BMW se réinvente avec la “Neue Klasse” électrique

Le nouveau BMW iX3 promet une autonomie de 805 kilomètres (norme officielle WLTP), soit plus de 300 kilomètres en plus que l’iX3 actuelle. © PG
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Le constructeur bavarois, populaire en Belgique, déploie une troisième génération de voitures électriques, avec une autonomie de 805 kilomètres. Objectif : séduire les clients attachés aux moteurs à carburant, mieux rivaliser avec Tesla et contrer la concurrence chinoise.

Dans la difficile course à l’électrification, BMW est plutôt bien placé parmi les constructeurs européens. Le groupe sort sa troisième génération de voitures à batteries, basée sur une nouvelle plateforme : la “Neue Klasse”. Le premier représentant de cette gamme est un SUV moyen, le BMW iX3, qui promet une autonomie de 805 kilomètres (norme officielle WLTP), soit plus de 300 kilomètres en plus que l’iX3 actuelle. En 10 minutes, ce véhicule peut gagner 350 kilomètres d’autonomie. Il sera présenté officiellement au Salon IAA de Munich, qui se tient en septembre.

“Nous avons 109 ans, et c’est de loin le plus gros investissement dans une architecture que nous ayons jamais réalisé”, a déclaré le PDG du groupe BMW, Oliver Zipse, à Bloomberg. Il précise que plus de 10 milliards d’euros ont été dépensés, rien qu’en 2024, dans cette plateforme. Les marges dégagées par le constructeur lui permettent de se lancer dans un tel projet.

“C’est une réinvention de la marque”

Le pari est d’importance, confirme Philippe Houchois, managing director et analyste du secteur auto chez Jeffries, à Londres. “BMW entre dans une phase très software, un peu comme chez Mercedes, avec une plateforme digitale qui s’approche du niveau de celles de Tesla et des constructeurs chinois. C’est aussi une réinvention de la marque, pour rendre le produit compétitif dans le monde entier.” Les autos “Neue Klasse” seront produites en Europe, aux États-Unis et en Chine.

Cette digitalisation avancée se matérialise par un nouveau tableau de bord avec un écran central et un affichage en forme de ruban sur toute la largeur du bas du pare-brise. Il n’y aura donc plus aucune allusion, même numérique, aux cadrans ronds et aux aiguilles auxquels la marque a si longtemps été attachée.

Le terme “Neue Klasse” renvoie à une génération de voitures qui a sorti la marque bavaroise de ses difficultés dans les années soixante, et créé l’image sportive et premium consolidée au fil des années.

La production de la BMW iX3 démarre en Hongrie. Le tarif de la première version commercialisée, la 50 xDrive, avec une motorisation aux quatres roues de 469 cv, devrait dépasser les 68.000 euros. Bien plus que la Tesla Model Y la plus chère (62.990 euros), à 462 cv, récemment annoncée, qui affiche 580 kilomètres d’autonomie.

“BMW a 109 ans, et c’est de loin le plus gros investissement dans une architecture que nous ayons jamais réalisé.” – Oliver Zipse, CEO de BMW Group

Une annonce contradictoire

Cette annonce peut paraître contradictoire avec le lobbying intense mené par plusieurs constructeurs européens, BMW et Mercedes en tête, remettant en cause l’échéance de 2035 sur la fin de la vente de voitures à carburant. Mais cela ne signifie nullement un abandon de l’électrique, que du contraire. Tous se livrent à une vive concurrence pour sortir de nouvelles générations avec de plus grandes autonomies, afin de séduire les clients et offrir une meilleure rentabilité pour convaincre les actionnaires.

Mercedes a ouvert le feu au printemps dernier avec le coupé quatre portes CLA basé sur une nouvelle plateforme électrique, MMA, avec une autonomie jusqu’à 775 kilomètres et une recharge très rapide (328 kilomètres gagnés en 10 minutes). Le groupe VW travaille sur une nouvelle plateforme électrique, SSP, pour améliorer les performances des marques du groupe. Elle est attendue pour 2028 au plus tôt. Sans parler des Chinois : BYD promet une nouvelle génération de véhicules gagnant 400 kilomètres d’autonomie en quatre minutes.

La “Neue Klasse” vise à inverser la tendance sur le marché chinois, très important pour BMW, où le groupe a perdu 15% de ses ventes au premier semestre 2025.

Globalement, BMW connaît toutefois une bonne croissance de ses ventes d’autos électriques, avec 426.536 livraisons en 2024 (+ 13,5%), que les nouveaux modèles pourraient maintenir ou améliorer.

Une quarantaine de modèles en perspective

Annoncée en 2020, la plateforme “Neue Klasse” constitue la base de nombreux futurs modèles, dont l’iX3 est la première déclinaison. Une plateforme est en quelque sorte le châssis physique et numérique d’une voiture, ce qui ne se voit pas (train moteur, logiciels, transmission…). Une plateforme est déclinée en multiples modèles, avec des variations (puissance, deux ou quatre roues motrices). La “Neue Klasse” sera déclinée en une quarantaine de modèles, dont une nouvelle Série 3 pour 2026. D’autres marques du groupe pourraient aussi l’utiliser (MINI, Rolls Royce). La Belgique est particulièrement concernée, BMW y était la première marque du marché.

