L’impact de l’intelligence artificielle (IA) reste limité dans le secteur technologique belge et dans l’industrie manufacturière. C’est ce qui ressort d’une étude de la fédération sectorielle Agoria. Cependant, une entreprise sur sept constate déjà un effet positif sur son chiffre d’affaires. “En raison du climat économique incertain, les entreprises investissent trop peu”, déplore le CEO d’Agoria, Bart Steukers.
Le moteur de l’investissement cale dans les entreprises manufacturières et technologiques. Le nombre d’investissements dans les sociétés technologiques belges a reculé de 9,9 % au premier semestre 2025, notamment en matière de recherche et développement ou de personnel. Dans l’ensemble de l’économie belge, la baisse atteint 1,9 %. C’est la première fois depuis l’année du Covid (2020) que les investissements diminuent dans la tech belge, souligne Bart Steukers.
“Ce n’est pas sain pour le secteur technologique que le niveau d’investissement baisse, et certainement pas à ce point. C’est un signal d’alarme. Cela montre que les entreprises se sentent incertaines. Les coûts de l’énergie et des salaires élevés, la perte de compétitivité des entreprises belges et les droits de douane américains y contribuent.”
Trop peu d’investissements dans l’IA
L’étude d’Agoria s’inscrit dans son baromètre conjoncturel annuel, qui évalue la santé du secteur technologique et manufacturier. Cette année, l’accent a été mis sur les effets du développement de l’IA. La fédération a interrogé 400 dirigeants sur l’impact éventuel de leurs investissements en IA sur leur chiffre d’affaires. Il s’agit ici d’investissements structurels (fonctions alimentées par l’IA), et non de simples abonnements à des outils comme ChatGPT.
Actuellement, seules une entreprise sur cinq intègrent l’IA de manière structurelle dans leur fonctionnement. Cela s’explique par le climat d’investissement, mais aussi par un manque de connaissances et de compétences : 57 % des dirigeants le reconnaissent. Conséquence : peu d’entreprises belges profitent déjà d’un gain de productivité lié à l’IA. Seule une sur sept attribue une hausse de chiffre d’affaires à son usage.
“Les entreprises belges investissent trop peu dans l’IA, mais celles qui le font en sont déjà récompensées”, observe Steukers. “Nos entreprises ont besoin d’un coup de pouce : une stratégie nationale cohérente en matière d’IA, davantage d’investissements publics dans les infrastructures et dans la collaboration avec le privé. L’enseignement et les entreprises doivent aussi élever le niveau de compétences de la population. Enfin, il faut aider nos scale-ups à lever des fonds pour éviter qu’elles ne quittent l’Europe.”
Selon Agoria, les entreprises ont investi l’an dernier 160 millions d’euros dans l’intégration de l’IA — soit à peine 3 % de leurs investissements totaux.
Une déduction fiscale pour l’IA ?
Agoria plaide aussi pour une déduction fiscale en faveur des entreprises investissant dans l’IA. Une proposition qui tombe alors que le gouvernement fédéral cherche à réaliser des économies budgétaires, notamment via une réduction des aides aux entreprises. Agoria s’y oppose, compte tenu du climat entrepreneurial difficile.
“Il est inquiétant que l’IA ait encore si peu d’effet positif sur le chiffre d’affaires. Dans le contexte actuel, il faut absolument investir dans ce domaine, car cela bénéficie à l’ensemble de l’économie.”
Impact sur l’emploi
L’effet de l’IA sur l’emploi reste pour l’instant limité : 90 % des entreprises interrogées ne constatent aucun changement. Agoria note toutefois que 3 % des pertes d’emplois dans les entreprises logicielles sont dues à l’IA.
Au total, 6.550 emplois ont été supprimés en 2024 dans l’industrie manufacturière et 2.350 dans le secteur technologique.
“À long terme, l’IA aura un effet positif sur l’emploi : pour chaque poste supprimé, davantage de nouveaux seront créés, comme le montrent les études internationales. Mais la nature des emplois va changer, et il faut s’y préparer. C’est une responsabilité partagée entre l’État et les entreprises.”
Le baromètre conjoncturel révèle aussi une nette diminution du nombre de postes vacants : 13.860 au premier semestre 2025 contre 15.000 un an plus tôt.
“Cela peut sembler positif à première vue, mais ça ne l’est pas. Cela reflète les difficultés économiques actuelles, qui poussent les entreprises à freiner les recrutements.”
Audi Brussels et BelGaN
Agoria s’attend à une baisse de 0,5 % de l’activité économique du secteur technologique au premier semestre. Les plus fortes chutes concernent les fabricants de véhicules (-8,5 %) et de composants électroniques (-6 %). Ces reculs s’expliquent principalement par la fermeture d’Audi Brussels et la faillite du fabricant de puces BelGaN.
La fédération estime toutefois que les principales restructurations sont désormais derrière nous. Les carnets de commandes ont même progressé de 1,3 % au premier semestre 2025, après une baisse de 4,7 % un an plus tôt.
“Sur ce plan, le pire semble passé”, conclut Bart Steukers.