De politicien à chef d’entreprise: le grand virage de Melchior Wathelet

Melchior Wathelet
"Ce que la politique m’a le plus apporté dans ma nouvelle vie business, c’est cette capacité de me mettre à la place de l’interlocuteur."
© PG
Frederic Brebant
Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances 

Il y a tout juste 10 ans, Melchior Wathelet mettait un terme à sa carrière politique. Depuis, l’ancien ministre cdH a rebondi dans diverses entreprises, mais l’année 2025 marque un nouveau tournant pour le Verviétois. Il est aujourd’hui l’actionnaire majoritaire et le co-CEO de Nexus Communication, une société dédiée au “fleet management”.

Une Renault 4L turquoise. Le tout premier souvenir automobile de Melchior Wathelet est coloré, pour ne pas dire flashy. Mais il est surtout émouvant. “C’était la voiture de ma mère, qu’elle a reçue de mon père, le jour de ma naissance, sourit Melchior Wathelet. Mon père était un amoureux de bagnoles, mon grand-père était aussi un amateur de belles voitures et j’ai pris forcément le même chemin. Comme eux, je suis un passionné d’automobile. J’aime rouler avec des ancêtres. C’est vraiment mon truc !”

A priori anecdotique, cette confession mécanique est beaucoup moins futile qu’elle n’y paraît et s’inscrit véritablement dans le virage pris par l’ancien ministre, il y a quelques mois à peine. À 47 ans, Melchior Wathelet est devenu non seulement l’actionnaire majoritaire, mais aussi le copilote d’une entreprise bien implantée dans le monde des voitures : Nexus Communication, “une société d’expertise et de contenus”, dixit son cofondateur Thierry Degives, active dans le secteur B to B de l’automobile et de la mobilité durable.

Basée à Rocourt, cette pépite wallonne est méconnue du grand public – en raison de sa dimension B to B précisément – mais pourtant présente sur les cinq continents avec des marques comme Fleet Europe, Global Fleet ou encore Smart Mobility Management. Concrètement, la mission première de Nexus Communication est de connecter les professionnels des voitures de société à travers des événements, des salons, des formations et le partage de contenus stratégiques.

Nouveau départ

Pour Melchior Wathelet, l’ancrage automobile de cette entreprise atypique et sa réelle dimension internationale ont été deux facteurs déterminants de son nouveau choix de vie active. Il y a tout juste 10 ans, l’homme mettait un terme définitif à sa carrière politique, après plusieurs années passées au Parlement comme député fédéral cdH et surtout au sommet de l’État sous différentes législatures. Pour rappel, le Verviétois avait été promu secrétaire d’État au Budget sous les gouvernements Leterme 1er en 2008 et Van Rompuy en 2009, puis comme ministre de la Mobilité, et enfin ministre de l’Intérieur sous le gouvernement Di Rupo de 2011 à 2014.

Sacrifié sur l’autel du plan de survol de Bruxelles, Melchior Wathelet avait jeté le gant politique au printemps 2015 pour embrasser le monde de l’entreprise, mais sous l’angle de la gouvernance et de la consultance. Il avait successivement endossé des responsabilités de premier plan chez Xperthis, devenu Zorgi (un fournisseur de solutions informatiques dans le secteur des soins de santé), puis chez NRB (un acteur de référence dans le secteur ICT en Belgique) et enfin chez Edge Consulting (un cabinet de conseil aux entreprises).

Mais l’année dernière, la vie du Verviétois prend un nouveau virage. Melchior Wathelet, qui est aussi président du conseil d’administration de Spa Grand Prix et du Circuit de Spa-Francorchamps depuis 2017, est approché pour relever un nouveau challenge : les cofondateurs de Nexus Communication lui proposent de racheter la majorité des parts de leur société et de la diriger en tandem avec la CEO historique. “J’ai accepté parce que j’adore l’automobile et que le secteur est confronté à de nombreux défis, explique Melchior Wathelet. Je suis intéressé par l’outil, par sa dimension internationale, par la finalité du projet et par toutes les nouvelles idées que l’on peut apporter dans le débat actuel autour des voitures de société.”

Opération séduction

Mais pourquoi les cofondateurs de Nexus Communication ont-ils jeté leur dévolu sur l’ancien ministre cdH ? “Cette société est notre bébé, répondent en chœur Thierry Degives et Caroline Thonnon, couple au travail comme à la ville. Nous cherchions une personne qui partage non seulement nos valeurs et notre vision, mais qui peut assurer une continuité à l’entreprise, tout en apportant une réelle plus-value dans le cadre de son développement. Avec Melchior, le choix était évident.”

C’est à la suite d’un repas entre amis en décembre 2023 que le scénario de reprise se met en place. Thierry Degives va bientôt fêter ses 64 ans et pense tout doucement à passer le flambeau chez Nexus Communication, tout en maintenant sa compagne et cofondatrice Caroline Thonnon, de 13 ans sa cadette, au poste de CEO de la société. “Ce soir-là, Melchior Wathelet évoque ses envies de trouver un nouveau projet professionnel dans un secteur qu’il aime, avec une ampleur internationale et certaines valeurs”, raconte Thierry Degives. De retour à la maison, le couple se rend à l’évidence : “Mais c’est lui qu’il nous faut !”, lance Caroline Thonnon, qui donne rendez-vous à l’ex-politicien un mois plus tard au Grand Café de la gare des Guillemins à Liège pour évoquer le passage de témoin.

