Comment Medi Market, le supermarché de la pharmacie, se diversifie

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Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Après s’être attaqué au secteur pharmaceutique avec des prix cassés et s’être attiré les foudres de la profession, la chaîne de (para)pharmacies veut reproduire la même stratégie dans les soins esthétiques en ouvrant des instituts.

Le rouleau compresseur Medi Market poursuit sur sa lancée. Après s’être attaqué aux secteurs de la pharmacie et de la parapharmacie en imaginant un business model imparable lui permettant de jouer sur les volumes pour tasser les prix ( lire l’encadré ” La méthode Medi Market ” plus bas), celui qui ne cesse de répéter sa volonté de ” démocratiser l’expertise santé ” a décidé de pénétrer le marché des soins esthétiques. Le groupe belge créé en 2014 vient en effet de lancer la marque L’institut by Medi Market. Avec un premier centre à Waterloo, dans l’une de ses parapharmacies.

Travailler sur la masse de marge

Concrètement, l’entreprise a imaginé trois offres : ” épilation définitive au laser “, ” technologie & soin anti-âge “, et ” minceur et silhouette “. Pour ce faire, elle a recours à des technologies de pointe comme la cryolipolyse, la radiofréquence ou encore le cellulo-massage. Comptez au total un investissement d’environ 150.000 euros (machines et aménagement de l’emplacement) pour ouvrir un institut dans une parapharmacie.

” En créant un concept novateur de parapharmacie en Belgique, nous avons acquis un avantage con-currentiel, explique Yvan Verougstraete, CEO de la maison mère Medicare Market. Pour le conserver, nous augmentons le nombre de magasins et nous améliorons sans cesse le concept. Mais il y a toujours un risque que d’autres nous copient, c’est pourquoi nous nous disons aujourd’hui qu’il faut aussi diversifier notre activité. ” La stratégie du groupe est toujours la même : repérer les secteurs dans lesquels les marges pratiquées sont élevées et réduire ces dernières en jouant sur la masse. ” Les centres qui proposent la cryolipolyse, par exemple, travaillent avec des pourcentages de marge très élevés, affirme notre interlocuteur. Nous voulons reproduire ce que nous avons fait dans la pharmacie, où nous avons vu qu’il y avait moyen de créer un business model rentable en travaillant sur la masse de marge plutôt que sur le pourcentage de marge. Notre pari est donc de démocratiser ces soins esthétiques de qualité supérieure pour les rendre accessibles à plus de gens. Nous allons ainsi faire grandir la taille du marché et pouvoir amortir nos frais fixes – l’investissement dans les machines – grâce à un taux d’utilisation plus important. Maintenant, notre idée n’est pas non plus de gagner des millions d’euros sur un institut. Nous sommes vraiment sur une idée de chaîne. L’objectif est d’amortir nos frais de structure sur 10, 20, 30 instituts. ”

Yvan Verougstraete:
Yvan Verougstraete: “Il y a toujours un risque que d’autres nous copient.”© Gianni Camilleri

Former le personnel

A ce stade, le groupe ne s’est pas fixé un nombre d’instituts à atteindre. Son responsable préfère d’abord tester la rentabilité du concept dans un ou deux centres pour tirer quelques leçons et pouvoir adapter l’offre en ajoutant ou retirant certains services. Six autres emplacements sont toutefois déjà prêts. ” Quand nous construisons une nouvelle parapharmacie, nous prévoyons dorénavant un espace pour un institut “, explique le CEO, qui précise que ces centres pourront aussi fonctionner en stand alone. Comprenez : non accolés à une parapharmacie. Cela devra se traduire par des engagements supplémentaires car aujourd’hui, ce sont les collaborateurs de la parapharmacie qui gèrent aussi les rendez-vous à l’institut. ” Ce système nous permet de bénéficier d’une bonne flexibilité au niveau du personnel, affirme Yvan Verougstraete. Mais pour les instituts qui fonctionneront de manière indépendante, il faudra trouver d’autres manières d’occuper les collaborateurs de façon optimale. ” Pour l’heure, Medi Market a engagé un formateur, qui connaît bien les différentes machines et est donc chargé de l’apprentissage des autres collaborateurs. ” Nous veillons désormais à avoir dans nos magasins des personnes ayant déjà tenu un institut de soins “, précise le patron.

