BeInfluence Europe: “On veut devenir la meilleure agence d’influence du monde”

​​​​​​​L’agence d’influence indépendante a raflé cinq trophées en juillet dernier lors des Global Influencer Marketing Awards à Londres. © PG
Frederic Brebant
Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances 

Fondée à Bruxelles juste avant la crise sanitaire, BeInfluence Europe s’est déjà installée à Paris et Genève pour mieux conquérir le marché européen, avant d’attaquer les États-Unis. Portrait d’une agence singulière spécialisée dans le marketing d’influence et qui voit grand, très grand.

Un peu de chance, beaucoup de bluff, mais surtout énormément de travail. Voilà la formule gagnante de BeInfluence Europe aux prémices de son existence. Nous sommes en 2017. Officiellement, la start-up bruxelloise n’existe pas encore, mais ses trois fondateurs lancent une première mouture de ce qui deviendra, deux ans plus tard, leur agence spécialisée dans le marketing d’influence.

Thomas Angerer, Boris Kaisin et Quentin Mayne sont alors étudiants à la Solvay Brussels School of Economics and Management. Ils rêvent déjà d’être entrepreneurs : “Nous étions en master et, au départ, nous voulions lancer une start-up assez classique avec une app ou une plateforme techno, se souvient Thomas Angerer. Mais comme aucun de nous trois ne savait coder, nous sommes partis sur une autre piste. On aimait bien le cours de marketing et on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire sur les réseaux sociaux car, comme d’autres jeunes, les pubs traditionnelles ne nous impactaient plus vraiment.”

À l’époque, les trois étudiants de Solvay ne connaissent rien au monde de l’influence marketing, mais ils commencent tout doucement à explorer le sujet. Leur futur business model part d’un constat très simple : tout le monde connaît les célébrités sur Facebook, YouTube ou encore Instagram, mais leur fait-on réellement confiance ? “George Clooney peut nous certifier que Nespresso, c’est trop bien, détaille Thomas Angerer, mais est-ce qu’il en boit vraiment au quotidien ? On peut légitimement se demander s’il aime ce café ou s’il fait juste de la pub. En revanche, si mon cousin, ma collègue ou un de mes amis m’annonce que le nouvel arôme Nespresso est vraiment incroyable, là, je vais le croire.”

L’étincelle MSF

Partant de l’idée qu’il n’y a rien de tel que le bouche à oreille pour vendre un produit et que cette proximité naturelle avec de vrais ambassadeurs peut être facilement amplifiée sur les réseaux sociaux, les trois comparses développent alors un concept marketing autour des nano-influenceurs dont la communauté, très engagée, gravite généralement entre 1.000 et 3.000 abonnés.

“En 2017, on a fait une présentation de 20 slides horribles qu’on a envoyée très naïvement aux 50 plus gros annonceurs de Belgique pour exposer notre idée, sourit Thomas Angerer. Résultat : 50 non-réponses (rires) ! Aucun d’entre eux n’a pris le temps de nous écrire.”

Désespérés, les fondateurs de la future BeInfluence Europe tentent malgré tout un 51e et dernier envoi en s’adressant cette fois à une ONG, Médecins Sans Frontières, qui leur fixe rendez-vous. Les Solvay boys débarquent en costume-cravate pour vendre leur concept et, à leur grande surprise, reçoivent une enveloppe de 3.000 euros pour compléter une campagne 360° de MSF avec du social media.

“Pour nous, la somme était indécente, car on ne connaissait rien au monde de l’influence, s’amuse Thomas Angerer. On a donc activé 100 ‘influenceurs’ qui étaient en réalité nos potes, et puis les potes de nos potes à qui on a demandé de publier un message de sensibilisation sur Facebook en échange d’un billet de 5 euros !”

Et premier succès

Contre toute attente, la sauce prend. Cette première campagne pour MSF est un joli succès et l’ONG se dit surtout ravie du retour sur investissement. Le bluff a fonctionné et le trio de jeunes entrepreneurs en remet une couche avec, cette fois, la Commission européenne dans le viseur.

