“Cet été, les files étaient trop longues”: l’aéroport de Charleroi doit réinventer son modèle économique

Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Le nouveau CEO de l’aéroport de Charleroi, Christophe Segaert, préfère freiner l’activité horaire cet hiver pour éviter les files dans l’aérogare. Il estime qu’il faut réinventer le modèle économique de l’aéroport.

L’aéroport de Charleroi va-t-il sortir des séquences de saturation, de files de l’été et du printemps, victime de son succès, avec 10 millions de passagers par an ? Le nouveau CEO, Christophe Segaert, promet une amélioration progressive. Les périodes de forte affluence créent des moments très difficiles pour les passagers. « Cet été, il y a eu des moments où les files étaient trop longues, l’expérience passager n’a pas été ok », reconnaît-il, en particulier fin juillet. Il prenait la parole lors d’une conférence de presse, 100 jours après sa prise de fonction.

Pour éviter les files

Cet été, l‘aéroport a connu une affluence considérable avec une fréquentation record de 2,2 millions de passagers (+6 % vs 2024). « Nous avons déjà pris des initiatives à court terme, nous en prendrons à moyen et long terme. Nous devons, nous voulons améliorer l’expérience passager. Nous servons des compagnies low cost, mais nous n’avons pas l’ambition d’être un aéroport low cost. » Il continue toujours à recommander, par prudence, « de venir 3 heures à l’avance ».

Limiter le nombre d’avions par heure

Christophe Segaert, le nouveau CEO de l’aéroport de Charleroi

Christophe Segaert estime que le principal problème réside dans le PIF (Points d’Inspection Filtrage). La capacité des contrôles de sécurité constitue le goulot d’étranglement de l’aéroport favori de Ryanair en Belgique. Le problème sera structurellement réglé vers 2028, quand toute la zone sera reconstruite et agrandie.

En attendant, plusieurs mesures ont été prises pour éviter de gros embouteillages. « Après les longues files de juillet, nous avons pris la décision pour l’hiver de réduire le nombre d’avions par heure. » Cette mesure concerne surtout les moments de la journée où se concentrent les vols, « sur 4 périodes, qui concentrent 85 % des vols, mais en dehors il y a des heures creuses où il y a moyen d’ajouter des fréquences. Nous les proposons aux compagnies. »

Le prestataire des contrôles de sécurité, G4S, a donné son renom, un appel d’offres est en cours, avec l’objectif d’améliorer les opérations sur le site existant.

« Cet été, il y a eu des moments où les files étaient trop longues, l’expérience passager n’a pas été ok »

« Les deux tiers de l’équipe de direction n’étaient plus là »

Après la construction de la nouvelle zone de contrôle en 2028, l’aéroport travaillera à relier le Terminal 1 au petit Terminal 2 utilisé pour les pointes de trafic. Ce dernier peut se révéler fort inconfortable. Il n’est pas rare que les passagers y attendent assis par terre. Cette liaison permettra aussi de mettre en commun les commerces.

Christophe Segaert a pris sa fonction voici 100 jours dans une situation de crise. « Les deux tiers de l’équipe de direction n’étaient plus là », dit-il. Il a fallu recruter rapidement, parfois des managers intérimaires.

Il n’a aucune expérience dans l’aérien, comme il le reconnaît d’emblée, mais beaucoup de pratique managériale dans une série de secteurs comme les télécommunications chez Belgacom, chez VOO, la diversification stratégique chez Bpost, la sécurité chez SIRIS, dont il a été CEO, avec des défis opérationnels lourds, et une expertise analytique comme consultant chez Arthur D. Little. Il a donc analysé la situation de l’aéroport de Charleroi, cherché à diminuer la pile des sujets de tension avec les syndicats, qui ont été nombreux ces derniers temps. « Nous avons pris le temps de discuter, poser des questions. On m’a parlé de 37 problèmes, nous en avons résolu la moitié », a-t-il indiqué.

« Réinventer le modèle économique »

Christophe Segaert estime qu’il faut « réinventer le modèle économique » de l’aéroport, dans le contexte actuel de pression budgétaire. Le gouvernement wallon envisage de revoir les subsides versés pour la sûreté et les pompiers (32 millions d’euros). « Nous devons aussi voir comment va évoluer le modèle des compagnies low cost comme Ryanair, Pegasus, Wizzair », continue le nouveau CEO, surtout « si les taxes vont conduire à réduire le nombre d’avions basés ici ».

Il y a actuellement 18 avions basés à l’aéroport de Charleroi, et le CEO de Ryanair a gelé la croissance de ses activités en raison d’une hausse de la taxe d’embarquement (fédérale). Ryanair représente au moins 80 % du trafic à Charleroi. Le CEO n’a pas précisé comment il espère améliorer les recettes de l’aéroport, et n’a pas voulu faire de grandes promesses sur les nouvelles compagnies qu’il espère attirer, en particulier dans le long courrier. La piste de l’aéroport a été allongée en 2021 à cette fin, mais aucun long courrier ne l’utilise à ce jour. « Il y a des discussions, mais je ne mentionnerai aucun nom », dit-il. « Dans ce domaine, il y a des discussions constantes. »

Nous servons des compagnies low cost, mais nous n’avons pas l’ambition d’être un aéroport low cost.

« Nous ne sommes pas un aéroport low cost »

La tonalité des propos de Christophe Segaert sur tous les sujets manifestait une volonté d’humilité. Il n’annonce pas de plan spectaculaire, ne promet pas de grand retournement, mais des solutions concrètes. Le permis d’environnement récemment accordé limite de toutes manières les ambitions de croissance à 16,2 millions de passagers à l’horizon 2045, contre 10 millions actuellement. Il cherche en priorité à améliorer les aspects opérationnels pour transformer en réalité sa phrase mentionnée plus haut : « nous ne sommes pas un aéroport low cost. »

« Nous ne sommes pas un aéroport low cost. »

Christophe Segaert égrène les atouts de l’aéroport : son accessibilité aisée, y compris depuis Bruxelles ou Gand, ses 10.000 places de parking. « C’est un aéroport à taille humaine, on ne prend pas de bus pour rejoindre un avion, les bagages sont rapidement récupérés. »

Un aéroport « aux tarifs attractifs », tant pour les compagnies que pour les passagers. « C’est le troisième aéroport le plus important pour Ryanair, sur un total de 93 », glisse-t-il. Si l’aéroport dépend fort de Ryanair, l’inverse est aussi un peu vrai…

Le cadre stable du permis d’environnement, mais…

Enfin, « nous avons un cadre stable pour 20 ans, avec l’attribution du permis unique, le Masterplan peut être déroulé. » C’est-à-dire, notamment, les changements dans les bâtiments décrits plus haut, sur les zones de sécurité et la liaison entre les terminaux.

Le permis va faire l’objet de recours de communes voisines au Conseil d’État et d’une ASBL, Stop aux nuisances de l’aéroport de Charleroi. Si l’on en croit le sort des nouveaux permis des aéroports de Liège et de Zaventem, les risques d’annulation ne sont pas exclus. En Région wallonne, les autorités tendent à remettre un nouveau permis, jusqu’à la prochaine menace d’annulation, comme cela a été le cas plusieurs fois pour Liège Airport. Sans aucune conséquence pour l’exploitation de l’aéroport.

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