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Decathlon et l’essor de la seconde main

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

J’ai deux défauts rédhibitoires aux yeux de certaines personnes. J’aime l’économie et le business, alors qu’il est parfois de bon ton de conspuer ou de critiquer les entreprises. Et j’ai une foi inébranlable en l’homme et en sa capacité à se réinventer face au danger. Bref, je suis un indécrottable optimiste.

Si je me livre ainsi, c’est parce que je répète à l’envi et heureusement, je ne suis pas le seul à penser de la sorte, la sortie de crise (que ce soit celle-ci ou toutes les autres) viendra souvent des entreprises : elles sont souples, elles sont résilientes, elles ne tergiversent pas comme nos politiques, pour la simple raison que si elles se trompent, elles perdent des marchés ou tombent en faillite (la sanction est immédiate à l’inverse du monde politique). Or, regardez l’actu : le pouvoir d’achat est devenu le sujet numéro un des politiques. Eux en parlent, et parfois nous aident avec des aides qui sont, en réalité, de futurs impôts, qu’on ne présente pas sous cet angle sinon l’aide en question perd de son charme. Au fond, une aide d’État, c’est juste une manière de différer la douleur dans le temps !

En revanche, les entreprises sont toutes en train de réfléchir à comment passer ce cap de l’inflation débridée, mais sans perdre leurs clients. Et c’est là où j’attire votre regard sur un phénomène qui risque de passer inaperçu : c’est le marché de la seconde main. Oui, je sais, il existe depuis quelques années déjà (et c’est souvent quelques enseignes spécialisées qui s’en occupent). Oui, je sais, ce sont quelques “pures players” sur internet qui occupent le marché de la seconde main. Mais seulement, voilà, depuis plusieurs mois, suite aux pénuries et à l’explosion de l’inflation, le marché de l’occasion a reçu un coup de pouce extraordinaire. Maintenant, ce sont toutes les marques, tous les secteurs qui sont en train de s’engouffrer dans le marché de l’occasion. C’est une pépite qui va durer, car même si l’inflation va retomber en 2023, elle sera plus élevée que durant les 30 dernières années, ne serait-ce que parce que la décarbonation de notre économie va faire automatiquement augmenter les prix. Les partis écolos ne le disent pas pour ne pas effrayer les citoyens, mais la lutte contre le réchauffement climatique a un prix, et c’est une inflation plus durable, plus forte, mais gérable. Et les entreprises ont bien compris le message (je vous donne un seul exemple, et Belge de surcroit) : la firme Decathlon a changé de nom, elle s’appelle NOLHTACED, et elle va garder ce nom bizarre pendant un mois sur ses devantures, mais aussi sur son site internet. Rassurez-vous, les patrons de Decathlon Belgique ne sont pas devenus fous, ce nom bizarre de NOLHTACED est juste le mot Decathlon, mais à l’envers. En clair, la direction de Decathlon veut favoriser le shopping inversé. Autrement dit, vous pouvez acheter du matériel neuf de sport chez Decathlon, mais vous pouvez également revendre votre propre matériel de sport ancien ou inutilisé. Decathlon s’engage à le réparer, puis le revend d’occasion, et avec garantie.

Bien entendu, ce changement de nom est un superbe coup de pub. Mais c’est plus que cela ; cela montre aussi que la troisième firme d’équipements sportifs au monde, juste après Nike et Adidas, a changé de modèle. Une partie des revenus de Decathlon proviennent déjà de la location (la location de vélos sur abonnement est un succès, par exemple), mais Decathlon joue aussi sur la vente de produits d’occasion. Comme le disait l’un des cadres de cette entreprise, en période d’inflation, la seconde main leur permet de proposer des produits de 25% à 40% moins cher.

En fait, le marché de l’occasion est en en train d’exploser, et les repères des citoyens consommateurs aussi : la sobriété, c’est un slogan pour les partis politiques, c’est une réalité pour les citoyens, et c’est déjà un business pour les entreprises. Quand je vous disais que les entreprises sont souples, dynamiques et sont ultra-réactives, je ne vous mentais pas.

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