“On s’est présenté avec un melon énorme, comme étant l’agence d’influence de MSF et on est tombé pile au bon moment, se souvient Thomas Angerer. À l’été 2017, la Commission voulait faire une campagne à l’attention des jeunes, dans six pays, et on a évidemment répondu qu’on était dans la cible et que l’on avait les bons relais en Europe, alors qu’on ne connaissait personne ! On a décroché le budget qui était de 15.000 euros – pour nous, c’était 15.000 bières (rires) ! – et on a bossé comme des dingues pour trouver et activer tous ces nano-influenceurs dans les six pays visés. Au final, la campagne a cartonné et cela nous a ouvert de nouvelles portes.”

La flamme Carrefour

Petit à petit, les trois étudiants maîtrisent les codes des réseaux sociaux et ajoutent de nouveaux clients à leur modeste portefeuille. Normal : les influenceurs sont dans l’air du temps et les marques commencent à s’y intéresser sérieusement. Brussels Beer Project, DriveNow (BMW) ou encore la Commission des jeux de hasard confient leurs campagnes digitales aux Solvay boys qui, diplôme en poche, décident de lancer officiellement leur société BeInfluence Europe à l’automne 2019.

Quentin Mayne a entre-temps quitté le projet, mais Thomas Angerer et Boris Kaisin y croient dur comme fer, d’autant plus qu’un premier “gros client” les contacte pour un appel d’offres conséquent. “Carrefour Belgique était à la recherche de sa première agence d’influence, explique le duo. C’était hyper challengeant parce qu’il y avait de vrais objectifs avec un budget de 150.000 euros par an à la clé. On n’avait jamais répondu à un appel d’offres, mais on a bossé à fond et on a remporté le contrat. C’est ce qui nous a vraiment lancés.”

La success story de BeInfluence Europe est enclenchée. Grâce à ce budget, les cofondateurs engagent leur premier employé et se font doucement un nom dans le monde de l’influence marketing. D’autres annonceurs approchent la jeune agence et, forte de sa bonne réputation, BeInfluence Europe élargit son vivier d’influenceurs. “On a commencé à monter en gamme dans la pyramide de l’influence, renchérit Thomas Angerer devenu chief creative officer (CCO) de la société. Aux nano-influenceurs, se sont ajoutés les micro-influenceurs dont l’audience dépasse les 10.000 abonnés. Cela nous a permis de mieux adapter les campagnes aux objectifs des clients, avec le choix plus large de privilégier tel public cible sur telle plateforme à travers tel créateur ou telle créatrice de contenu.”

Toujours plus haut

Funeste, la pandémie de coronavirus va paradoxalement accélérer le développement de l’agence bruxelloise durant les années 2020 et 2021. Les annonceurs déboussolés n’ont d’autre choix que de séduire, par écrans interposés, des consommateurs confinés et, par la force des choses, de plus en plus connectés aux réseaux sociaux.

Les influenceurs montent encore en puissance et les agences qui leur servent de relais publicitaire ne cessent d’engranger des budgets. À la fin de l’année 2020, BeInfluence Europe compte déjà huit employés pour un chiffre d’affaires de 260.000 euros. Les clients affluent et la croissance s’accélère encore en 2021 avec 1,2 million de revenus et 16 personnes dans l’équipe.

La pandémie de coronavirus va paradoxalement accélérer le développement de l’agence bruxelloise.

Le chiffre d’affaires ne cesse de grimper

Forts de leur succès, les deux cofondateurs décident de s’attaquer au marché français. À l’aube de l’année 2022, ils ouvrent un bureau à Paris où Thomas Angerer s’installe pour piloter le développement de l’agence sur ce nouveau territoire. Les marques répondent à l’appel et, au fil des ans, plusieurs grandes marques signent avec BeInfluence Europe : Peugeot, Givenchy, Amazon, Pernod Ricard, Bouygues Telecom, BNP Paribas, Decathlon, Waze, Carrefour France, mais aussi des institutions de prestige comme, à nouveau, la Commission européenne, l’Unicef, le WWF ou encore les gouvernements belge et français pour leurs campagnes digitales.

