Anne Browaeys (Club Med) : “La montée en gamme est le fruit de notre 
transformation depuis 20 ans”

Les vacanciers recherchent des expériences uniques et mémorables. © PG

2023 a été une année record pour le Club Med, avec un chiffre d’affaires proche des 2 milliards d’euros. Le spécialiste des séjours “all inclusive” a finalisé avec succès sa montée en gamme initiée il y a 20 ans et nourrit des projets ambitieux.

En 20 ans, le Club Med s’est réinventé et vise désormais “le luxe accessible”, une orientation délibérée pour éviter “d’être tirés par le low cost“, commente pour Trends Tendances Anne Browaeys, directrice générale des marchés Europe-Afrique. Dans un contexte où les habitudes et les préféren­ces des voyageurs évoluent.

TRENDS-TENDANCES. Le Club Med a annoncé des résultats record pour 2023. Comment expliquer cette performance?

Anne Browaeys, directrice générale du Club Med Europe-Afrique © PG

ANNE BROWAEYS. 2023 a été une année historique avec un chif­fre d’affaires proche des 2 milliards d’euros (ndlr: 1,981 milliard exactement), soit une croissance de 17 % par rapport à 2022. De plus, notre résultat opérationnel a atteint un niveau record, s’élevant à près de 174 millions d’euros, ce qui témoi­gne de la solidité de notre modèle économique. Dans le secteur du tourisme fortement exposé aux crises – sanitaire, énergétique, climatique –, il faut avoir les reins solides. En 2022, nous étions déjà revenus au niveau de rentabilité d’avant la pandémie. Cette croissance impressionnante est le fruit d’une transformation que nous avons initiée il y a 20 ans. En avril, nous avons achevé la réno­vation de tous nos resorts pour les positionner dans la gamme Premium ou Exclusive Collection. Cette évolution est un indicateur clé de la réussite de notre modèle économique et de notre offre.

Votre clientèle a-t-elle aussi évolué au cours des 20 dernières années ?

Notre stratégie de montée en gamme était motivée par la convic­tion que notre modèle économi­que de volume ne serait plus via­ble. Si nous restions dans le “ventre mou” du marché, nous allions nous retrouver tirés par le low cost. Nous avons délibérément choisi de nous orienter vers le secteur premium pour éviter que le Club Med ne devienne de plus en plus discount. Nous visons le “luxe accessible” car il y a des hôtels beaucoup plus luxueux.

Nous visons le “luxe accessible”


Nous avons perdu une partie de nos clients qui ont opté pour des mar­ques davantage dans leur budg­et. Ceux qui ont grandi avec nous et qui recher­chent une expérience plus haut de gamme nous ont suivis tout en retrouvant l’ambiance sportive et festive qu’ils aimaient étant plus jeunes. Cette évolution est logique. Par exemple, les amateurs de ski ne veulent plus sacrifier leur confort pour le même budget qu’une semaine en Tunisie. Nos offres peuvent sembler luxueuses pour certains vacanciers, surtout en haute saison, mais elles présentent un bon rapport qualité-­prix pour ce segment de gamme. Nous ne nous adressons pas seulement à une clientèle fortunée, nous proposons également des options plus abordables pour les familles, avec notamment des réductions pour les enfants de moins de six ans.

La saison estivale est lancée, quelles sont les destinations préférées des Belges ?

Les Belges représentent notre deuxième clientèle sur le marché Europe-Afrique, juste après les Français. Ils constituent une clientèle à la fois d’importance économique, mais aussi de cœur. Je tiens à rappeler que Gérard Blitz, le fondateur du Club Med était belge. Les Belges adorent nos resorts de montagne en hiver. Ils apprécient particulièrement notre formule all inclusive, qui rend les vacances au ski simp­les et sans stress, même pour les familles avec enfants. Nos stations de haute altitude comme Val d’Isère, Tignes, et La Plagne sont très populaires. Nous observons aussi que de nombreux Belges ont découvert notre offre de mon­tagne l’été dernier. De plus en plus de vacanciers choisissent la montagne pour échapper au mauvais temps ainsi qu’à la foule et à la chaleur des stations balnéaires. Cet été, nous avons ouvert huit resorts de montagne en Europe. En tout, nous en comptons treize en haute montagne. C’est une démarche volontariste de notre part d’en ouvrir un nouveau par an, vu le succès de ces destinations.

“Nous avons délibérément choisi de nous orienter vers le secteur premium pour éviter que le Club Med ne devienne discount.”

Club Med n’est pas présent dans notre Royaume. Pour quelles raisons?

Nous ne sommes pas présents en Belgique, ni en Angleterre d’ailleurs. La Belgique, en raison de sa taille et de son climat, ne correspond pas vraiment à notre modèle d’infrastructure. Notre offre se compose principalement de complexes en montagne, en bord de mer ou à la campagne, comme en Grèce, en Espagne, au Portugal. Mais, Vittel en France est à seulement quatre heures de route de la Belgique.

En parlant des changements post-pandémie, quelles tendances observez-vous chez les voyageurs ?

Depuis la crise sanitaire, nous avons remarqué plusieurs évolutions dans les habitudes de voyage. Tout d’abord, il y a eu ce que l’on appelle le revenge travel, le besoin de se faire plaisir en voyageant loin et à grands frais après une période de restrictions. Ensuite, nous observons une tendance croissante vers des séjours pendant lesquels les vacanciers recherchent des expériences uni­ques et mémo­rables plutôt que de simplement visiter des destinations. Au Club Med, nous répondons à cette demande en proposant une variété d’activités et de sports adaptés à tous les niveaux et à tous les âges.

De plus en plus de vacanciers choisissent la montagne en été (ici, le resort de Val d’Isère).

