Les facteurs danois n’apporteront bientôt plus de lettres. PostNord, l’opérateur postal public, mettra fin à la distribution du courrier papier d’ici fin 2025, après plus de 400 ans de service. Une décision lourde de symboles, mais dictée par la réalité : la numérisation massive de la société danoise a rendu la lettre obsolète.
Au Danemark, la poste s’apprête à arrêter totalement la distribution de courrier papier, rapporte la BBC sur son site. « Les Danois ne reçoivent quasiment plus de lettres. C’est en baisse depuis des années », constate Kim Pedersen, directeur de PostNord interviewé par le média anglais. « En moyenne, ils en reçoivent une par mois. Ce n’est pas beaucoup. » Depuis 2000, le volume du courrier a chuté de plus de 90 %, passant de 1,4 milliard de lettres par an à 110 millions en 2024.
Envoyer une lettre, un luxe
Par ailleurs, le prix des timbres a fortement augmenté, faisant de l’envoi d’une lettre un vrai petit luxe. En 2024, une nouvelle loi a ouvert le marché postal à la concurrence privée et supprimé l’exemption de TVA (25 %), explique la BBC. Résultat : le timbre PostNord est passé à 29 couronnes (environ 4 euros).
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« En revanche, les Danois adorent acheter en ligne », constate le directeur de PostNord. « Le commerce électronique mondial explose, et nous nous adaptons. » Les fameuses boîtes aux lettres rouges, emblèmes des rues danoises, disparaissent donc progressivement : 1.500 doivent être retirées. Et c’est sur les colis que PostNord concentre désormais sa stratégie. Cette réorientation de l’opérateur postal public se traduit par une restructuration brutale. 2.200 emplois seront supprimés dans la branche courrier, tandis que 700 seront créés dans la logistique de colis.
Pour autant, au Danemark, la distribution ne s’arrêtera pas complètement. Le groupe privé DAO, historiquement distributeur de journaux et magazines, a annoncé qu’il assurerait le relais avec un service national de courrier. Il prévoit de traiter 30 à 40 millions de lettres par an dès 2026, en complément de ses livraisons de colis et journaux.
Une société numérique
Du mail aux paiements sans contact via smartphone, en passant par les cartes de santé numériques, il y a une appli pour tout au Danemark – deuxième pays le plus numérisé au monde après la Corée du Sud, selon l’indice 2023 de l’OCDE. Le gouvernement suit une politique de « digital par défaut ». Ainsi, depuis plus de dix ans, les échanges officiels avec la population se font par voie électronique, explique la BBC. « Nous vivons cette évolution naturelle vers une société numérique, plus tôt que d’autres pays », commente Kim Pedersen. « Le Danemark a peut-être cinq ou dix ans d’avance. »
Une tendance mondiale
Malgré son avancée technologique, le Danemark n’est pas un cas isolé. Selon un rapport de McKinsey, le volume de courrier a chuté de 30 % à 70 % dans tous les grands marchés depuis 2008. En Allemagne, la Deutsche Post a annoncé 8.000 suppressions de postes. Au Royaume-Uni, la Royal Mail réduit la distribution des lettres de deuxième classe à un jour sur deux. Aux États-Unis, le volume a baissé de 46 % en quinze ans.
Baisse du volume en Belgique
En Belgique, la réduction du courrier postal est aussi incontestable. Elle s’accélère, avec des volumes par habitant désormais parmi les plus bas d’Europe. En 2022, la Belgique a enregistré 93 envois de lettres par habitant par an, pour la première fois en dessous de la barre des 100 unités.
« Les lettres de masse vont disparaître »
Dans son rapport du quatrième trimestre 2024, bpostg indiquait une baisse structurelle du volume de courrier national (hors presse) de –8,1 %, partiellement compensée par un effet prix/mix positif de +5,3 %. La tendance s’est confirmée en 2025. Au premier trimestre, le courrier domestique (hors presse) a encore reculé de –8,0 % en volume, avec un effet prix/mix favorable de +3,9 %, ce qui s’est traduit par une perte nette de revenus de 9,7 millions d’euros, stipule Bpostgroup dans son rapport. Au deuxième trimestre, la chute s’est accentuée : –12,4 % de volumes, pour un impact de –30 millions d’euros sur les revenus, en partie compensé par un effet prix/mix de +4,1 % (+10 millions d’euros).
« Les lettres de masse vont disparaître », estime Hazel King, rédactrice en chef du magazine Parcel and Postal Technology International citée par la BBC. « Mais certains segments resteront essentiels, notamment les envois médicaux ou destinés aux personnes âgées. »
L’évolution danoise illustre ce qui attend sans doute la plupart des pays européens : un basculement du service postal vers le colis, tandis que la lettre ou la carte postale devient marginale, voire un objet de niche, et pour certains un objet rétro empreint de nostalgie.