Dermatologie: la start-up Skindr fait gagner du temps
Skindr a lancé en début d’année une nouvelle application pour dermatologues. La plateforme se veut bien plus qu’un simple intermédiaire de téléconsultation. Les fondateurs ambitionnent de s’internationaliser.
La numérisation des soins de santé offre de très nombreuses opportunités que la jeune pousse gantoise Skindr (prononcez “skin doctor”) a su saisir. L’idée a germé chez la dermatologue Annelies Avermaete qui a trouvé le partenaire idéal en Jochen Boeykens, l’entrepreneur IT d’Engagor et de Blendr. Parmi les actionnaires figure aussi Arlini, la société de Luc Geuten, fondateur du family office Mitiska. Les dermatologues sont sur-sollicités, a constaté Annelies Avermaete dans sa pratique. Le patient doit parfois attendre deux mois pour obtenir un rendez-vous. Le covid a contribué au succès des téléconsultations mais le gain de temps est quasi nul. “D’où cette réflexion: chaque question de patient mérite-t-elle une consultation physique? , s’est-elle interrogée. Skindr permet d’établir un diagnostic à distance ou de proposer un traitement temporaire en attendant une consultation physique. Notre plateforme ne prétend pas remplacer la consultation classique mais permet aux dermatologues d’optimiser leur temps et d’offrir un meilleur service aux patients.”
Je le dis et le répète: le but de Skindr n’est pas de se substituer aux consultations physiques.”
Annelies Avermaete, cofondatrice
Respect de la vie privée
Skindr se démarque clairement de la téléconsultation. “La téléconsultation classique était une solution bien pratique en période de pandémie. Rien à voir avec notre produit qui cherche à innover le monde médical de façon permanente. Notre travail est partiellement numérisé, ce qui facilite grandement la vie des patients et des dermatologues.”
L’application mise au point par le duo Avermaete-Boeykens n’est pas une énième appli santé téléchargeable sur smartphone mais une plateforme de communication respectueuse de la vie privée qui facilite le dialogue entre le patient et le dermatologue en toute confidentialité avec l’appui de photos. La consultation ne se fait pas en live mais via un système store and forward qui garantit au patient une réponse à sa question médicale dans les 48 heures.
La plateforme représenterait un gain de temps estimé à 25 jours par an pour les dermatologues, soit un millier de consultations supplémentaires. “Dans ma pratique quotidienne, j’ai tendance à regrouper les consultations Skindr, précise Annelies Avermaete. Je prévois environ une heure à midi ou en fin de journée. Pendant ces 60 minutes, je peux aider plus de patients que si je les voyais en vrai.”
45%
Les dermatologues peuvent identifier jusqu’à 45% des troubles sur la base de données et de photos.
Conformément à la législation RGPD, Skindr respecte la vie privée du patient. “Je reçois par mail ou par WhatsApp de nombreuses photos de patients qui me demandent conseil mais en tant que médecin, je ne peux pas y donner suite sous peine d’enfreindre la réglementation RGPD, un risque inexistant sur notre plateforme.”
Avec ce genre d’application, la pertinence du diagnostic dépend de la qualité des photos envoyées. Une faiblesse? “J’avais quelques craintes au début, reconnaît Annelies Avermaete. Mais franchement, tout se passe pour le mieux. Le smartphone permet de prendre des photos de grande qualité. Nous conseillons les patients pour obtenir les meilleures photos possibles. Nous demandons parfois des clichés supplémentaires, ce qui ne pose généralement pas de problème. Si les photos ne permettent pas de poser un diagnostic précis, nous en informons le patient. Certaines affections cutanées sont indécelables sur photos. Mais je le dis et le répète: le but de notre application n’est pas de se substituer aux consultations physiques.”
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Pas de remboursement
La consultation Skindr coûte 28 euros. A ce stade-ci, le remboursement par la sécurité sociale n’est pas encore d’actualité. Mais Skindr essaye de faire reconnaître son application comme solution m-health (mobile-santé) et a introduit une demande de marquage CE européen. Le dossier est actuellement à l’étude. Toute la question est de savoir si Skindr doit être considérée comme un outil médical ou un outil de communication. “Notre système intelligent aide le dermatologue dans son diagnostic, avance Jochen Boeykens. Il s’agit donc bien d’une application médicale, selon nous. Même si nous répondons aux critères, cette reconnaissance n’est pas indispensable dans l’absolu. Elle nous apporterait toutefois une certaine visibilité. Pour ce qui est du m-health, les membres de la mutuelle Partena bénéficient déjà d’un remboursement partiel. Notre application devrait intégrer davantage d’intelligence artificielle dans le futur. L’analyse des données et les suggestions au médecin rendues possibles par un logiciel d’apprentissage automatique font de la plateforme bien plus qu’un simple outil de communication.”
Mais le remboursement n’est pas le principal objectif… du moins pour le moment. Le nombre d’utilisateurs est encore assez limité. En Belgique, la plateforme ne regroupe que cinq dermatologues. Ils ont assuré plus de 1.000 consultations au cours des derniers mois. Dans l’immédiat, le but est de convaincre davantage de spécialistes de s’affilier. Le tandem de choc espère pouvoir compter sur une vingtaine de dermatos d’ici la fin de l’année.
La contribution d’Annelies Avermaete est déterminante. “Les médecins sont souvent submergés de logiciels inefficaces, dit-elle. C’est à partir des manquements constatés dans ma pratique quotidienne que j’ai imaginé une application qui répond à un réel besoin et correspond aux desiderata des professionnels. Développer un logiciel, c’est une chose, mais c’est l’expérience sur le terrain qui fait toute la différence.”
Ambition internationale
Le marché belge est intéressant parce que 90% des patients consultent un dermatologue sans prescription du médecin traitant. Le gain de temps potentiel pour le spécialiste constitue un argument de taille. L’application suscite aussi beaucoup d’intérêt en Allemagne. “Une étude est en cours avec la Ruhr Université de Bochum, confie Annelies Avermaete. Sur 50 patients que j’ai examinés dans mon cabinet, une consultation en ligne Skindr est enregistrée et visionnée par un panel international de collègues. Les deux diagnostics sont comparés dans le cadre de l’étude.”
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