La chaîne de vêtements américaine American Eagle est au cœur d’une polémique sur les réseaux sociaux, à la suite d’une publicité mettant en scène la célèbre actrice Sydney Sweeney. Une polémique qui, paradoxalement, a fait bondir le cours de l’action de la marque.
La campagne publicitaire de la collection automnale d’American Eagle est un succès. Les actions de la marque ont grimpé en flèche depuis la diffusion de la première publicité avec Sydney Sweeney. Une victoire en demi-teinte toutefois, car ces très bons résultats (+21 % au cours des cinq derniers jours) s’accompagnent d’une vive controverse sur les réseaux sociaux.
On peut d’ailleurs se demander si ce ne sont pas les accusations de publicité anti-woke qui dopent l’entreprise à Wall Street. Mais que reproche-t-on exactement à la marque ?
Un jeu de mots qui passe mal
La campagne publicitaire mobilise tous les clichés classiques pour mettre en valeur un produit – une paire de jeans, en l’occurrence : une jolie femme, une belle voiture, des gestes sensuels, etc. Rien d’original jusque-là. Le problème réside dans le slogan de la marque pour cette campagne : “Sydney Sweeney has great jeans”, soit en français : “Sydney Sweeney a de bons jeans”, jouant explicitement sur la ressemblance phonétique entre “jeans” et “genes” (gênes) en anglais.
Ce sous-entendu change la lecture de la phrase, et c’est justement l’utilisation de l’expression “great genes” qui passe mal. Beaucoup y voient une valorisation des caractéristiques physiques de la jeune femme, notamment sa blancheur et sa minceur, dans un contexte où les publicités cherchent justement à se montrer plus inclusives et diversifiées.
Si toute la campagne repose sur cette ambiguïté explicite, une vidéo en particulier a fortement retenu l’attention sur les réseaux sociaux, celle où l’actrice prononce : “Mes jeans sont transmis des parents à leurs enfants, déterminant souvent des traits tels que la couleur des cheveux, la personnalité et même la couleur des yeux… Mes jeans sont bleus”. Là encore, cette confusion phonétique constitue le nœud de la polémique.
Certains estiment que la publicité évoque une forme d’eugénisme, une idéologie fondée sur la distinction entre “bons” et “mauvais” gènes, censés être transmis génétiquement. D’autres, plus radicaux, ont parlé de “propagande nazie”, soulignant que Sydney Sweeney incarne des caractéristiques historiquement valorisées dans les théories raciales — peau claire, cheveux blonds, yeux bleus.
Nouvelle égérie anti-woke ?
Comme le souligne l’auteure de “Cultural Intelligence for Marketers”, Anastasia Kārkliņa Gabriel, sur LinkedIn : “D’un point de vue linguistique, cette campagne marketing reprend les mêmes symboles et codes qui ont longtemps servi à soutenir les fantasmes eugéniques de suprématie raciale et, par extension, MAGA (Make America Great Again, ndlr)”. Un positionnement qui n’a pas que des opposants.
Sur les réseaux sociaux, on trouve en effet de nombreuses réactions positives au message sous-jacent de la campagne d’American Eagle, mais aussi à l’intervention de l’actrice. Certains voient désormais Sydney Sweeney comme leur nouvelle égérie anti-woke.
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Peu de réactions
Pour l’heure, ni l’actrice ni la marque américaine n’ont réagi à la polémique. American Eagle a tout de même supprimé la vidéo la plus problématique de ses réseaux sociaux, mais le reste de la campagne avec le message “Sydney Sweeney has great jeans” est toujours visible partout.
On peut voir dans le manque de communication de l’entreprise un certain opportunisme. En perte de vitesse depuis le début de l’année, avec une chute de 35 % de ses actions, l’entreprise américaine avait revu ses objectifs annuels à la baisse il y a deux mois, en raison d’un premier trimestre mitigé. Faire l’objet d’une polémique n’est peut-être pas un prix trop élevé à payer si ça relance l’entreprise à Wall Street.