Alsico est pionnier dans le recyclage du polyester: “Notre montagne de déchets est notre matière première”

VINCENT SIAU "Dans mon secteur, la sécurité prime sur la circularité." © Alsico

Aucun type de textile n’est aussi difficile à recycler que les vêtements de protection. Le producteur est-flandrien Alsico propose une solution. Pour ce tour de force, il a collaboré avec le canadien Sixone.

Alsico avait déjà mis en place, avec son fournisseur de tissus espagnol, un programme de recyclage mécanique pour recycler les déchets de coupe, qui apparaissent lors de la découpe des patrons. Mais le grand défi pour réutiliser le textile se situe, pour tout le secteur de l’habillement, dans le textile que le consommateur met au rebut et qui est beaucoup plus difficile à réutiliser. Alsico a souhaité s’attaquer à ce problème. Pour cela, il travaille avec Sixone. Cette entreprise canadienne pratique le recyclage chimique, différant du recyclage mécanique.

“Le recyclage chimique ramène le polyester à un monomère, pour ensuite en refaire un polymère, explique Vincent Siau, le directeur d’Alsico. Dans le recyclage mécanique, un polymère reste un polymère. À chaque traitement, la fibre devient de plus en plus courte. Vous pouvez répéter ce procédé au maximum sept ou huit fois. Finalement, la fibre ne vaut plus rien.”

L’innovation de Sixone produit des granulés de polyester de haute qualité, avec lesquels Alsico peut fabriquer des vêtements entièrement constitués de matériau recyclé. Le nouveau polyester à base de matières premières fossiles devient ainsi superflu. “Le recyclage chimique constitue l’avenir. On peut aller beaucoup plus loin qu’avec les procédés mécaniques”, affirme Vincent Siau.

Pourtant, ces procédés demandent beaucoup d’énergie et sont coûteux, indiquait une étude européenne de VITO de 2021. “Mais depuis, le recyclage chimique est devenu plus efficace, assure Vincent Siau. Je suis convaincu qu’à terme, les fils recyclés arriveront sur le marché au même prix que les fils européens neufs.” Les fils asiatiques resteront cependant toujours moins chers, reconnaît-il.

“Le recyclage chimique constitue l’avenir. On peut aller beaucoup plus loin qu’avec les procédés mécaniques.” – Vincent Siau (Alsico)

Anciennes halles

Le bâtiment administratif et les entrepôts de l’ancien site de production du fabricant de vêtements de travail Alsico sont presque vides. Vincent Siau a déménagé son équipe il y a deux ans vers un bâtiment moderne à Renaix. Dans les vieilles halles se trouvent toutefois des vêtements de travail mis au rebut, stockés dans d’énormes cubes en carton ou en plastique. Chacun contient environ 100 à 120 kilos de vêtements. On y trouve des combinaisons blanches et des bottes de sécurité destinées à l’industrie pharmaceutique, des vêtements de protection rétro-réfléchissants pour les ouvriers routiers et des masses de blouses de laboratoire. “Il y en a 79 tonnes, raconte Vincent Siau. Je préférerais que l’entrepôt soit vide.”

L’entrepreneur a récupéré tous ces vêtements. Alsico ne loue pas de vêtements de travail, mais les vend directement à ses clients, de Pfizer à Colruyt Group. Ces acheteurs ne sont pas obligés de rapporter les vêtements après usage. Seuls 10% de ce qu’Alsico produit revient à Renaix après utilisation. Grâce à une collaboration avec notamment le groupe de blanchisseries Ellis, le plus grand d’Europe, ce chiffre est déjà un peu plus élevé qu’avant. Vincent Siau a des projets ambitieux : il espère pouvoir recycler tous ces vêtements.

Mauvaises substances

ALSICO: “On veut récupérer le textile, mais pas les mauvaises substances.” © Alsico

Ce n’est en rien évident. Actuellement, seulement 1% de tout le textile dans le monde est revalorisé à haute valeur. Le textile avec lequel sont fabriqués les vêtements de protection est encore beaucoup plus difficile à recycler que celui des articles de mode. Notre interlocuteur donne l’exemple d’un tissu protecteur qu’Alsico a lui-même développé : il se compose de deux plastiques qui ne peuvent pas prendre feu, l’aramide coûteux et le modacrylique confortable, et de coton bio avec une finition déperlante. Les monomatériaux – tissus composés d’un seul type de fibre, comme le polyester 100% – ou les mélanges comme le polycoton sont beaucoup plus faciles à récupérer. Les entreprises de recyclage ne s’attaquent pas aux finitions et aux revêtements. Vincent Siau le comprend mieux que quiconque. “On veut récupérer le textile, mais pas les mauvaises substances.”

