Brussels Airlines snobe-t-elle vraiment les travailleurs francophones ?
Selon le syndicat chrétien, Brussels Airlines voudrait évincer son représentant des réunions, et avec lui les francophones. Selon la compagnie, la décision ne correspond pas à cela, mais il s’agit d’un retour à l’équilibre entre les trois syndicats. Que se passe-t-il ?
Bisbrouille entre la CNE, aile et entité francophone du syndicat chrétien AVC-CSC, et la compagnie aérienne Brussels Airlines. Cette première a reçu un courrier recommandé ce mardi, qui lui signalerait qu’il ne pourrait plus être représenté par un permanent syndical au sein de l’entreprise, car elle est située en Flandre, rapporte La Libre Belgique. Réaction du syndicat, dans les pages de nos confrères : une décision “scandaleuse et illégale” qui créerait un dangereux précédent. “Le message est clair : les francophones ne sont plus les bienvenus”, en déduit-il. Mais il y a un mais.
“Équilibre entre les représentants”
Ce n’est pas cela qui a été décidé, nous explique la compagnie aérienne. En fait, il y a trois syndicats actifs au sein de l’entreprise : les libéraux (ACLVB, ou CGSLB en français), les socialistes (BBTK, pendant de la FGTB) et les chrétiens (AVC-CSC). Mais seuls ces derniers ont deux représentants nationaux, un néerlandophone et un francophone. Pour les deux autres syndicats, il y a, pour chacun, une seule personne permanente, qui représente autant les néerlandophones que les francophones. “Il y a un déséquilibre, et nous voulons rétablir l’équilibre, avec un nombre égal de représentants par syndicat”, nous indique-t-on.
Notons d’abord ce qu’est un représentant permanent, aussi appelé “national”, ou “secrétaire”. Il s’agit d’une personne envoyée par la centrale du syndicat, qui peut accompagner les employés et délégués syndicaux présents dans l’entreprise même (délégués qui sont des travailleurs élus lors des élections sociales, qui se tiennent en ce moment dans les entreprises), lors de réunions avec la direction, par exemple.
Pour ces discussions officielles, la compagnie n’invitera donc désormais plus qu’un des deux représentants chrétiens. “La lettre a été envoyée aux deux, et libre à eux de choisir qui ils souhaitent désigner pour participer aux réunions. Comme nous sommes situés en Flandre, nous supposons que ce sera la représentante de l’AVC. Mais c’est leur décision”, nuance-t-elle.
Elle répond aussi aux critiques selon lesquelles les francophones ne seraient pas les bienvenus : “Lors des élections sociales, des candidats francophones et néerlandophones de tous les syndicats peuvent être élus. Il est tout à fait naturel que le respect de toutes les communautés linguistiques est et reste la base de notre culture d’entreprise chez Brussels Airlines.”
“Pas à eux de choisir”
Didier Lebbe, le représentant de la CNE en question, nous explique que c’est la première fois que cela lui arrive, qu’un représentant est écarté “sur base de critères linguistiques”. A notre question sur le choix qui est laissé au syndicat chrétien, il nous répond que ce n’est pas aux entreprises de choisir le nombre de représentants, mais aux travailleurs et aux déléguées syndicaux qui veulent se faire accompagner, et qu’une telle mise à l’écart ne se ferait nulle part ailleurs. Le bras de fer entre l’entreprise et le syndicat semble donc dores et déjà engagé.
Il nous rappelle que par le passé déjà, Brussels Airlines avait essayé de l’écarter des réunions, mais qu’il avait fait pression pour garder cette place de représentant au sein des discussions. Il estime qu’un mouvement social, initié en mars par les deux pendants du syndicat chrétien seulement, aurait fait revenir Brussels Airlines à la charge. Pour la compagnie, ce serait, comme dit plus haut et comme écrit dans la lettre que nous avons pu consulter, une question de retour à l’équilibre, à l’occasion des élections sociales et maintenant que les crises sanitaire et énergétique sont derrière nous.
Illégal ?
Brussels Airlines balaie les critiques sur l’illégalité de la décision : elle en a “vérifié et doublement contre-vérifié” la teneur juridique avec ses avocats. Le syndicaliste revient sur ses déclarations dans la Libre : pour une telle mise à l’écart, “il n’y a pas de loi, mais elle est contraire à une pratique qui a toujours existé, depuis plus de 100 ans”. Brussels Airlines ne serait donc pas dans l’illégalité en demandant qu’un seul représentant participe, mais ne pourrait pas non plus empêcher le représentant de s’y présenter, si on suit son chemin de pensée.
Qui a raison et qui gagnera le bras de fer ? L’avenir nous dira la suite de l’affaire.
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