Comment Bleckmann réinvente la logistique de la mode et du e-commerce

BLECKMANN. Le prestataire de services logistiques table à nouveau sur une croissance du chiffre d’affaires de 10 à 15% pour 2025. © PG
Dirk Vandenberghe Journaliste freelance

En tant que spécialiste de la logistique pour la mode et le lifestyle, Bleckmann affiche de beaux chiffres de croissance. Cela s’explique par une stratégie dans laquelle l’entreprise réfléchit pleinement avec le client et propose elle-même des idées innovantes. L’accent a été mis ces dernières années sur la durabilité et le traitement des retours.

Si vous commandez en ligne un sac à main de DeMellier, il vous sera livré à domicile dans une magnifique boîte cadeau et un sac de transport avec un ruban, entièrement personnalisé. Depuis quelques semaines, ces sacs à main sont expédiés à partir du centre logistique de Bleckmann, à Rieme (Evergem), dans la zone portuaire de Gand, où une partie des 44.000 m² de l’entrepôt a été exclusivement aménagée pour le producteur britannique de sacs à main de luxe.

Un peu plus loin, les vêtements de Dries Van Noten sont expédiés vers des magasins, de Milan à Tokyo. Cela se fait à partir d’une zone fermée, accessible uniquement avec un badge spécial. L’envoi se fait en partie avec des cartons de déménagement spéciaux dans lesquels les vêtements peuvent rester suspendus sur cintres, afin que les robes et manteaux ne soient pas pliés.

Au rez-de-chaussée, c’est l’effervescence pour traiter les colis de retour des soldes d’été de la marque de vêtements de sport Gymshark.

Réflexion conjointe

La différence d’approche pour ces trois marques de mode illustre parfaitement ce que représente Bleckmann, explique Kurt Pierloot, CEO depuis 2019 du prestataire logistique spécialisé dans la mode et le lifestyle.

“Nous réfléchissons avec le client. Les processus logistiques de base sont tous les mêmes : vous recevez quelque chose, vous le stockez temporairement et vous le réexpédiez. Ce qui rend Bleckmann spécifique, c’est que nous plaçons le client au centre et développons une approche différente pour chacun d’entre eux, ce qui fait de nous une extension de la marque. Nous essayons de réfléchir à ce dont une entreprise de mode peut avoir besoin pour satisfaire ses clients. Pour certaines, c’est la rapidité : quelqu’un qui commande chez Gymshark avant minuit veut recevoir sa commande dès le lendemain. Mais pour d’autres, comme DeMellier ou Dries Van Noten, l’emballage avec un message personnalisé est plus important. Nous analysons pour l’entreprise quel impact cela a sur la logistique. Une marque fait appel à des services du soir et du week-end, tandis qu’une autre a besoin d’un bon emballeur.”

Actuellement, Bleckmann travaille à des solutions pour le marché américain, en organisant la distribution des marchandises directement aux États-Unis plutôt qu’en Europe. L’entreprise a également investi dans une jeune société, Global Bridge, qui permet à de petites marques européennes d’entrer immédiatement dans les grands magasins et les grandes plateformes de vente aux États-Unis. Elle a aussi aidé de nombreux acteurs européens à résoudre les problèmes de douane dus au Brexit.

“Les marques de mode sont des marques connues, mais ce ne sont pas toujours de grandes entreprises. Elles n’ont pas toujours l’expertise nécessaire pour gérer, par exemple, un problème de Brexit. C’est là que nous intervenons.”

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Procédures simples

Cette approche spécialisée a porté ses fruits ces dernières années pour Bleckmann, une filiale du groupe logistique turc Netlog Logistics. Le prestataire de services logistiques a connu une croissance constante de 10 à 15% et prévoit une croissance similaire du chiffre d’affaires pour 2025.

“L’objectif est de dépasser cette année les 700 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous y parvenons avec 1,4 million de mètres carrés d’espace de stockage, répartis sur une cinquantaine de sites, principalement en Belgique, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Espagne et aux États-Unis, et nous travaillons avec des partenaires externes en Norvège, en Australie et en Chine, explique Kurt Pierloot. Notre groupe compte 6.500 collaborateurs, mais lors des périodes de pointe comme le Black Friday, le personnel dans certains sites peut être multiplié par cinq. C’est aussi spécifique à la logistique de la mode : il faut être capable d’absorber ces pics.”

Pour ces pics de demande, il ne faut pas seulement disposer d’un espace de stockage suffisant. La formation du personnel est importante et représente un défi, afin de pouvoir traiter rapidement et efficacement cet afflux de commandes.

“Autour du Black Friday, le nombre d’employés à Evergem est multiplié par cinq. Ces intérimaires ne travaillent que quelques semaines. On ne peut donc pas prévoir pour eux une formation de deux semaines. Il faut donc veiller à ce que les procédures soient si simples et claires que les tâches puissent être apprises en quelques heures.” Dans un entrepôt de Bleckmann à Bergen-op-Zoom, aux Pays-Bas, des sessions de formation avec un casque de réalité virtuelle sont désormais organisées. Ce n’est pas encore le cas en Belgique.

