La Cour constitutionnelle doit se prononcer le 2 juillet sur le report du calendrier de la Zone de Basses Émissions (LEZ) à Bruxelles. Dans ce contexte, un rapport de l’ASBL Les Chercheurs d’Air, réalisé en collaboration avec l’UCLouvain, révèle que les 133 établissements de santé de la capitale sont exposés à des niveaux de dioxyde d’azote (NO₂) largement supérieurs aux normes sanitaires, un constat dénoncé comme un recul sanitaire alarmant.
Le constat est sans appel : 100 % des hôpitaux, cliniques et maisons de repos bruxellois dépassent la norme de qualité de l’air fixée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit 10 microgrammes par mètre cube (µg/m³) en moyenne annuelle de dioxyde d’azote (NO₂). Parmi les 133 sites étudiés par le logiciel de modélisation SIRANE, développé par l’UCLouvain et relayé par l’ASBL bruxelloises Les Chercheurs d’Air, 25 établissements affichent des niveaux entre deux et trois fois supérieurs à cette norme.
Un site, la Maison de Repos des Petites Sœurs des Pauvres située dans le centre de Bruxelles, non loin du quartier des Marolles frôle même les 35 µg/m³, soit plus de trois fois la recommandation de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le tout dans un contexte où les personnes âgées, les malades chroniques ou les enfants, principaux usagers de ces structures, sont particulièrement vulnérables à ce type de pollution. Pour rappel, d’après l’OMS, le dépassement de ce seuil est associé à des risques importants pour la santé publique.
Des résultats sous-estimés
Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg : selon les auteurs du rapport, les résultats sont probablement sous-estimés. Le modèle prend en effet en compte des données de trafic qui n’intègrent pas le ring de Bruxelles, pourtant générateur d’émissions importantes à proximité de plusieurs établissements. De plus, les mesures sont réalisées en haut des bâtiments, alors que l’exposition réelle, au niveau de la rue, est souvent bien plus élevée.
Bruxelles fait partie des villes européennes les plus polluées au dioxyde d’azote (NO2). Elle souffre également, comme beaucoup d’autres zones urbaines, des émissions de particules fines. Le trafic routier est responsable d’une grande partie de ce problème. Il émet 23% des particules très fines (PM2.5) et 47% des oxydes d’azote (NOx).
En toile de fond de cette alerte sanitaire, une actualité politique et judiciaire: le mercredi 2 juillet prochain, la Cour constitutionnelle entendra les arguments des Chercheurs d’Air, soutenue par plusieurs associations, dans le cadre d’un recours contre le report du calendrier de la LEZ. Initialement, la sortie des véhicules Euro 5 diesel était prévue pour 2025. Elle a été repoussée à 2027. Pour les associations, ce délai est injustifié au vu de l’urgence sanitaire. Ce report affaiblit la protection de la santé et de l’environnement des Bruxellois.
Mort prématurée de plus de 4.000 Belges d’ici 2040
“Nous sommes face à un scandale sanitaire. Les hôpitaux, les cliniques et les maisons de repos et de soins sont des lieux dans lesquels on est censé pouvoir guérir. Or on se rend compte qu’on y respire probablement une pollution à des niveaux dangereux pour la santé. Le remède ne doit pas être pire que le mal !”, alerte Pierre Dornier, directeur de l’asbl qui souligne encore qu’“une LEZ bruxelloise ambitieuse avec une sortie du diesel d’ici 2030 et du thermique d’ici 2035 contribuerait à régler ce problème.”
L’ASBL pointe par ailleurs le scandale du Dieselgate, toujours d’actualité selon une récente analyse de ClientEarth et CREA. Certains véhicules récents équipés de dispositifs frauduleux pourraient causer la mort prématurée de plus de 4.000 Belges d’ici 2040, si aucune mesure n’est prise. Selon ce tableau du CREA détaillé par pays, ces émissions excessives ont déjà causé environ 124.000 décès prématurés dans l’UE et le Royaume-Uni. Si aucune mesure n’est prise d’ici 2040, 81.000 décès supplémentaires sont projetés, portant le total à 205.000 décès prématurés sur la période 2009-2040.
Une LEZ ambitieuse, mais affaiblie
Le gouvernement bruxellois s’est engagé à une sortie du diesel d’ici 2030 et du thermique d’ici 2035. Mais le report de l’échéance 2025 jette un doute sur la fermeté de ces engagements. Ce genre de décisions fragilise la crédibilité de la politique climatique bruxelloise. Certains observateurs craignent que le report du calendrier réponde à des pressions de l’industrie automobile, au détriment des objectifs climatiques de la Région.
Pourtant, les leviers d’action ne manquent pas : rues scolaires, quartiers apaisés, autopartage, livraisons mieux encadrées, autant de pistes avancées dans le rapport SIRANE comme compléments à la LEZ pour lutter contre la pollution.

Une cartographie inquiétante
Le rapport SIRANE ne se contente pas d’alerter : il met également à disposition une cartographie précise de la pollution NO₂ à Bruxelles, établissement par établissement. De nombreux hôpitaux du centre-ville, comme la Clinique Saint-Jean (sites Botanique et Méridien), le CHU Saint-Pierre (Alexiens et Porte de Hal) ou le Centre médical Parc Léopold, affichent des concentrations supérieures à 20 µg/m³.Parmi les 25 établissements surexposés au NO2 se trouvent :
La polyclinique du Lothier
La Clinique Saint-Jean – Site Botanique
Le Centre médical Parc Léopold
La Clinique Saint-Jean – Site Méridien
La Clinique de la Basilique
Le CHU Saint-Pierre – Site Site Alexiens/César de Paepe
Le Centre Medical Europe-Lambermont
Le CHU Saint-Pierre – Site Porte De Hal
Consultez la carte interactive des établissements concernés ICI
Ces 8 sites comptabilisent plusieurs centaines de milliers d’admissions chaque année.
