“Coolblue veut devenir une entreprise internationale”
C’est un petit séisme dans le secteur de l’électroménager. En traduisant son site en français, le “pure player” néerlandais Coolblue a décidé de passer à l’offensive à Bruxelles et en Wallonie. Quel sont les projets de ce nouveau venu qui mise sur le service et la rapidité de livraison, et qui vient titiller des Media Markt, Vanden Borre ou Krëfel ? Rencontre avec Matthias De Clercq, son CEO pour la Belgique.
Déjà bien connu au nord du pays, le site d’e-commerce spécialisé dans les produits électroniques et l’électroménager a décidé de passer à l’offensive à Bruxelles et en Wallonie. Si Coolblue livre déjà dans toute la Belgique depuis de nombreuses années, la traduction de son site en français représente une étape importante. C’est que le groupe mise beaucoup sur les descriptions d’articles, les vidéos d’explications, etc. La stratégie de cet acteur né sur le Net est assez originale : ouverture de quelques points de vente destinés essentiellement au conseil et au service après-vente, installation à domicile. Voilà qui devrait représenter une concurrence supplémentaire pour des acteurs bien établis comme Media Markt, Vanden Borre ou encore Krëfel. Matthias De Clercq, CEO de Coolblue Belgique, détaille les projets de son groupe.
TRENDS-TENDANCES. Qu’est-ce qui vous a poussé à traduire votre site en français ?
MATTHIAS DE CLERCQ. Nous sommes une entreprise très ambitieuse qui souhaite devenir internationale. Nous n’avons à ce stade aucun plan précis, mais la volonté est là. Etant donné que nous sommes déjà actifs en Flandre et que nous avons depuis l’année dernière un magasin à Zaventem dans lequel nous accueillons pas mal de clients francophones, il était logique pour nous de traduire notre site en français.
A ce stade, une très faible proportion d’articles sont traduits. Quel timing prévoyez-vous pour la traduction ?
Nous nous sommes fixé la fin de l’année comme date butoir pour que tout le site soit traduit. Nous travaillons par groupes de produits. Aujourd’hui, les produits traduits sont les produits IT, et plus spécifiquement les ordinateurs, les accessoires et les produits Apple. Nous avons commencé par tout ce qui est IT car ce sont des produits très importants pour Coolblue, dont nous connaissons bien le fonctionnement. Dans un futur très proche, nous traduirons également les produits télécoms et l’électroménager.
Certains observateurs affirment que la Belgique francophone ne serait pour vous qu’un marchepied vers la France car le marché belge francophone est trop petit pour rentabiliser tous vos investissements. Excluez-vous de vous tourner un jour vers la France ?
Il n’y a actuellement aucun plan concret pour la France. Nous sommes concentrés sur le lancement de la version francophone belge de notre site internet. C’est déjà un beau défi, dont nous sommes très fiers.
Vous arrivez sur un marché où pas mal d’acteurs sont déjà actifs. Outre les Media Markt, Vanden Borre, Krëfel, etc., on a un autre gros acteur comme Amazon qui vous concurrence beaucoup moins en Flandre et aux Pays-Bas. Comment comptez-vous vous différencier ?
Notre grande différence réside dans notre philosophie. C’est notre slogan : ” Tout pour un sourire “. Nous avons notre propre service clientèle, nous jouons sur l’humour, nous sommes très attentifs à la satisfaction du client et nous lui demandons souvent son feed-back. Par ailleurs, nous permettons de commander jusqu’à minuit pour être livré dès le lendemain, et tout cela, gratuitement.
Vos concurrents proposent, eux aussi, la livraison gratuite dès le lendemain…
Il est vrai que c’est devenu la norme, mais nous comptons vraiment améliorer le service client, notamment via l’installation à domicile.
Quels sont aujourd’hui vos plus grands concurrents en Belgique ? D’autres pure players – qui ne vendent que sur Internet -comme Amazon, Bol.com, etc., ou des chaînes traditionnelles qui ont mis en place une stratégie omnicanal ?
