Damien Vanden Dael (Facq): “Nous sommes une partie de la solution aux problèmes climatiques”
On a annoncé plus d’une fois la mort du commerce de gros. Mais Facq, spécialiste de la salle de bains et du chauffage, fête cette année son 140e anniversaire. “La création de valeur ajoutée est notre assurance-vie”, déclare le CEO de l’entreprise familiale.
C’est avec un enthousiasme non dissimulé que Damien Vanden Dael, qui représente la cinquième génération, nous fait visiter le nouveau bâtiment de Facq situé à Merelbeke, le long de la E40. Le CEO salue ses employés, demande des explications aux installateurs du système de ventilation et se réjouit de la manière dont la lumière naturelle illumine les lieux. Avec une façade de 300 mètres de long sur 16 mètres de haut pour une superficie de 30.000 m2, c’est le plus grand bâtiment Facq du pays. L’entrepôt est opérationnel depuis le début de cette année tandis que le showroom, le Sanicenter réservé aux professionnels et l’étage de bureaux sont en cours de finition. Le Flanders Headoffice de Facq devrait être complètement terminé d’ici la fin de l’été.
Pour tenir le coup dans un monde des affaires qui évolue à toute vitesse, vous devez être constamment à l’affût, curieux et motivé. Et nous le sommes.
TRENDS-TENDANCES. Alors que l’époque est au tout numérique, pourquoi investir dans un bâtiment aussi impressionnant ? Est-ce une manière de faire passer un message ?
DAMIEN VANDEN DAEL. Facq est une entreprise nationale. Pour nos clients, c’est-à-dire les installateurs professionnels, la proximité est une donnée très importante. Où qu’ils travaillent, nous voulons qu’ils puissent atteindre l’un de nos établissements dans un délai maximum d’une demi-heure. Nous disposons de trois centres logistiques en Belgique : Zaventem qui dessert Bruxelles et sa périphérie, Liège pour la Wallonie et Merelbeke pour la Flandre. Nous avions un entrepôt à Audembourg mais il s’est avéré trop petit et pas assez central et nous avons choisi de le déménager à Merelbeke. C’est à partir de ce nouveau centre de distribution que nous desservons le marché flamand et il doit nous aider à poursuivre notre croissance. Avec ce bâtiment, nous entendons également accroître la visibilité de notre secteur. Alors qu’ils sont un maillon essentiel de la chaîne, les acteurs de la distribution restent inconnus dans de trop nombreux secteurs.
Comment jugez-vous vos résultats 2019 ?
Comme chaque année, nous sommes satisfaits de nos résultats sur un marché qui ne bouge pas beaucoup. Nous avons atteint la barre des 300 millions d’euros de chiffre d’affaires, en augmentation de plus de 5 % par rapport à 2018. Nous employons 850 personnes dans nos 42 établissements qui seront bientôt 44 puisque deux ouvertures sont programmées à la fin de l’année, à Ypres et Genk. L’un des défis consiste à trouver du personnel. Nous avons en permanence entre 15 et 30 postes à pourvoir.
Quel est le moteur de votre croissance ?
Il est double : la confiance de nos clients dans notre proposition et nos investissements. Voilà 38 ans que nous connaissons une croissance continue. Et ce parce que notre stratégie est parfaitement claire : nous nous adressons aux professionnels du marché de la construction. Le bricoleur n’a jamais été notre groupe cible. Un installeur professionnel a besoin de conseils, de service, de proximité, de flexibilité logistique. C’est le coeur de notre activité et c’est la plus grande partie du marché. L’an dernier, nous avons facturé 30.000 clients professionnels : des installateurs, des entrepreneurs, des sociétés de maintenance, des promoteurs immobiliers et des services publics.
Des acteurs comme Alibaba, qui ne paient pas d’impôts et ne respectent pas les règles du jeu, ne devraient pas pourvoir exercer leurs activités chez nous.
Au vu du ralentissement de l’économie, qu’attendez-vous de 2020 ?
Je dirige cette entreprise depuis 1997 et je ne me souviens pas d’une seule année sans nuages noirs à l’horizon. Je pense donc que 2020 sera comme les autres, ni meilleure, ni pire. Pour ce qui nous concerne, nous regardons toujours avec des termes de trois à cinq ans. Ce qui se passera cette année ne modifiera pas notre ligne de conduite. Alors qu’elle fête son 140e anniversaire, notre entreprise est plus solide que jamais. Une entreprise familiale a ses avantages et ses inconvénients mais, si elle est bien gérée, les avantages pèsent plus lourds. Vous n’êtes pas pressé de faire des résultats à court terme et vous disposez de la latitude nécessaire pour réfléchir à long terme.
Fêterez-vous vos 140 ans ?
Personnellement, je n’aime pas trop les anniversaires mais il est vrai que 140 ans est exceptionnel pour une entreprise belge. Ceci dit, être l’une des plus anciennes ne signifie pas nécessairement être la meilleure. Je préfère de loin être la meilleure que la plus ancienne ! Nous communiquerons plus tard dans l’année sur ce que nous ferons pour marquer l’événement.
Quelle est l’importance de l’e-commerce pour Facq ?
Nous nous sommes lancés dès le début des années 2000. Cette technologie est extrêmement utile à nos clients car nous allons bien au-delà du simple enregistrement des commandes. Notre système est très complet : devis, informations sur les produits, fiches techniques, disponibilité des produits dans nos stocks, état des commandes, état des factures, etc. Nous avons également développé une application qui permet aux installateurs de suivre leurs commandes en temps réel, jusque dans le camion. Ils ont ainsi l’esprit libre pour se concentrer sur l’essentiel, leurs chantiers. L’e-commerce est pour nous un outil de travail.