“Autour du Black Friday, le personnel à Evergem est multiplié par cinq.”

Entrepôt circulaire

Bleckmann assure la logistique à la fois pour les magasins et pour le commerce en ligne. Cela inclut aussi tous les retours, tant des magasins que des particuliers. Le commerce en ligne est souvent critiqué pour son manque de durabilité. Mais là aussi, Bleckmann a beaucoup investi ces dernières années.

Ainsi, en 2022, elle a racheté la start-up américaine The Renewal Workshop, spécialisée dans la réparation de vêtements légèrement endommagés. Bleckmann a également investi dans des ateliers de réparation et le nettoyage des retours, par exemple par traitement à la vapeur ou à l’ozone. Grâce à cela, le nombre de retours définitivement perdus a été réduit à un minimum absolu : 2 à 3%.

Livraison à vélo ou en voiture électrique

“Nous réfléchissons avec le client dans de nombreux domaines, insiste Kurt Pierloot. Nous examinons par exemple si le dernier trajet de livraison peut se faire à vélo ou en voiture électrique, et pour une marque comme Gymshark, nous avons ouvert un centre logistique en Australie, car il est plus logique d’y opérer localement. Mais cela va plus loin. À Almelo, aux Pays-Bas, nous avons construit notre premier entrepôt circulaire. Certains clients considèrent un bâtiment circulaire comme un impératif. Dans notre portefeuille clients, nous avons des pionniers en matière de durabilité, comme Patagonia. Cela incite souvent d’autres clients à accorder plus d’attention à la durabilité. La mode ne sera jamais le secteur le plus écologique, mais on peut essayer de faire au mieux. Nous voulons accompagner nos clients dans cette démarche.”

Une prochaine étape consiste à réfléchir à un système logistique pour les plateformes de seconde main, mais le groupe travaille aussi à des “programmes de reprise”. En concentrant l’offre dans un entrepôt, cela pourrait se faire avec une empreinte écologique réduite. Bleckmann planche aussi sur des idées autour de la location de vêtements. “Avec de tels nouveaux développements, on touche un jeune public.”

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Pas de plainte

Malgré les embouteillages, la Belgique et les Pays-Bas restent d’excellents pays pour faire de la logistique, estime Kurt Pierloot. “D’accord, le trafic est dense, mais cet emplacement central, on ne nous l’enlèvera pas. Nous avons de grands ports et nous sommes situés entre les principaux marchés : l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni. C’est un atout énorme.”

“D’accord, le trafic est dense en Belgique et aux Pays-Bas, mais cet emplacement central, on ne nous l’enlèvera pas.” – KURT PIERLOOT, CEO de Bleckmann

Que la Belgique serait moins intéressante pour la logistique de l’e-commerce en raison des règles strictes sur le travail de nuit, il veut le relativiser. “Est-ce que cela pourrait être mieux ? Peut-être bien. Mais la législation allemande est bien plus stricte. Beaucoup de choses sont possibles chez nous, mais parfois, il faut coordonner les choses. Et la réglementation aux Pays-Bas et en Belgique s’est bien rapprochée ces dernières années. Je pense qu’ici, nous ne devons pas nous plaindre de la législation.”

Kurt Pierloot ne se plaint pas non plus d’une difficulté à trouver du personnel exprimée par certains acteurs du secteur. Même pour les pics du Black Friday, Bleckmann trouve toujours suffisamment de monde.

“Cela va mieux qu’il y a quatre ou cinq ans. Bien sûr, nous ne payons pas aussi bien que, disons, l’industrie chimique. Nous ne pouvons pas rivaliser avec les salaires. Mais nous prenons bien soin de notre personnel, et lors des enquêtes de satisfaction, nous obtenons toujours de bons scores. Les notes du personnel intérimaire sont parfois même plus élevées que celles de nos collaborateurs fixes. Peut-être parce qu’ils se rendent mieux compte que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Mais nous faisons des efforts. À Gand, nous affrétons des bus depuis la gare Saint-Pierre. La moitié de nos employés vient au travail en transports publics.

Respect pour chacun

Et avec 70 nationalités différentes, nous montrons du respect pour chacun. Une bonne communication claire aide à cela. Cela peut jouer en votre faveur. Avec autant d’origines différentes, il y a par exemple des gens qui ne veulent pas travailler pendant les fêtes religieuses, mais qui n’ont aucun problème à travailler à Noël. Il faut en parler. Ou encore, pensez à la période de jeûne du Ramadan, là aussi il faut bien communiquer. Tout tourne autour du respect, et nous voyons que les gens apprécient cela. Parfois, des semaines espagnoles, polonaises ou autres surgissent spontanément sur le lieu de travail.”

Par ailleurs, Bleckmann stimule l’initiative personnelle des collaborateurs, qui peuvent souvent proposer des solutions à toutes sortes de défis. “Et c’est aussi attirant de pouvoir dire que l’on travaille pour Karl Lagerfeld, COS ou Superdry, conclut Kurt Pierloot. Les gens se sentent alors impliqués dans une telle marque.”

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