Autrefois vitrine européenne de Tesla, la Norvège devient le terrain de jeu préféré des constructeurs chinois. BYD, MG, Nio, Xpeng : leurs marques s’imposent à grande vitesse sur un marché qui électrifie plus de 90 % de ses nouvelles immatriculations.
La Norvège, pays où neuf voitures neuves sur dix sont électriques, est depuis longtemps considérée comme un laboratoire automobile à ciel ouvert. Jusqu’ici, c’est Tesla qui y faisait la pluie et le beau temps. Mais la donne change vite. Selon une analyse de CNBC, les marques chinoises prennent d’assaut le marché norvégien, à une vitesse que peu d’analystes avaient anticipée. La berline électrique BYD Seal s’est ainsi classée parmi les trois véhicules les plus immatriculés en juin, devançant la Model 3 de Tesla. MG, la marque britannique relancée par le chinois SAIC, envahit aussi les routes du pays scandinave.
Pas de droits de douane
Cette croissance explosive est d’autant plus remarquable que le pays nordique, qui ne fait pour rappel pas partie de l’UE, a décidé de ne pas imposer de droits de douane sur les importations de véhicules électriques chinois. Depuis la première livraison d’une voiture MG en janvier 2020, les marques chinoises de VE ont conquis une part de marché combinée d’environ 10 %, grâce aux prix compétitifs et à la technologie de pointe de Pékin, avance CNBC. « On voit de plus en plus de modèles chinois sur les routes. Ils ne sont plus perçus comme bon marché, mais comme bien équipés et adaptés à l’hiver scandinave », témoigne un distributeur automobile d’Oslo interrogé par le média américain.
Pourquoi la Norvège ?
Le marché norvégien est particulièrement stratégique pour les marques chinoises. D’abord, parce que les incitants fiscaux y sont importants. Mais surtout, parce qu’il sert de tremplin vers l’Union européenne, en raison de son haut niveau d’adoption et de sa clientèle tech-friendly. Les modèles y sont testés, rodés, appréciés — avant d’être déployés à grande échelle ailleurs, commente CNBC. Selon les données de la Fédération routière norvégienne (OFV), les fabricants chinois de VE tels que BYD, XPeng et MG figuraient parmi les 20 marques les plus vendues sur le marché norvégien des voitures neuves le mois dernier. Les constructeurs suédois Volvo et Polestar figurent également sur la liste. Le groupe chinois Geely Holding Group détient une participation importante dans ces deux constructeurs automobiles.
Tesla sous pression
Ce changement de décor est particulièrement révélateur de la nouvelle donne. Tesla, longtemps en pole position, subit de plein fouet la concurrence sur ses segments clés. Le Model Y reste en tête, mais d’autres modèles chinois, souvent moins chers et mieux équipés, grappillent chaque mois des parts de marché. Tesla reste pour le moment l’acteur dominant en Norvège. Le fabricant américain de VE dirigé par Elon Musk était de loin la marque la plus vendue en Norvège en juin, les ventes ayant été stimulées par la demande pour le véhicule utilitaire sport relifté Model Y. Pour rester compétitif, Tesla a néanmoins dû baisser ses prix de plus de 15 % en Norvège sur le premier semestre 2025, rapporte Bloomberg. Une stratégie qui affecte directement ses marges.
Un avant-goût pour le reste de l’Europe ?
La Norvège joue ici un rôle d’avant-garde. Ce qui s’y passe devance souvent de deux à trois ans les tendances du reste de l’Europe. La montée en puissance chinoise pourrait donc préfigurer un basculement plus large. D’autant que les constructeurs comme BYD, Nio ou Geely ne se contentent plus d’exporter : ils investissent dans des usines locales – BYD est notamment présent en Hongrie – et visent un ancrage industriel européen. Si Tesla commence à perdre pied dans ce pays scandinave à la pointe, cela en dit long sur les rapports de force qui s’installent dans la guerre mondiale des voitures électriques.