Quelle est la tendance pour les réservations ?

Il y a actuellement une polarisation entre les clients qui réservent très tôt et ceux qui attendent seulement quelques semaines avant leur départ pour prendre une déci­­sion. Cette tendance à la réservation de dernière minute est une forme de liberté pour nos clients, qui peuvent ainsi planifier leurs vacances selon leurs besoins et leurs contraintes personnelles.

Vous mentionnez aussi l’évolution vers des vacances intergénérationnelles. Pouvez-­vous nous en dire plus ?

Les vacances où les grands-parents, les parents et les petits-enfants partent tous ensemble montent en popularité. Souvent, ce sont les grands-parents qui régalent. (rires) Cette tendance reflète le désir des familles de se retrouver pour profiter de moments de qualité après une période de séparation comme ce fut le cas pendant la crise sanitaire. Les vacan­ces intergénérationnelles sont devenues une véritable tradition pour se créer des souvenirs.

Question incontournable à l’heure du réchauffement climatique: comment le Club Med intègre-t-il les enjeux de durabilité ?

Les Seychelles.

La durabilité a toujours été au cœur de la vision du Club Med. Elle est aussi devenue une préoccupation croissante de nos clients. Nous avons pris des mesures importantes pour intégrer cet enga­gement dans notre offre. Nous travaillons activement pour réduire notre empreinte écologique dans toutes nos infra­structures. Cela se traduit par plusieurs initiatives, telles que l’optimi­sation de la consommation énergétique des bâtiments, la gestion efficace de l’eau et la préservation de la bio­diversité. Nous investissons systématiquement jusqu’à 20 % de notre budget de construction dans des éléments visant à rendre nos bâtiments plus écologiques. De plus, nous utilisons des techno­logies innovantes, comme l’intelligence artificielle, pour réduire le gaspillage alimentaire. Nous faisons ensuite certifier nos efforts par un organisme appelé Green Globe. Chaque année, nos complexes sont réévalués.

“Les Belges représentent notre deuxième clientèle sur le marché Europe-Afrique, juste après les Français.”

Avez-vous un exemple concret?

Lors de la récente rénovation de notre complexe à Yasmina, près de Tanger au Maroc, nous avons mis en place des “jardins filtrants”. Les eaux grises des dou­ches et des lavabos, qui ne sont ni propres ni complètement sales, sont traitées grâce à des plantes filtrantes. Cela permet de recycler l’eau pour l’irrigation de nos espa­ces verts. Car, bien que seulement 10 % de nos terrains soient cons­truits, le reste doit être arrosé, ce qui nécessite une gestion efficace de l’eau.

Comment collaborez-vous avec les populations locales?

Dans les régions où nous sommes présents, nous cherchons à enrichir le tissu local. Nous nous enga­geons en travaillant avec des organisations et en soutenant des projets communautaires. Nous continuons à rechercher de nouvelles façons d’améliorer nos pratiques et de contribuer positivement aux communautés et à l’environnement dans lesquels nous opérons.


Par exemple, nous collaborons avec la Fondation Club Med pour soutenir les écoles locales et impliquer les habitants des quartiers défavorisés. De plus, dans les pays en développement, nous avons un partenariat de longue date avec l’ONG Agrisud pour former des agriculteurs locaux. Nous nous engageons à acheter leur production, qui est ensuite servie à nos clients. Cela crée un cercle vertueux. Les agriculteurs développent leurs compétences et ont une source de revenus, et nos clients apprécient les produits locaux frais. Ces derniers sont d’ailleurs de plus en plus intéressés par ces initiatives. Lorsqu’ils voient que les fruits qu’ils consomment ont été produits à seulement quelques kilomètres du resort, cela enrichit leur expérience de vacances. En résumé, la durabilité est au cœur de notre approche touristique. Comme nous aimons le dire en interne : “All in, even sustainability” (ndlr : tout est inclus, même la durabilité).

En juillet, l’hôtel Vittel l’Ermitage (5 Tridents), un ancien palace Art déco complètement rénové sur quatre hectares de golf, sera inauguré. © PG

Quelles sont les nouveautés du Club Med cette année ?

Nous avons récemment ouvert un espace Exclusive Collection à La Rosière dans les Alpes. Il offre une expérience haut de gamme avec un nombre limité de suites tout en conservant l’ambiance familiale de nos resorts. En décem­­bre prochain, nous ouvrirons un nouveau complexe à Serre-­Chevalier (5 Tridents) dans les Hautes-Alpes après d’importants travaux de rénovation de plus de 50 millions d’euros, dont plus de 5 dédiés à optimiser la consommation énergétique du bâtiment. Il offrira plus de confort avec moins de chambres, mais des prestations plus haut de gamme, ce qui répond à l’évolution des attentes de nos clients. En juillet, l’hôtel Vittel l’Ermitage (5 Tridents) sera inauguré. Il s’agit d’un ancien palace Art déco complètement rénové sur quatre hectares de golf.

“La durabilité a toujours été au cœur 
de la vision du Club Med.”

Quels sont vos développements futurs?

Au total, nous prévoyons l’ouverture de 13 nouveaux resorts d’ici fin 2026, ainsi que des rénovations et des extensions pour améliorer notre offre existante. En 2025, nous ouvrirons un nouveau resort en Malaisie, à Kota Kinabalu. Ensuite, en 2025-2026, nous nous lancerons au Bénin et en Afrique du Sud, des destinations où le Club Med n’est pas encore présent. Nous y sommes pionniers dans le secteur. Au Bénin, par exemple, nous collaborons avec le gouvernement pour développer le tourisme et créer une école d’hôtellerie. En Afrique du Sud, nous offrirons une expérience unique de “plage et safari”, adaptée aux familles.

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