Une offre globale

Cette diversification va permettre à l’entreprise de fidéliser davantage les clients en leur apportant une expérience originale qui devrait lier la marque Medi Market à un vécu positif. L’ouverture d’instituts dans les parapharmacies est par ailleurs censée favoriser le cross selling (vente croisée). Enfin, l’entreprise s’engage dans une activité qui lui permet d’apporter une forte valeur ajoutée et surtout, qui n’est pas en compétition avec la vente en ligne. ” Nous ne sommes en concurrence qu’avec des acteurs physiques, relève Yvan Verougstraete. Nous avons des challengers différents pour chaque service proposé. Sur une partie, nous sommes en concurrence avec Planet Parfum et ses instituts de beauté, sur une autre, avec les cliniques d’esthétique, sur une autre encore, nous concurrençons le diététicien indépendant qui consulte à domicile ou l’esthéticienne qui propose des épilations, des manucures, etc. A l’heure actuelle, il n’y a pas vraiment d’approche organisée et structurée. C’est avec une offre globale que nous pensons apporter une valeur ajoutée. ”

Au suivant ?

Avec son offre de pharmacie, de parapharmacie, son institut de soins et ses ateliers (le groupe propose des séances d’information sur différents thèmes à domicile, sur le lieu de travail ou en magasin), Medi Market entend créer tout un écosystème autour de sa marque, avec pour objectif de faire grandir le marché pour mieux en profiter. C’est que l’appétit du groupe est insatiable. Après les (para) pharmaciens, les esthéticiens et les diététiciens, le discounter pourrait bien s’attaquer à d’autres métiers. ” Notre conviction, c’est qu’il y a moyen de démocratiser l’accès aux soins et à l’expertise santé de qualité, lance le CEO. C’est notre fil rouge, et il y a encore d’autres segments qui pourraient nous intéresser. Pourquoi pas, demain, des dentistes ou des opticiens by Medi Market ? ” Le rouleau compresseur n’a décidément pas fini d’avancer…

La méthode Medi Market

Dès sa création en 2014, le groupe belge Medicare Market s’attire les foudres des pharmaciens en raison d’un business model innovant en Belgique mais déjà largement développé à l’étranger : une vaste parapharmacie adossée à une pharmacie, deux entrées distinctes, une paroi vitrée en guise de séparation et la possibilité de passer de l’une à l’autre par l’intérieur. Pour l’entreprise, cette disposition revêt un double intérêt : la partie ” parapharmacie “

ne doit pas être sous la responsabilité d’un pharmacien (ce qui est le cas dans les pharmacies traditionnelles) et la publicité y est autorisée. Le groupe peut ainsi multiplier les références, jouer sur les volumes et casser les prix… y compris dans sa pharmacie, où il se targue de ne pas appliquer le prix maximum légal autorisé sur les médicaments non remboursés. L’Ordre des pharmaciens et l’Association pharmaceutique belge – ” un des cartels les mieux organisés de Belgique “, précise Yvan Verougstraete – attaqueront la chaîne en justice à plusieurs reprises, l’accusant tantôt de créer la confusion entre les deux zones, tantôt de ne pas fournir le même niveau de conseil. Ils seront à chaque fois déboutés.Pour la fin de cette année, Medi Market devrait compter 11 parapharmacies accolées à des pharmacies, 16 parapharmacies seules et six pharmacies seules. Le groupe a l’intention d’ouvrir 10 nouvelles parapharmacies en 2019. Une expansion qu’il réalise sur fonds propres et par endettement. L’entreprise dispose d’un capital de 10,8 millions d’euros, constitué au fil des levées de fonds souscrites depuis sa création par ses différents actionnaires. Plus de 90 % du capital est aujourd’hui détenu par cinq actionnaires : Imocobel (famille De Clercq), Jean-Marc Heynderickx (famille Louis Delhaize/groupe Cora), Jacques Hayez (Cassis, Paprika), la société d’investissement publique Nivelinvest et Yvan Verougstraete.

Les chiffres s’améliorent d’année en année. En 2017, le groupe réalisait un chiffre d’affaires de 46 millions d’euros avec un résultat net négatif de -151.000 euros. Mais avec un chiffre attendu de 80 millions d’euros cette année, il devrait passer dans le vert, avec un bénéfice net de près de 1 million d’euros. Idem du côté du cash-flow : en 2017, il est devenu positif pour la première fois, à 90.660 euros. ” Nous réaliserons un Rebitda ( cash-flow opérationnel récurrent, Ndlr) de 4 millions d’euros cette année “, précise le patron.

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