Amazon devant la justice américaine pour ses pratiques autour de Prime

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Accusé d’avoir piégé des millions de consommateurs dans son abonnement payant, le géant de l’e-commerce fait face dès ce lundi à un procès décisif à Seattle.

Le dossier remonte à 2023, lorsque la Federal Trade Commission (FTC), l’agence américaine de protection des consommateurs, a ouvert une enquête sur les méthodes d’Amazon. Elle accuse l’entreprise d’avoir sciemment déployé des interfaces manipulatrices, les fameux dark patterns, afin d’inciter les clients, au moment du paiement, à souscrire à Prime, son service phare facturé 139 dollars par an.

L’affaire repose sur deux volets principaux : d’un côté, l’acquisition d’abonnés sans leur consentement explicite via un processus de paiement jugé confus ; de l’autre, un système de résiliation volontairement dissuasif. Ce dernier, surnommé en interne « Iliade », en référence à l’œuvre d’Homère sur la longue guerre de Troie, obligeait les clients à franchir quatre pages, six clics et pas moins de quinze options pour annuler leur abonnement.

Un modèle économique au cœur du procès

Amazon n’a jamais caché l’importance stratégique de Prime. Ce service, qui génère environ 25 milliards de dollars par an, est devenu central dans le modèle économique du groupe : ses abonnés dépensent beaucoup plus que les clients non-membres. Selon les documents de la cour, Amazon était conscient de la prolifération des « inscriptions non sollicitées », mais aurait freiné les propositions de simplification, jugées trop risquées pour ses revenus.

La FTC reproche également au géant du commerce en ligne de masquer certaines informations clés, comme le prix réel ou le renouvellement automatique, reléguées en petits caractères, tandis que les boutons d’adhésion apparaissaient en évidence.

Une offensive judiciaire élargie contre les Big Tech

Ce procès s’inscrit dans une série d’actions engagées ces dernières années, aussi bien par les démocrates que par les républicains, pour contenir la domination des géants technologiques tels qu’Amazon, Google ou Apple, après une longue période de mansuétude gouvernementale.

Amazon fait d’ailleurs déjà face à une autre procédure intentée par la FTC pour monopole illégal. Celle-ci sera examinée en 2027 par le même juge fédéral, John Chun, qui préside également le procès actuel.

De son côté, la multinationale entend démontrer que la loi ROSCA de 2010, invoquée par la FTC, n’interdit pas clairement les pratiques en cause. Ce texte impose en effet d’obtenir le consentement explicite des consommateurs, d’afficher clairement les conditions de facturation et de permettre un désabonnement simple. Pour Amazon, la FTC va trop loin dans son interprétation.

Le groupe assure par ailleurs avoir déjà simplifié ses processus d’inscription et de résiliation, estimant les accusations devenues obsolètes.

Un procès de quatre semaines sous haute attention

Le procès devrait durer environ un mois. Il reposera en grande partie sur des communications internes, des documents confidentiels et les témoignages de dirigeants et d’experts du groupe. La FTC réclame des sanctions, des compensations financières pour les clients et une injonction visant à contraindre Amazon à modifier durablement ses pratiques.

L’issue de ce dossier pourrait avoir des répercussions bien au-delà du seul abonnement Prime, en fixant un précédent sur l’encadrement des dark patterns et sur la manière dont les Big Tech conçoivent leurs interfaces pour orienter le comportement des consommateurs.

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