Pour la clientèle, la “Neue Klasse” se manifestera surtout par le design des véhicules, plus net, sans chrome, avec une face avant qui sera formée par des Led. “C’est une nouvelle signature, reconnaissable de jour comme de nuit, indique Anders Warming, head of advanced design de BMW. Nous n’avons pas voulu faire du rétro design, la ligne doit montrer l’avenir. C’est une signature nouvelle, plus clean.” Cette dernière est en partie dictée par l’impératif de l’aérodynamisme, qui n’est pas évident pour un SUV.

L’essentiel est invisible pour le conducteur. D’abord, il s’agit d’une plateforme purement électrique. Elle ne pourra pas accepter une motorisation à carburant. Cela permet d’optimiser le véhicule, d’en agrandir l’espace pour les passagers.

BMW avait commencé son aventure dans la voiture électrique, en 2013, avec une compacte, l’I3. Sa plateforme purement électrique était très innovante. Son succès relatif a poussé le groupe à la prudence pour la seconde génération électrique. Elle a été développée sur une plateforme multi-énergie, CLAR, un compromis pour sortir à la fois des électriques raisonnablement performantes et des autos à carburant, comme l’actuelle Série 4 (carburant) et l’i4, des coupés 4 portes.

Le défi de la rentabilité

Aujourd’hui, BMW estime avoir suffisamment de volume de ventes en perspective pour tenter une plateforme purement électrique, plus performante et potentiellement plus rentable. “BMW a l’avantage d’arriver à sa troisième génération d’électriques, dit Philippe Houchois. Le constructeur a appris à gérer les pertes que subissent certains concurrents qui en sont à la première ou deuxième génération.”

Toujours pragmatique, BMW continuera, au moins pendant 10 ans, à proposer de nouveaux modèles à carburant, pour suivre la demande. La future Série 3 sortira en électrique sur la base “Neue Klasse”, avec un moteur à carburant sur la base CLAR, et sans doute aussi la X3.

Les modèles “Neue Klasse” s’articulent autour de trois technologies : la batterie, la motorisation et la digitalisation de la voiture. Pour les batteries, BMW développe en interne, depuis 2008, ses éléments de base, les cellules. La génération développée pour la “Neue Klasse” se présente sous forme de cylindres, comme de grosses piles, dont la production est sous-traitée. L’automobiliste ne les verra jamais. Ils sont serrés dans un boîtier très plat sous le plancher.

“Nous avons pu améliorer de 20% la densité énergétique des cellules pour arriver à une autonomie de 805 kilomètres”, avance Peter Müller, vice-president product management “Neue Klasse”. En effet, la batterie de 800 volts accepte des vitesses de recharge parmi les plus élevées sur le marché, avec un pic de 400 kW. “Elle passe de 10% à 80% de batterie en 21 minutes, ce qui représente un gain de 560 kilomètres d’autonomie.”

Annoncée en 2020, la plateforme “Neue Klasse” constitue la base de nombreux futurs modèles. © PG

Pas de terres rares

Les moteurs sont produits en Autriche, chez Steyr, dans une usine où le groupe a investi 1 milliard d’euros. Contrairement à beaucoup de voitures électriques, ils n’utilisent pas d’aimants permanents, ce qui évite le recours à des terres rares. Et c’est une décision habile dans le contexte des bisbilles entre la Chine, grand fournisseur de terres rares, et les États-Unis, marché important pour BMW.

Cette nouvelle motorisation et l’électronique de puissance associée dégagent un gain de 10% de poids et, surtout, une réduction de 40% des pertes d’énergie.

La marque bavaroise a aussi beaucoup travaillé sur la partie logicielle, élément clé pour former l’expérience de conduite. Elle est basée sur quatre ordinateurs, avec des noms particuliers. Tel “Heart of Joy” (le coeur de la joie), un serveur qui fera tourner un logiciel gérant la dynamique de la voiture, de l’accélération au freinage. BMW promet même un soft stop, “le freinage le plus doux de l’histoire de BMW”.

Charge bidirectionnelle et pop-corn

La nouvelle génération de BMW électrique pourra servir… à cuire du pop-corn ! C’est la démonstration faite devant les journalistes invités à découvrir le nouveau BMW iX3, sur la plateforme “Neue Klasse”, à Munich, en juillet dernier.

Elle accepte la charge bidirectionnelle, pour servir de batterie pour la maison, pour stocker l’électricité de panneaux solaires et la restituer le soir. Ou pour la vendre, aux heures de pointe, au réseau public, si ce dernier est organisé pour le faire, afin de limiter le pic de consommation. BMW travaille là dessus avec E.ON, “l’Engie allemand”. En Belgique, cela viendra un jour.

La batterie peut aussi alimenter un appareil électrique, comme une machine à pop-corn (ou la batterie d’un vélo électrique). Notons que cette fonctionnalité bidirectionnelle est déjà proposée par d’autres constructeurs, comme Renault pour les R4 et les R5.

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