Le chiffre d’affaires s’en ressent et ne cesse de grimper : 2,6 millions en 2022, plus de 4 millions en 2023, quasi 6,5 millions en 2024… “Cette année, on va terminer à 14 millions d’euros de chiffre d’affaires avec plus de 60 personnes dans l’équipe, se réjouit le jeune CCO. Mais on vise beaucoup plus haut. L’objectif est d’atteindre les 150 millions d’euros d’ici 2030. Nous sommes extrêmement ambitieux et c’est vraiment ce qui nous caractérise. On veut devenir la meilleure agence d’influence du monde.”

Thomas Angerer, cofondateur de BeInfluence Europe: “On va terminer l’année à 14 millions d’euros de chiffre d’affaires avec plus de 60 personnes dans l’équipe.” © PG

2.000 campagnes, 20.000 créateurs

Après Paris, l’agence bruxelloise vient d’ouvrir une nouvelle antenne à Genève il y a quelques mois à peine et s’intéresse à présent à d’autres marchés. “On regarde l’Espagne, l’Allemagne, l’Angleterre et les Pays-Bas bien sûr, avec l’objectif très sérieux de s’intéresser aux États-Unis dans quelques années, poursuit Thomas Angerer. Les States, c’est un peu l’Everest pour toute entreprise européenne !”

En six ans, BeInfluence Europe a déjà piloté plus de 2.000 campagnes dans 35 pays pour une centaine de clients en s’appuyant sur un réseau de 20.000 créateurs de contenu. Sa “pyramide de l’influence” s’est encore étoffée car au-delà des nano et micro-influenceurs qui constituent toujours sa base, l’agence s’est enrichie de plusieurs influenceurs stars qui comptent des millions d’abonnés sur TikTok, Instagram et autre YouTube.

BeInfluence Europe a déjà piloté plus de 2.000 campagnes dans 35 pays pour une centaine de clients.

Aujourd’hui, BeInfluence Europe ne se contente plus de servir uniquement de relais stratégique entre les marques et ces créateurs de contenu pour le déploiement de campagnes ciblées. L’entreprise a aussi développé tout un département dédié à la représentation exclusive de talents en Belgique. Dans son écurie, elle accompagne désormais une trentaine d’influenceurs renommés pour défendre leurs intérêts, gérer leurs contrats et les accompagner au mieux dans de nouveaux projets, à l’instar des grands athlètes ou d’artistes reconnus. Parmi eux, Shauna Dewit (5 millions de fans sur Instagram), Sami2bx (3 millions de followers sur TikTok) ou encore Dylhan Fat (près d’un million d’abonnés sur YouTube).

Acquisition et trophées

En plein développement, BeInfluence Europe s’est déjà hissée deux années de suite, en 2024 et 2025, sur le podium des agences d’influence à la plus forte croissance en Europe, selon le classement du prestigieux Financial Times. Et ce n’est pas fini. Le mois dernier, l’entreprise bruxelloise a surpris le monde des agences créatives en absorbant sa principale concurrente Stellar Lab, elle aussi active sur les marchés belge et français. Une acquisition stratégique qui place désormais BeInfluence Europe dans les starting-blocks pour la course au titre du futur géant européen du marketing d’influence.

L’ambition est légitime, d’autant plus que l’agence belge multiplie les récompenses et ne cesse d’attirer les regards des grands groupes de communication. Cette année, BeInfluence Europe est en effet devenue l’agence d’influence indépendante la plus primée au monde lors des Global Influencer Marketing Awards qui se sont tenus à Londres en juillet dernier, avec deux trophées Gold et trois Silver à la clé. Mais surtout, elle a été la toute première agence d’influence européenne de l’histoire à remporter, en mai, une récompense aux prestigieux D&AD Awards qui sont à la créativité publicitaire ce que les Oscars sont au cinéma. Le point commun de ces prix très convoités ? Une campagne audacieuse et innovante pour Amazon Belgique baptisée Money can’t buy experiences. Cette fois, pas de bluff, ni de chance, mais toujours énormément de travail.

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