichet d’entreprises Xerius. “Mais reporter est risqué : à partir du 1er janvier 2026, les factures envoyées par e-mail ou par courrier seront interdites pour les transactions entre entreprises assujetties à la TVA. Même un boulanger qui livre à une PME devra alors facturer via Peppol.”
Même un boulanger qui livre à une PME devra, dès 2026, facturer via Peppol.
“Nous avons observé le même schéma dans des pays comme la Roumanie et la Hongrie, lorsqu’ils ont commencé avec la facturation électronique, raconte Philippe Kimpe, fondateur de la plateforme de facturation électronique Lucy, rachetée en 2024 par la plateforme comptable Yuki (Visma). Ce n’est qu’au cours des derniers trimestres avant la date limite qu’un sprint final démarre. Les entreprises s’y préparent, mais l’urgence n’est pas encore ressentie partout.”
Fracture numérique
Un entrepreneur sur sept qui n’est pas encore prêt pour Peppol (15% plus précisément) s’attend à rencontrer de grandes difficultés lors de la transition. “Il s’agit surtout de commerçants et de prestataires de services qui utilisent peu d’outils numériques et sont donc moins familiarisés avec les logiciels”, explique Maarten Corten, qui établit des parallèles avec l’essor de la banque en ligne. “Là aussi, on a d’abord observé une résistance chez les personnes moins expérimentées numériquement.”
De manière étonnante, ce ne sont pas les entrepreneurs qui envoient beaucoup de factures sortantes qui s’attendent à avoir le plus de problèmes. Trois quarts de ceux qui prévoient de grandes difficultés envoient moins de 100 factures par an – soit moins de huit par mois. Quarante pour cent n’en envoient même pas plus de deux par mois. “Plus d’un quart (27%) travaille sans comptable externe”, indique Maarten Corten.
Rôle du comptable
L’étude de Xerius et de l’Université de Hasselt souligne donc clairement le rôle clé des comptables externes. Soixante-deux pour cent des entrepreneurs se sentent modérément à bien informés par leur comptable et comptent surtout sur son conseil pour choisir une solution. Les entrepreneurs sans comptable rencontrent plus de difficultés et sont plus souvent non préparés.
“C’est surtout une question de ’ce qui est inconnu est peu aimé’, affirme Philippe Kimpe. Beaucoup d’entrepreneurs travaillent encore avec Word ou Excel et pensent que c’est gratuit et simple, mais cela coûte finalement aussi du temps et de l’argent.” Son message est clair : faites-vous accompagner et n’attendez pas la dernière minute. “Votre comptable est le médecin généraliste de votre entreprise. Commencez par là.”
Selon Maarten Corten aussi, les comptables sont les figures centrales pour rendre la transition aussi simple que possible. Son conseil ? “En tant que comptable, choisissez un ou quelques outils pour vos clients, et accompagnez-les du mieux possible. Les entrepreneurs veulent simplement se conformer à la loi de manière pratique.”
“Un comptable avec 100 clients qui utilisent cinq systèmes, ça ne fonctionne pas, indique Philippe Kimpe. Les nouveaux clients seront probablement invités à adopter la plateforme choisie par le comptable.”
Agitation sur le marché
Une enquête du spécialiste de la facturation électronique Billit montre que plus de 23% des entrepreneurs interrogés envisagent de cesser leur activité en raison de l’obligation de facturation électronique. Dans l’enquête de Xerius et de l’Université de Hasselt, un entrepreneur sur 10 (11%) envisage d’arrêter à cause de Peppol, mais l’inquiétude est bien présente.
Maarten Corten trouve cela tragique. “J’espère que personne ne cessera d’entreprendre à cause de cette obligation, dit-il. Cela signifierait que, en tant que société, nous avons échoué dans notre communication et notre accompagnement.”