Il est clair que la plus grande part du chiffre d’affaires de notre secteur se fait toujours dans les magasins physiques. Les enseignes que vous avez citées sont donc effectivement nos plus grands concurrents.
Nous n’avons pas pour objectif d’avoir les prix les plus bas.” Matthias De Clercq
Allez-vous proposer un assortiment différent ?
Nous avons un assortiment très large, mais nous ne vendons pas plus d’articles que nos concurrents. Enfin, cela dépend des concurrents évidemment… Amazon, c’est certain que non. Media Markt, peut-être… Maintenant, le but n’est pas d’avoir beaucoup de produits. Les produits que nous vendons sont des produits pour lesquels il nous est facile de conseiller objectivement nos clients. Par exemple, nous ne vendrons jamais des articles pour lesquels les goûts personnels des clients sont primordiaux.
On sait que les consommateurs wallons sont plus sensibles au prix. Pourtant, en comparant plusieurs articles identiques en vente sur votre site et sur ceux de vos concurrents, on remarque qu’il n’est pas rare que Coolblue soit un petit peu plus cher. Le prix n’est pas votre argument principal ?
Effectivement, ce ne l’est pas. Maintenant, ça ne veut pas du tout dire que nous allons être plus chers. Le but est d’afficher un prix juste. Ce n’est pas toujours le moins cher, mais ce n’est certainement pas non plus le plus cher. Nous affichons des prix compétitifs mais nous n’avons pas de garantie d’offrir le prix le plus bas. En fait, nos clients achètent d’abord chez nous pour l’expérience.
Coolblue va prochainement livrer et installer lui-même certains produits. Lesquels ?
Les produits très grands : les télévisions de plus de 50 pouces et les grands articles d’électroménager qui doivent être installés (frigos, lave-linge, etc.). Pour ces produits, nous proposons déjà l’installation gratuite à domicile aux Pays-Bas. Dans un futur très proche, nous proposerons ce service en Flandre à partir de petits dépôts situés à Zwijndrecht (près d’Anvers) et à Gand. C’est aussi prévu pour la Wallonie et Bruxelles. Nous allons pour ce faire ouvrir un petit entrepôt à Liège.
Malgré votre ADN de pure player, vous avez misé sur l’ouverture de quelques magasins ” en dur “. Vous en possédez trois à ce jour en Belgique. Pourquoi ?
Il y a plusieurs raisons. Nos magasins nous permettent de donner du conseil à nos clients. Nous conseillons déjà beaucoup en ligne mais il y a certaines choses qu’il est très compliqué d’expliquer de la sorte. Ensuite, nous constatons qu’à chaque ouverture de magasin, les ventes en ligne augmentent dans un rayon de 20 km. Les magasins apportent de la confiance. On remarque d’ailleurs que ce point est plus important en Belgique qu’aux Pays-Bas. Une autre raison est le fait de permettre le paiement en cash ou en écochèques. Vient ensuite l’expérience. Pour certains produits, le fait de toucher et d’expérimenter est très important. Je pense, par exemple, aux télévisions, aux casques, aux smartphones, etc. Et puis enfin, vient le service après-vente. Quand le client a un problème avec un produit, il ne souhaite pas le renvoyer et attendre. Il peut venir directement en magasin.
Allez-vous donc ouvrir quelques magasins en Wallonie ? On évoque Liège…
Oui, nous allons ouvrir des magasins. Où et quand ? Aucune idée ! Nos projets ne sont pas encore tout à fait clairs. L’objectif premier, c’est la traduction de notre site.
Dans l’entretien qu’il nous accordait l’année dernière lors de l’ouverture de votre magasin de Zaventem, le directeur général et cofondateur de Coolblue, Pieter Zwart, déclarait : ” D’ici deux ans, 60 % des lave-linge seront vendues en ligne. ” Qu’en pensez-vous ?
C’est correct ! Une machine à laver, c’est tout blanc et tout moche. Ce qui compte, ce sont les caractéristiques. Et un site web peut vous donner ces caractéristiques. Si vous allez dans un magasin pour acheter une machine à laver, vous n’allez jamais l’emporter avec vous, ni l’essayer. Nous pouvons vous fournir beaucoup plus de choix qu’un magasin, et nous venons vous installer votre machine.