L’exemple le plus connu est le PFAS. Alsico termine 4% des vêtements de protection avec une “faible dose” de cette substance. Pour certaines applications dans les vêtements de sécurité, on ne peut pas se passer de PFAS, par exemple pour les combinaisons de pompiers. “Dans mon secteur, la sécurité prime sur la circularité, affirme Vincent Siau. C’est la raison pour laquelle ces vêtements sont fabriqués. Ce que vous pouvez encore en faire ensuite est secondaire.”

Toutes les ambitions mises à part, tant que la demande n’est pas au rendez-vous, le recyclage textile ne décolle pas. Les fibres recyclées coûtent toujours beaucoup plus cher que les fils neufs. La Commission européenne envisage d’obliger les producteurs à utiliser des matériaux recyclés dans leur production, afin de stimuler ce marché.

Fermetures éclair et boutons

Ellis paie 40 centimes d’euro par kilo de textile lorsqu’il apporte les vêtements non triés chez Alsico. Mais pour pouvoir recycler des vêtements, il faut plus que simplement les trier. La plupart des revalorisateurs obligent les collecteurs de vieux textiles à retirer fermetures éclair, boutons et bandes réfléchissantes. Cela devrait se faire manuellement, ce qui fait encore augmenter les coûts. “On nous conseille de faire réaliser cela dans des entreprises de travail adapté, explique Vincent Siau. Mais cela coûte encore toujours énormément d’argent.”

Deux entreprises belges répondent à ce besoin. La société bruxelloise Resortecs a inventé un fil à coudre fusible, grâce auquel les accessoires des vêtements se désagrègent à haute température. Le constructeur de machines ouest-flandrien Valvan a construit une installation, le Trimclean, qui découpe les vêtements mis au rebut et les filtre automatiquement selon les éléments contenant des accessoires. Vincent Siau a trouvé une solution alternative auprès de l’entreprise canadienne de recyclage chimique Sixone. Contrairement à d’autres recycleurs, Sixone peut traiter des vêtements avec fermetures éclair et boutons. “Tout peut aller ensemble dans le réacteur. C’est un gamechanger“, sourit le directeur d’Alsico.

“L’industrie européenne se plaint souvent d’un manque de matières premières propres, conclut-il. Mais ce n’est pas vrai, parce que nous sommes le plus grand marché de consommation. Notre montagne de déchets est notre matière première.” Pour le textile, il voit beaucoup d’opportunités : “La plupart du polyester recyclé est actuellement fabriqué à partir de bouteilles PET. Mais si vous regardez les objectifs de recyclage d’acteurs comme Coca-Cola et Procter & Gamble, alors vous savez qu’à l’avenir, il ne restera plus de bouteilles PET pour encore fabriquer des tee-shirts.”

“Pour le nouveau polyester, nous dépendons de l’Asie, déclare Vincent Siau. Non seulement de la Chine, mais aussi de pays comme le Vietnam, la Corée du Sud et le Pakistan.” C’est précisément pour cette raison qu’il considère le recyclage du polyester en nouveau polyester comme l’avenir. “Cela nous donne une position plus forte que si la matière première se trouvait dans une région lointaine. Ainsi, nous dépendons moins de l’étranger, mais nous fabriquons nos vêtements nous-mêmes.”

Le secteur belge des vêtements de travail veut recycler davantage


Alsico

Febelsafe, l’organisation faîtière des producteurs belges de vêtements de protection, constate que les fabricants veulent recycler davantage. “Beaucoup d’entreprises sont toutefois encore en recherche, déclare le secrétaire général sortant Gwin Steenhoudt. Il est souvent question de downcycling – des petits sacs sont par exemple fabriqués à partir de vêtements haute visibilité. Gwin Steenhoudt salue un projet comme Doctor Green mené par l’entreprise textile flandrienne orientale Utexbel ou encore la collaboration entre Resortecs et des fabricants comme Sioen.

Utexbel collecte des uniformes hospitaliers. Elle en file de nouveaux fils, qui sont réutilisés pour des vêtements dans le secteur des soins. Sioen intègre le fil à coudre fusible de Resortecs dans une partie de ses textiles. “Pas dans tout, parce que toutes les compositions textiles ne peuvent pas encore être recyclées, explique le directeur technique Ivan Deceuninck. Un vêtement dure environ quatre ans. Si nous sommes certains que le textile ne recevra pas de seconde vie plus tard, nous n’y intégrons pas de fil à coudre afin de pouvoir le revaloriser.”

Sarah Vandoorne

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