Avantages pour les entrepreneurs
La facturation électronique via Peppol ne sera obligatoire en Europe qu’en 2030, mais la Belgique introduit l’obligation quatre ans plus tôt, dès 2026. Certains entrepreneurs se demandent pourquoi cela doit aller plus vite ici. “C’est une question légitime, estime Maarten Corten. Le gouvernement veut combler l’écart de TVA. C’est la différence entre ce que l’État devrait recevoir en recettes de TVA et ce qu’il perçoit réellement. En Belgique, cet écart est estimé à environ 5 milliards d’euros par an. Cet écart n’est pas seulement dû à la fraude, mais souvent à des erreurs. La facturation électronique rend ce processus beaucoup plus précis.”
L’obligation apporte donc aussi des avantages clairs pour les entrepreneurs. Ils sont mieux protégés contre les fausses factures, et l’envoi, l’enregistrement et le traitement numériques réduisent les erreurs humaines. Et celui qui lie aussi son compte bancaire au logiciel de facturation électronique obtient plus rapidement un aperçu de ses revenus, dépenses et flux de trésorerie, puisque le logiciel enregistre immédiatement quelles factures ont été payées et lesquelles ne le sont pas encore.
“Avec les factures classiques, beaucoup de choses se passent mal : e-mails frauduleux, numéros de compte incorrects, paiements oubliés. Peppol règle tout cela”, explique Maarten Corten.
Complexité supplémentaire
Pour les entrepreneurs ayant des clients dans différents pays européens, il existe une difficulté supplémentaire. Les factures destinées aux entreprises belges doivent passer par Peppol à partir de 2026, tandis que celles envoyées à des clients néerlandais ou français peuvent encore être envoyées simplement en PDF par e-mail.
“Notre étude montre que ce ne sont pas seulement les petits indépendants qui s’attendent à rencontrer des problèmes. De grandes entreprises avec de nombreuses transactions internationales indiquent avoir du mal à se conformer à la nouvelle législation, déclare Maarten Corten. Les grandes entreprises travaillent souvent avec des ERP (Enterprise Resource Planning, ndlr) sur mesure. Elles devront elles-mêmes s’y mettre pour que la facturation électronique se passe bien.”
Il faut également attendre de voir comment d’autres pays européens vont gérer la facturation électronique. “L’Italie et la Pologne, par exemple, travaillent également sur la facturation électronique, mais ils utilisent des systèmes légèrement différents de celui de la Belgique. Cela ne facilite pas les choses”, dit Maarten Corten.
Pour les factures vers le Royaume-Uni, la situation est encore différente. En raison du Brexit, ce pays ne fait plus partie de l’harmonisation européenne.
“Le Royaume-Uni a été pionnier dans l’utilisation de Peppol dans le secteur de la santé et a permis aux autorités publiques d’accepter les factures électroniques, mais après le Brexit, le déploiement a stagné, souligne Philippe Kimpe. Depuis le 13 février, une consultation est en cours sur un cadre national de facturation électronique, mais la législation se fait encore attendre.”
“Cherchez du soutien”
Selon Maarten Corten, trois éléments sont essentiels pour convaincre les entrepreneurs. “Ne vous laissez pas intimider. La facturation électronique n’est pas un gros investissement et présente des avantages, explique-t-il. Commencez à temps. Donnez-vous de l’espace pour choisir le bon outil et vous y exercer. Et surtout : cherchez du soutien. Travaillez avec un comptable externe ou demandez conseil à votre guichet d’entreprises.”
Il existe déjà des solutions conviviales pour seulement quelques euros par mois.
“2026 marque le début d’une nouvelle réalité, conclut Philippe Kimpe. Celui qui attend jusqu’à ce moment-là est tout simplement trop tard.” Et la perception selon laquelle la facturation électronique serait coûteuse et compliquée ? “Injustifiée. Il existe déjà des solutions conviviales pour seulement quelques euros par mois. Le défi est surtout d’informer correctement les entrepreneurs et de les sensibiliser.”