Certains affirment que la stratégie des pure players est de fidéliser les clients avec des prix bas pour ensuite les remonter…
J’ai entendu cette théorie, mais je pense que c’est impossible. D’une part, nous n’avons pas pour objectif d’avoir les prix les plus bas. Et de l’autre, il y aura toujours de la concurrence. Remonter ses prix ne passerait pas. En tout cas, il n’y a aucune stratégie de ce type chez Coolblue.
La Belgique est prise d’assaut par toute une série de pure players étrangers qui installent leur entrepôt juste au-delà de la frontière (aux Pays-Bas, en France, en Allemagne), ce qui leur permet de livrer très rapidement sans être soumis à notre législation sur le travail, encore assez rigide (coûts salariaux élevés, travail de nuit compliqué, etc.). Vous faites partie de ces gros acteurs qui vendent en Belgique sans y créer d’emplois ?
Si nous avons choisi d’implanter notre centre logistique à Tilburg, c’est uniquement parce qu’il s’agit d’une localisation idéale pour livrer à la fois les Pays-Bas et la Belgique en respectant notre promesse de rapidité. Par ailleurs, fin de l’année dernière, Coolblue comptait presque 200 collaborateurs en Belgique et je pense que nous serons presque 500 à terme (sur 2.700 collaborateurs au total). Nous avons un siège social en Belgique (à Wilrijk), et nous payons nos impôts en Belgique.
Créé en 1999 par trois étudiants de l’Université de Rotterdam qui désiraient vendre en ligne des lecteurs MP3, Coolblue est aujourd’hui un acteur non négligeable de l’e-commerce spécialisé dans les produits électroniques et l’électroménager, actif aux Pays-Bas et en Belgique. Toujours détenu majoritairement par ses trois fondateurs (le CEO actuel Pieter Zwart, Paul de Jong et Bart Kuijpers), le groupe a vu l’année dernière entrer dans son capital, à hauteur de 22 %, le fonds d’investissement néerlandais HAL (Pearle, GrandOptical). En 2016, son chiffre d’affaires s’élevait à 857 millions d’euros (+55 % par rapport à 2015), dont 252 millions réalisés chez nous (+36%). Son résultat net était de 8,9 millions d’euros, soit près de trois fois plus qu’en 2015, et Coolblue affichait un Ebitda de 19,3 millions d’euros (8,3 millions en 2015). Cette année, ses cofondateurs s’attendent à franchir la barre du milliard d’euros de chiffres d’affaires. Matthias De Clercq, son directeur général pour la Belgique, parle même de 1,2 milliard.
Un contexte néerlandais plus souple
Si ce pure player (distributeur qui ne vend que par Internet) vend aujourd’hui bien moins que de gros acteurs omnicanal – du type Vanden Borre (Fnac Darty) et Media Markt – ou que d’autres joueurs du Net comme Bol.com ou Amazon, il est leader aux Pays-Bas sur quelques catégories de produits, si l’on ne prend en compte que les ventes en ligne. En Belgique, outre ses trois magasins physiques (Zaventem, Anvers et Lochristi), le groupe, dont le siège social belge se trouve à Wilrijk, va bientôt ouvrir trois petits dépôts à Gand, Anvers et Liège pour assurer lui-même la livraison et l’installation à domicile du gros électro. Pour le moment, tous les produits sont préparés en interne depuis deux entrepôts situés aux Pays-Bas : l’un à Tilburg (88.000 m2), l’autre près de Rotterdam (8.000 m2). Ils sont livrés par Dynalogic, une filiale de bpost. Cette situation lui permet de bénéficier du contexte néerlandais plus souple, où les coûts salariaux sont moins élevés que chez nous et où le travail de nuit est autorisé. Ainsi, toute commande passée jusqu’à minuit est livrée gratuitement le lendemain (dimanche compris) et une livraison (payante) le jour même est possible.
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