Comment Monoprix se lance dans le commerce conversationnel
Filiale du groupe français Casino, Monoprix est la première enseigne européenne de grande distribution à se brancher sur Google Home, l’enceinte connectée du géant américain. Il est donc désormais possible d’y faire ses courses par la voix. Mais comment fonctionne ce système ? Et quelles sont ses limites ?
Le projet, en interne, a été baptisé ” Post-it “. ” Nous avions depuis longtemps la volonté de détrôner le Post-it collé sur le frigidaire, explique Pierre-Marie Desbazeille, directeur marketing client de Monoprix. Et nous avons trouvé ce qui allait le remplacer : la dictée ! ” La chaîne française de grande distribution (700 magasins de centre-ville dans l’Hexagone) a récemment noué un partenariat avec Google pour utiliser son enceinte connectée Google Home. ” Si Google fournit les algorithmes, nous avons dû travailler l’incarnation de la voix pour faire passer le ‘ton Monoprix’ “, explique le responsable. L’enseigne a travaillé avec l’agence Artefact, spécialisée dans les datas et l’intelligence artificielle.
Le commerce conversationnel signe la fin du choix, les résultats proposés correspondant aux marques ayant payé le plus pour être recommandées.
Pour le client, il suffit de s’exclamer ” OK Google. Parle avec Monoprix “, soit via son enceinte connectée Google Home, soit via l’Assistant Google de son smartphone. Il doit ensuite se connecter en dictant son numéro de carte de fidélité contenant tout l’historique de ses achats en ligne ou en magasin. ” Cela nous permet de faire des recommandations contextuelles en fonction des achats précédents “, précise Pierre-Marie Desbazeille. Il suffit ainsi de dire ” beurre ” pour que le client se voie proposer la marque et le format de beurre qu’il achète habituellement. Dans un premier temps, Monoprix s’en tiendra à l’historique des clients, mais l’enseigne devrait bientôt proposer le choix de trois produits de marques différentes ou complémentaires, ainsi que des suggestions en fonction des produits récemment ajoutés. Une fois la liste validée, il est cependant nécessaire de se rendre sur le site de la chaîne pour finaliser et régler son panier de courses. Plutôt cocasse…
Une tête de gondole permanente
Cette manière de faire ses courses pourrait-elle se généraliser ? ” Cela dépend des déploiements de l’assistant. On a une base de clients qui grossit mais doucement “, avouait récemment le président de Monoprix, Régis Schultz, au site d’information spécialisé L’Usine Digitale. Il faut dire que le shopping vocal comporte certaines limites. Alors que la transparence des prix est devenue la norme à l’heure du commerce en ligne, le commerce conversationnel, lui, réintroduit une bonne dose d’opacité. Comment, en tant que client, être certain que le produit proposé est le moins cher – ou en tout cas celui qui me convient le mieux ? Le commerce conversationnel signe donc la fin du choix, les résultats proposés correspondant aux marques ayant payé le plus pour être recommandées. Une tête de gondole permanente, en somme ! Sans compter que Monoprix pourrait être tentée de proposer ses marques propres, celles sur lesquelles la chaîne réalise les marges les plus juteuses… Certes, l’enseigne française affirme se baser sur l’historique des achats pour proposer des produits que les clients achètent habituellement. Mais dans ce cas, quelle place pour le changement ?
Au final, le shopping vocal semble interdire toute forme de complexité. Incapacité de comparer plusieurs articles, difficulté à commander un produit aux caractéristiques spécifiques (imaginez-vous commander vocalement du muesli chocolat/noisettes avec édulcorant provenant de la stévia), impossibilité de scruter les ingrédients de telle ou telle préparation, etc. Autant de freins qui font dire à certains observateurs que le commerce conversationnel ne pourra jamais s’affranchir totalement d’un écran. Contactée (vocalement) par nos soins, la responsable communication de Monoprix nous a répondu (par écrit) : ” Nous ne pouvons pas vous apporter plus de précisions, nous en sommes désolés “. Et là, nous sommes restés… sans voix.
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