Les grossistes de nombreux secteurs sont sous pression car les marques essaient de s’adresser directement au client final. Est-ce différent dans le sanitaire et le chauffage ?
Nous ne sommes pas menacés. Comme partout ailleurs, le monde des affaires est traversé par des phénomènes de mode. Et s’il fallait suivre les tendances du moment, vous ne vendriez plus que par Internet, vous n’auriez pas de stock, pas de personnel et pas de service. En théorie, vous pouvez tout externaliser. Mais je constate aujourd’hui que les acteurs du numérique reviennent aux magasins physiques. La vérité se situe donc quelque part entre les deux. Notre objectif est de créer une valeur ajoutée grâce à nos activités. C’est notre assurance-vie. Nous faisons beaucoup de choses et nous sommes efficaces dans tout ce que nous entreprenons : information, promotion de nouveaux produits, stockage, services en tout genre, crédits, etc. Bien sûr, les marges des purs distributeurs sont sous pression. Vous devez apporter une valeur ajoutée. Pour tenir le coup dans un monde des affaires qui évolue à toute vitesse, vous devez être constamment à l’affût, curieux et motivé. Et nous le sommes.
Le marché belge vous offre-t-il encore suffisamment de possibilités de croissance ou est-il temps de songer à l’étranger ?
Cette question m’amuse toujours. Une fois que nous aurons totalement couvert le marché belge, nous songerons éventuellement à d’autres marchés. Mais tant qu’il existera un potentiel de croissance en Belgique, nous l’exploiterons. Quand nous avons été sélectionnés pour le titre d’Entreprise de l’année en 2005, la première chose que le jury a souhaité savoir, c’était pourquoi nous n’avions pas encore investi à l’étranger. Ma réponse a été simple : ” Nous avons la même position que Colruyt “. En dépit d’une concurrence internationale féroce, Colruyt, qui est essentiellement actif en Belgique, figure parmi les chaînes de supermarchés les plus rentables d’Europe. Nous faisons comme eux : tant qu’il existe des possibilités sur le marché belge, nous continuons. Le jour où il sera saturé, nous aurons deux options. Soit nous lancer dans un nouveau secteur en Belgique, soit développer nos activités actuelles à l’étranger.
Ce qui se passera cette année ne changera rien à notre ligne de conduite.
Batibouw s’est terminé dimanche. Facq en était encore l’une des valeurs sûres. Vous croyez toujours à l’utilité des salons ?
Je crois à l’utilité des salons tout comme je crois à celle des showrooms. Au cours d’une vie, nous investissons tous deux ou trois fois dans une nouvelle salle de bains. Ce n’est pas le genre d’investissement dont on décide en feuilletant des catalogues sur Internet. On veut voir et toucher les produits, être bien informé des techniques et les comparer. C’est le meilleur moyen de ne pas être déçu après l’achat. Notre secteur a beaucoup à montrer et à expliquer. Je pense d’ailleurs que la Belgique n’atteindra pas ses objectifs climatiques sans le concours des grossistes et des installateurs, qui vendent et installent les techniques du futur.
Le débat sur le climat n’est-il pas aussi source d’incertitude pour le marché de la construction ? Quid si ce qui apparaît aujourd’hui comme un bon choix doit être démoli demain ?
La transition est lente, mais inéluctable. Les réglementations changent et, avec elles, les solutions. Si nous réussissons à rendre la totalité de l’immobilier résidentiel climatiquement neutre, nous aurons effectué une bonne partie du chemin. Aujourd’hui, il est possible de poser des choix qui sont tout à la fois écologiques et économiques. Récupération de l’eau, pompes à chaleur, panneaux solaires : la solution pour atteindre les objectifs climatiques est multiple. Notre secteur est une partie de cette solution. Et Facq apporte sa pierre à l’édifice. Notre réseau de distribution est neuf ou a été récemment rénové, nous avons installé des panneaux solaires sur le toit de la moitié de nos bâtiments, 80% d’entre eux sont équipés d’un système de récupération des eaux de pluie, notre flotte de camions et de véhicules utilitaires est up-to-date… Nous faisons beaucoup.
La Flandre, Bruxelles et la Wallonie ont des normes de construction et d’énergie différentes. Ça ne complique pas trop les choses ?
C’est effectivement une situation complexe. Il serait bienvenu d’uniformiser les exigences et les normes en matière de construction. Mais notre secteur n’est pas le seul concerné par ce problème. Voyez le gâchis de la mobilité ! C’est inacceptable à tous points de vue : l’environnement, l’économie et la qualité de vie. Je regrette que les problèmes de mobilité ne figurent pas plus haut dans la liste des priorités de nos gouvernants.
Quel regard posez-vous sur le statu quo politique actuel ?
De mon point de vue, deux choses sont importantes. Premièrement, nous avons besoin de continuité dans les politiques économiques et écologiques. On ne peut pas changer les règles du jeu chaque année, c’est absolument ingérable. Deuxièmement, j’aimerais que le monde politique s’inquiète un peu plus des entrepreneurs belges, ceux qui investissent dans leur propre pays. J’ai l’impression que les politiques sont pensées pour attirer les investisseurs étrangers et qu’elles négligent les entrepreneurs locaux. Pour les multinationales, toutes les portes s’ouvrent… Nos représentants sont dans l’erreur.
Vous n’applaudissez pas l’arrivée d’Alibaba à Liège ?
C’est incompréhensible. Des acteurs de ce genre, qui ne paient pas d’impôts et ne respectent pas les règles du jeu, ne devraient pas pourvoir exercer leurs activités chez nous. Pour des pays comme le nôtre, la mondialisation sans limites est un suicide économique. Il faut oser le dire. Je vis ici avec ma famille. Mes parents vivent ici, mes amis vivent ici. Ce sont eux la perspective d’un entrepreneur local.
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