Les échanges se multiplient, Melchior Wathelet accompagne la CEO de Nexus Communication sur deux gros événements de la société à l’automne 2024 – l’un au Mexique, l’autre à Milan – et le projet de reprise se concrétise. “On le sentait de plus en plus en phase avec notre entreprise et nos valeurs, enchaîne Caroline Thonnon. Le secteur automobile, la dimension internationale et le fait d’avoir des grands patrons comme interlocuteurs l’ont véritablement séduit. Aujourd’hui, notre duo fonctionne très bien à la tête de la société et on sent vraiment l’impact de son arrivée chez Nexus en quelques mois à peine. Il traite notre bébé comme le sien et il amène une réelle valeur ajoutée, tant au sein de l’équipe qu’au niveau de l’entreprise, notamment en termes de digitalisation de l’offre.”

La mission première de Nexus Communication est de connecter les professionnels des voitures de société à travers des événements, des salons, des formations, etc. © PG

Acteur du changement

Dans son nouveau costume d’actionnaire majoritaire et de co-CEO de Nexus Communication, Melchior Wathelet semble aussi à l’aise qu’au volant d’une Porsche des années 1970. L’homme s’investit désormais dans l’univers plutôt complexe des voitures de société et les rouages du fleet management (la gestion des flottes automobiles) n’ont visiblement plus de secret pour lui.

“C’est un secteur méconnu et qui a une image assez négative parce que la voiture de société est malheureusement associée à la pollution et aux embouteillages, commente Melchior Wathelet. Je vais faire un parallélisme osé, mais c’est comme le secteur pharmaceutique : c’est certainement l’un des secteurs qui sauve le plus de vies au monde, mais la majorité des gens considèrent les entreprises pharma comme des groupes qui veulent uniquement faire de l’argent. Le secteur du fleet est lui aussi perçu comme le diable, alors qu’il est plutôt un facilitateur sur le terrain. Il n’est pas toujours évident d’expliquer au grand public ce que fait notre entreprise, mais avec nos événements, nos campagnes de communication, nos modules de formation et nos différents supports médias, nous pouvons faire bouger les choses et être un acteur du changement, notamment en termes de véhicules électriques et de mobilité durable.”

Porté par un chiffre d’affaires de 5,2 millions d’euros en 2024, Nexus Communication emploie aujourd’hui une trentaine de personnes et vise 10 millions de revenus à l’horizon 2030. C’est du moins l’objectif de l’ancien politicien reconverti en entrepreneur malgré lui. “Cette nouvelle vie lui convient très bien, témoigne son ami Pierre Crevits, qui fut le directeur de cabinet du ministre Wathelet dans les années 2010 et qui est aujourd’hui CEO du groupe Dexia. Dans l’âme, Melchior est un homme d’action et de décision, et je pense qu’il se plaît mieux comme dirigeant d’entreprise que comme consultant. C’est une personne efficace, qui comprend très vite les choses, et ici, il est le principal actionnaire et surtout, son vrai patron.”

“Je ne suis pas surpris de son arrivée chez Nexus Communication, renchérit son autre ami Pascal Laffineur, CEO de Yuma et ancien CEO de NRB où il a travaillé avec Melchior Wathelet. Je pense qu’il y a un vrai esprit d’entreprendre chez lui qui lui permet aujourd’hui d’être autonome et de prendre les décisions lui-même, contrairement à la sphère politique ou à la gouvernance d’entreprises dans lesquelles il a exercé. Ce nouveau défi lui va bien et je suis confiant pour lui car c’est une personne remarquable qui a une grande capacité d’adaptation. Il apprend très vite le secteur dans lequel il travaille et il arrive à avoir rapidement des conversations soutenues avec les experts du métier. C’est assez impressionnant !”

L’héritage politique

Retiré de la vie politique depuis 10 ans, Melchior Wathelet avoue n’éprouver aucun regret dans ce changement de vie, même s’il confesse qu’il aurait aimé vivre une victoire électorale comme celle des Engagés il y a tout juste un an.

“J’étais vraiment très heureux pour eux ce soir-là, mais cela n’a pas créé chez moi une espèce de jalousie ou d’envie, précise-t-il. Je suis fier d’avoir fait de la politique, mais je pense que cela peut parfois être dangereux de devenir un professionnel de la politique quand on en a besoin. Moi, je crois vraiment aux nouveaux défis, aux mixités de carrière et aux changements d’orientation.”

De son parcours politique, Melchior Wathelet garde surtout un certain “héritage” qui lui permet d’aborder le monde de l’entreprise avec un autre regard.

De son parcours politique, Melchior Wathelet garde surtout un certain “héritage” qui lui permet d’aborder aujourd’hui le monde de l’entreprise avec un autre regard.

“Ce que la politique m’a le plus apporté dans ma nouvelle vie business, c’est cette capacité de me mettre à la place de l’interlocuteur, conclut Melchior Wathelet. Il faut véritablement être à l’écoute et la politique m’a beaucoup appris dans le fait de savoir gérer les gens, les communautés, les différences de points de vue et les éléments de compromis. Elle m’aide aussi pour prendre des décisions basées sur un objectif qui a été défini. Même si tout le monde ne doit pas être d’accord avec la décision qui a été prise, tout le monde doit comprendre pourquoi on l’a prise. La politique m’a vraiment appris cela et je m’en inspire encore au quotidien, mais cette fois, sans ces pressions de la communication, de l’image et de l’agenda qui vous échappent totalement quand vous êtes ministre.”

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